Article Recma

Propos d’actualité et d’inactualité, 1887-1931

« Les oeuvres de Charles Gide », vol. XII. Comité pour l’édition des œuvres de Charles Gide. Paris, L’Harmattan, 2008.
 
Avec ce douzième volume s’achève cette remarquable édition des oeuvres de Charles Gide. Il est présenté par Marc Pénin, auteur d’une biographie de l’économiste parue en 1998 en introduction de cette édition dont il fut le maître d’oeuvre soutenu par André Chomel, ancien dirigeant du Crédit coopératif et président de la fondation de cette banque.

La première partie de l’ouvrage comprend des « miettes d’actualité ». Ce sont des textes courts publiés entre 1887 et 1927 dans les revues auxquelles l’auteur avait coutume de participer : la Revue d’économie politique, qu’il avait fondée, des revues de son engagement de chrétien réformé, Le Huguenot et Foi et Vie, des publications d’intérêt général comme La Semaine littéraire et surtout L’Emancipation. L’actualité de l’époque y rejoint la nôtre : le racisme à l’encontre des travailleurs d’origine étrangère, la place du machinisme et de la technique, les rapports avec la Chine, le sens d’un nouveau siècle qui commence, la diversification des formes d’énergie, les relations avec l’Allemagne, les grèves et les problèmes sociaux, les problèmes monétaires.

Leclerc, enquête sur un système

Frédéric Carluer-Lossouarn. Editions Bernard Gobin, 2008, Rennes.

Ecrit par Frédéric Carluer-Lossouarn, journaliste à Linéaires et spécialiste de la grande distribution, cet ouvrage est un éclairage sur une organisation à l’identité coopérative a priori plutôt discrète, le mouvement Leclerc. Si le titre et la quatrième de couverture pourraient apparaître comme racoleurs, il s’agit bien d’une véritable enquête journalistique, avec les qualités de précision et d’investigation que l’on est en droit d’attendre de ce type de travail.

L’ESS au Mexique: une alternative, sans hésitation !

Les commissions de promotion des coopératives et de l’économie sociale de l’Assemblée nationale mexicaine ont tenu leur deuxième congrès international les 18 et 19 mars à la Chambre des députés de Mexico. Plusieurs représentants de l’économie sociale européenne y étaient invités, comme la Confédération espagnole d’entreprises de l’économie sociale (Cepes) ou le Ceges. Alors qu’en France les différentes familles de l’ESS peinent à trouver les termes d’une parole commune et des terrains d’investissement partagés, pour les députés de cet Etat fédéral, les représentants des structures de l’ESS mexicaine et ceux du Mercosur (marché commun d’Amérique du Sud), la crise actuelle démontre l’impérieuse nécessité de l’économie sociale et solidaire.

Taxis paris solidaires, une histoire coopérative du taxi parisien et du groupement Gescop

Laurent Lasne. Editions Le Tiers Livre, 2007, 312 pages.

Le taxi est, par excellence, un révélateur de l’évolution sociale, économique et technique de la société et des luttes sociales qui la traversent. Dans Taxis paris solidaires, Laurent Lasne nous propose de découvrir une histoire coopérative du taxi parisien en retraçant l’histoire de ce métier et surtout des hommes qui ont mené la course sur la chaussée souvent glissante (et pas seulement du fait du pavage en bois de l’avenue des Champs-Elysées dans les années 1880). C’est aussi l’histoire du rapport entre capital et travail, ainsi que celle de la participation. De l’ère de la traction hippomobile à celle du guidage par GPS, certains ont choisi de prendre « la route alternative de la coopération », comme le souligne Jean-François Morève, alors directeur de Gescop – la plus importante société coopérative française (Scop) en nombre d’associés –, dans son avant-propos. 

Les armuriers de l’Etat, du Grand Siècle à la globalisation (1665-1989)

Patrick Mortal. Lille, Presses universitairesdu Septentrion, 2007, 335 pages.

L’ouvrage de Patrick Mortal, issu d’une thèse de doctorat soutenue à l’université de Lille en 2004, évoque l’histoire d’un monde professionnel méconnu, celui des arsenaux de terre. Au coeur du système industrialo-militaire encadré par l’Etat, le groupe des ouvriers apparaît comme l’acteur principal d’une épopée qui commença dans les années 1660 pour s’achever en 1989.
Evoluant de statut en statut, sous la double responsabilité des entrepreneurs détenteurs d’un monopole de fabrication et des inspecteurs soucieux de l’intérêt public, ces ouvriers qualifiés et revendicatifs expérimentent précocement la notion de protection sociale liée à l’exercice d’une profession.

La microfinance en Afrique de l’Ouest : histoires et innovations

 A. Ouédraogo et D. Gentil (coord.). CIF-Karthala, Paris, 2008, 307 p.

Ce livre, fruit d’un long processus jalonné par plusieurs ateliers d’écriture, répond à une double ambition: conserver la mémoire institutionnelle de six réseaux mutualistes d’épargne et de crédit ouest-africains et renforcer la visibilité nationale et internationale d’expériences originales dans le domaine de la microfinance. L’initiative n’est pas anodine. D’une part, ces organisations sont souvent antérieures à la mode du microcrédit et, dans un secteur largement dominé par les acteurs financiers de la coopération internationale et leurs normes (best practices), il est rare d’entendre les praticiens du Sud. D’autre part, le mouvement coopératif regroupé au sein de la Confédération des institutions financières (CIF) compte 1,8 million de membres, 111 milliards de FCFA de dépôts et plus de 99 milliards de prêts, soit respectivement 38% du public, 42% des dépôts et 32% du crédit de la microfinance en Afrique de l’Ouest, ce qui peut apparaître comme un paradoxe face au dénigrement dont les coopératives et l’économie sociale font l’objet dans le secteur. Encore dépendant des subventions dans les années 90, le mouvement dégage un résultat net consolidé positif depuis 2002, même si certains réseaux ont traversé de graves crises qui ne sont pas occultées dans l’ouvrage.

