histoire

Frédéric Le Play, une réforme sociale sous le Second Empire

Maguelone Nouvel (préface de Geneviève Gavignaud-Fontaine). Paris, Economica, collection « Economies et sociétés contemporaines », 2009, 265 p.

Le nom de Frédéric Le Play est fréquemment associé à l’économie sociale sans que les raisons de cette association soient forcément bien connues, et si son rôle dans l’organisation des expositions universelles de 1855 et 1867 ainsi que dans la création de la Société d’économie sociale est notoire, son oeuvre scientifique reste, elle, peu exposée. Le remarquable travail d’historien que réalise Maguelone Nouvel permet de pallier ce manque de connaissances et de mesurer la portée des deux ouvrages majeurs de Le Play : Les ouvriers européens, en 1855, et La réforme sociale, en 1864. En précisant que la méthode leplaysienne passe par la multiplication des expériences, l’étude des conditions de prospérité des populations, l’énoncé des lois ou des principes que l’on peut tirer des faits, Maguelone Nouvel fait surgir l’originalité d’une pensée complexe, ses rapports à divers courants sociaux du xixe siècle et nous plonge au centre des débats et des controverses concernant la question sociale.

Restituer à l’ESS sa mémoire

A l’heure où l’ESS connaît à la fois une forme de reconnaissance et un risque de division, qu’elle se penche sur sa mémoire apparaît non seulement comme utile, mais peut-être aussi comme nécessaire. Les fonds documentaires français relatifs à l’économie sociale et solidaire ont connu une histoire compliquée. Ceux relatifs à la coopération ont été réunis dans les années 70, puis divisés dans les années 90, pour devenir sinon inaccessibles, du moins difficilement consultables. Les fonds mutualistes ont bénéficié jusque récemment d’un traitement de faveur qui a permis l’expression de travaux remarquables, en particulier dans la collection "Racines mutualistes", mais subissent aujourd’hui un retrait regrettable (cf. A. Levesque, Recma, n° 285, juillet 2002, et B. Gibaud et P. Toucas dans le numéro 316). Les fonds associatifs sont dispersés. Reste un lieu qui a su maintenir une visibilité constante et récemment réunir les fonds les plus importants, comme ceux issus du grand mouvement de la coopération de consommation. Le Cedias est ce lieu.

L’utilité sociale pour éclairer la face cachée de la valeur de l’économie sociale (par Maurice Parodi)

[Une version substantiellement remaniée de ce texte a été publiée dans le n°315 de la Recma]

Introduction

L’émergence de la notion d’utilité sociale dans le langage administratif est relativement récente. Les principaux textes législatifs ou réglementaires qui s’y réfèrent explicitement remontent à la fin des années 1990 ou tout au début des années 2000 (I1).

Réinventer le mutualisme en Colombie

Après avoir restitué brièvement la genèse du mutualisme en Colombie (inspirations, poids dimension politique), l’auteur s’attarde sur les causes de l’atonie qui a caractérisé la mutualité colombienne au tout début du XXIe siècle. L’accès à la santé est largement compromis pour les classes populaires et le mouvement mutualiste colombien n’offre pas de solution. La démonstration met l’accent sur les dysfonctionnements internes du secteur : la corruption, les pratiques clientélistes et l’incompétence des dirigeants, auxquelles s’ajoutent une certaine paresse théorique et l’absence de référentiel identitaire. La confédération Colombiamutual a été créée en 2005 à Bogota dans le but de permettre à la mutualité de prendre un nouvel envol dans ce pays. La mutualité colombienne doit, selon l’auteur, s’investir davantage dans l’assurance maladie, qu’elle pourrait contribuer à généraliser à toutes les catégories socioprofessionnelles. Plus largement, pour la confédération Colombiamutual, la mutualité doit viser à répondre à la multiplicité des besoins sociaux : éradication de la pauvreté, promotion du travail coopératif, organisation de l’éducation et de la culture…

