A l'instar d'autres pays européens, la France cherche à développer l'entreprise à but social. On sait qu'une réflexion sur ce thème a été confiée par Martine Aubry à l'économiste Alain Lipietz. Le rapport du Conseil supérieur de la coopération encourage la promotion du statut coopératif défini par la loi du 10 septembre 1947, et la CGScop travaille, dans ce sens, sur un projet de société coopérative d'intérêt collectif (SCIC). A quelles conditions la forme coopérative peut-elle constituer une réponse ? Dans cet article, François Espagne analyse certaines questions qui se posent à l'examen du statut légal des coopératives en France. La finalité elle-même introduit la première difficulté : la coopérative, en effet, vise en priorité la satisfaction des besoins de ses membres; qu'en est-il de la dimension altruiste attachée à l'idée d'entreprise àfinalité sociale ? Le caractère non lucratif est lui aussi matière à discussion. Exclure toute possibilité de gain matériel pour les sociétaires impliquerait des modifications statutaires. Par ailleurs, si l'unisociétariat constitue la règle générale pour les coopératives, en accord avec l'unicité de la cause du contrat, des exceptions ont été introduites qui ouvrent au multisociétariat. En admettant ce principe pour l'entreprise à finalité sociale, sa pérennité ne requiert-elle pas d'unifier la cause du contrat pour les différentes catégories d'associés ? L'incidence du multisociétariat sur les conditions d'admission et les droits des associés est également envisagée. Ces bases d'analyse étant posées, l'auteur s'intéresse aux réalisations de quatre pays européens - la Belgique, l'Espagne, l'Italie et le Portugal - en matière de société à finalité sociale. Comment chaque pays a-t-il résolu les difficultés, voire les contradictions, qui émergent? Autant d'enseignements qui peuvent être utiles pour éclairer les choix.