Comprendre l’économie sociale, fondements et enjeux

Jean-François Draperi. Dunod, 2007, 244 p.
 
Le titre même de l’ouvrage de J.-F. Draperi traduit bien l’ambition et l’objectif qui animent l’auteur: faire entendre à ceux qui « clament » leur volonté d’« entreprendre ensemble » et « autrement » qu’il est nécessaire, avant tout, de « comprendre « les fondements (doctrinaux, techniques et praxéologiques) de l’économie sociale et, pour cela, de faire et refaire le voyage aux sources de « l’invention de l’économie sociale ». Il faut donc « entreprendre d’apprendre » (Desroche H., Entreprendre d’apprendre, d’une autobiographie raisonnée aux projets d’une recherche-action, apprentissage 3, Les Editions ouvrières, 1990) ou de réapprendre la vraie nature de l’économie sociale vécue par ses acteurs et de l’économie sociale conçue par ses auteurs.
La « leçon »  de J.-F.Draperi peut concerner divers publics ou auditoires. A l’évidence, elle s’adresse d’abord aux « dirigeants » présents et à venir des entreprises et des organisations de l’économie sociale et solidaire (OESS), trop souvent oublieux de leur patrimoine et des « spécificités méritoires » de leur modèle d’organisation entrepreneuriale et des pratiques sociales qui en découlent. Mais la leçon devrait aussi concerner les responsables politiques et les grands commis de la puissance publique qui attendent de cette économie sociale très « clamée » ou proclamée quelques réponses innovantes et pertinentes face aux enjeux économiques, sociaux et sociétaux de notre temps.

Godin, inventeur de l’économie sociale : mutualiser, coopérer, s’associer

Jean-François Draperi. Ed. Repas, collection « Pratiques utopiques », 2008.

Faut-il remiser au musée de la coopération et de l’économie sociale, après avoir déjà tout dit et tout écrit à leur propos, le Familistère de Guise et son créateur, Jean-Baptiste Godin? Assurément non, comme le démontre Jean-François Draperi dans son livre Godin, inventeur de l’économie sociale. L’auteur met en lumière la modernité de cet « expérimenteur « qui « a mis ses idées en pratique avec les hommes (et les femmes, autre anticipation de Godin et non des moindres) avec lesquels il bâtit, bien au-delà du travail, une véritable contre-société coopérative », comme le souligne l’éditeur dans son avant-propos. Plus que l’aventure du Familistère (mais faut-il parler d’aventure pour une organisation qui a vécu un siècle dont quatre-vingts ans sans Godin ? Aventure humaine, à ne pas en douter), le livre offre aux lecteurs un portrait à multiples facettes de celui que Jean-François Draperi considère comme « l’un des fondateurs de l’économie sociale et sans doute le plus moderne d’entre eux ».

L’expérience coopérative, regards et interrogations

Jean Lacroix. Alexis, 2007, 170 pages.

L’ouvrage de Jean Lacroix est un recueil d’articles qui prend place parmi de nombreux travaux de l’auteur principalement consacrés à la coopération et particulièrement aux coopératives de consommateurs. Cette oeuvre témoigne d’un parcours à la fois académique et hautement professionnel. Après avoir suivi les enseignements de Georges Lasserre à Lyon, Jean Lacroix a soutenu à Paris en 1956 un doctorat en sciences économiques sur « La distribution coopérative « (Ed. de Minuit, 1957). Il travaillait déjà depuis 1951 à l’Union des coopérateurs de Lorraine et devait accéder en 1985 à la présidence du comité national de la fédération (FNCC). Il a ainsi balayé le XXe siècle entier grâce à des travaux historiquement enracinés dans le XIXe proche, qui se poursuivent aujourd’hui par une ouverture au XIXe siècle, auquel le recueil s’adresse. Son article sur l’économie sociale, paru en 1985 dans un numéro spécial de la Recma en hommage à G. Lasserre, témoigne instamment de cette ouverture. Il s’y interroge sur la « profondeur « du concept et semble faire écho aux efforts actuels du Ceges, qui appelle à nouveau chercheurs et praticiens à une tentative de coordination (« Regards croisés », janvier, octobre 2008).

"Nous protégeons l’infortune" Les origines populaires de l’économie sociale au Québec

Martin Petitclerc. VLB éditeur, 2007, 283 p.

L’Union Saint-Joseph représente l’une des figures emblématiques de l’histoire des sociétés de secours mutuels au Québec. Le récit de son irrésistible ascension et de son déclin non moins irrésistible franchit largement les limites du genre monographique. L’analyse de Martin Petitclerc, professeur d’histoire de l’université du Québec à Montréal (Uqam), porte moins sur le patrimoine social accumulé par cette entreprise solidaire que sur les causes de son échec programmé. L’auteur nous offre là une remarquable défense et illustration du caractère universel de la pratique mutualiste dans sa confrontation avec l’économie de marché mondialisée.