Il y a trente ans, quelques dirigeants français d'entreprises coopératives et mutualistes proposaient de reprendre un concept gidien vieilli et remis au goût du jour par Henri Desroche. Ce concept d'économie sociale a vite rencontré un écho positif auprès de grandes organisations et des pouvoirs publics. Il est actuellement mis en question : éclatée au niveau européen entre entreprises (coopératives et mutualistes) et associations, questionnée par le gouvernement français (économie sociale, solidaire, sociale et solidaire. ?), mise à distance par certains mouvements fondateurs eux-mêmes, détachée de son ancien socle par de nouveaux acteurs (en Belgique wallonne, on ne considère pas forcément que les coopératives font partie de l'économie sociale.), l'économie sociale semble fragile. Mais le mouvement économique et social qu'elle recouvre est puissant et en pleine effervescence, peut-être en recomposition.
L'objet de cette contribution est d'approcher quelques aspects des changements en cours et de questionner les utopies et la doctrine coopérative à la lueur de ces changements. Nous suivrons une démarche de sociologie historique. Dans une première partie, on identifie les grandes phases historiques des modèles d'action coopérative. En deuxième partie, on présente quelques transformations actuelles des entreprises d'économie sociale.
En troisième partie, on questionne quelques aspects de la doctrine coopérative à partir des changements précédemment observés.