Numéro de revue: 
315
Année de publication: 
2010
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PDF icon 315_100108.pdf39.95 Ko
Auteur(s): 
Fabio Alberto Cortés Guavita

Séminaire du RIUESS, Marne-la-Vallée, 4-5 février 2010

Après dix ans de colloques du Réseau Inter-Universitaire de l’Économie Sociale et Solidaire et de multiples manifestations scientifiques, de nombreux thèmes ont été abordés et ont permis d'approfondir les divers enjeux, domaines et difficultés de l'ESS. En dépit d’une somme de recherches et publications consacrées à l’ESS, il n'existe pas d'accord, même en interne, sur ses contours et ses fondements, ce qui constitue une faiblesse scientifique indéniable vis-à-vis des théories ou analyses classiques. (English below)

Traité d’économie sociale à l’usage des malentendants suivi de L’encre de la révolte

Laurent Lasne. Le Tiers Livre, février 2009.

Laurent Lasne est, entre autres, un excellent connaisseur des Scop. Au sein de Participer, le magasine de la confédération, de sa maison d’édition ou d’autres, il a déjà commis de nombreux ouvrages et études historiques sur le mouvement en général, telle fédération (1) ou entreprise en particulier. Il élargit ici le propos à l’économie sociale, puis, dans une seconde partie, livre une monographie de l’Imprimerie nouvelle, association ouvrière emblématique de la coopération de production. 

La gestion participative, une utopie réalisée? L’expérience d’Alexandre Dubois aux aciéries de Bonpertuis

La participation des salariés à la gestion est restée un phénomène très minoritaire, cantonnée à quelques expérimentations. En revanche, la participation des salariés au capital a connu un développement important, surtout au cours des vingt dernières années. Or, la gestion participative s’appuie de manière indissociable sur la combinaison de ces deux dimensions. Cet article se donne pour objectif d’analyser historiquement le cas emblématique d’une entreprise ayant mis en place des structures originales de gestion participative afin de dégager certaines conditions permettant la réussite d’un tel projet. Nous soulignons notamment le rôle fondamental de l’engagement personnel du dirigeant, mais aussi l’importance de la dimension psychologique dans la réussite de ce projet d’entreprise.
Numéro de revue: 
313
Année de publication: 
2009
Fichier attachéTaille
PDF icon 313_086098.pdf108.73 Ko
Auteur(s): 
Xavier Hollandts

L’économie sociale et solidaire une alternative à l’économie « capitaliste » ? Par Maurice Parodi

 

Il faut d’abord s’entendre sur le sens des mots qui constituent l’ossature du "discours" [1] des économistes orthodoxes (classiques et néoclassiques), hétérodoxes et marxistes. Et d'abord le mot "économie" qui peut désigner, dans le langage courant, les manifestations les plus tangibles de la "vie économique", telles que nous pouvons les appréhender dans notre environnement immédiat au travers des actes de la consommation (commerce, marchés locaux, produits importés, prix, pouvoir d'achat, etc.) ; au travers des manifestations de la production (industrie, agriculture, services [aux entreprises, aux ménages, services de proximité, entreprises – grandes ou petites, capitalistes, artisanales -], emploi, chômage, délocalisation, commerce, …) ; ou à travers les phénomènes de distribution (salaires, profits, rentes, …) et de redistribution des revenus (par les systèmes de sécurité sociale, d'action sociale [petite enfance, personnes âgées, handicapés, défavorisés, …] ou de la protection sociale en général) ; ou encore au travers des phénomènes bancaires, monétaires, financiers qui interfèrent inévitablement avec notre vie quotidienne (inflation, pouvoir d'achat, emprunt, prêt, taux d'intérêt, Bourse et même CAC 40, spéculation, crise financière, etc.). Mais dans la bouche des économistes et des experts, le mot "d'économie" et les mots associés vont prendre une saveur particulière perceptible par les seuls palais "éduqués". On est alors dans le langage codé et codifié des "sciences économiques", c'est-à-dire des représentations scientifiques et du discours propres à la discipline économique [2].