Article Recma

Rémunération en coopératives agricoles : les dessous du débat

«Les coopératives payent moins que les sociétés de droit commercial. » Ce reproche, adressé sur fond de crises des filières alimentaires françaises, questionne les raisons d’un prix payé par les coopératives à leurs associés coopérateurs moins rémunérateur que celui versé par les entreprises de droit commercial. Devrait-il toujours être supérieur et pourquoi ? Dès lors, si cela n’était pas le cas, quel serait l’intérêt de maintenir ce modèle d’entreprise particulier, suspicieux en raison de sa propriété capitalistique, non soumis à l’impôt sur les sociétés ?

Ces interrogations soulèvent donc une question essentielle à l’essence du modèle coopératif. Examinons ce questionnement au regard des principes et du fonctionnement des coopératives agricoles. De quoi la rémunération des produits en coopérative est-elle le signe ?
La propriété capitalistique d’une coopérative repose sur la détention par des associés coopérateurs de l’ensemble des parts de capital social de celle-ci en relation avec un engagement sur apport. Autrement dit : chaque associé détient du capital au prorata de l’activité réalisée par sa coopérative. Cette part de capital  social lui donne droit à un « intérêt aux parts », fixé statutairement à 1,80 %. Cet intérêt aux parts est donc différent d’un intérêt d’une action, dont le taux varie en fonction des évolutions du marché boursier. La détention de capital donne également à l’associé un droit de vote qui, à la différence de celui octroyé par l’actionnariat, repose sur le principe « Une personne égale une voix », distinct de celui « Une action égale une voix » (Hansmann, 1996). Ainsi, ce qui différencie fondamentalement la propriété capitalistique en coopérative de celle en droit commercial tient à : l’engagement sur activité obligatoire pour souscrire et détenir des parts de capital social ; la rémunération fixe de la part sociale ; l’expression démocratique où tous ont le même poids dans la prise de décision, quels que soient leur niveau d’engagement sur activité et le montant de capital détenu (Chomel et al., 2013).

 

Numéro de revue: 
341
Année de publication: 
2016
Auteur(s): 
Maryline Filippi

Entreprise sociale et économie sociale en Asie (première partie)

La deuxième partie de ce dossier, qui sera consacrée à l’Asie du Sud-Est, paraîtra dans le n° 342 de la Recma.

Les textes présentés dans ce dossier sont issus de travaux qui ont été produits dans le cadre du projet ICSEM de comparaison des modèles d’entreprise sociale au niveau mondial (ICSEM est l’abréviation de « International Comparative Social Enterprise Models ». Le projet ICSEM est jalonné de réunions scientifiques au niveau régional (ICSEM Regional Symposiums) et au niveau mondial, mais aussi de ICSEM Local Talks,  où les premiers résultats sont mis en débat avec les parties prenantes au niveau national. Pour plus d’informations sur le projet ICSEM : www.socent.be/icsem-project.).Ce vaste projet de recherche, initié en 2013, couvre aujourd’hui plus de 50 pays à travers le monde et rassemble environ 200 chercheurs. Appuyé en premier lieu par la politique scientifique fédérale belge dans le cadre du Pôle d’attraction  interuniversitaire (PAI) sur l’entreprise sociale, le projet ICSEM bénéficie aussi en France du soutien de la  Fondation du Crédit coopératif et du Groupe CDC.

Avant de déboucher sur des analyses comparatives approfondies (2016-2018), la première vague des travaux ICSEM a porté sur l’identification, dans chaque pays, des principaux modèles émergents de l’entreprise sociale, sur l’analyse des contextes dans lesquels ils s’enracinent et sur les trajectoires par lesquelles la plupart d’entre eux connaissent une institutionnalisation progressive (Les ICSEM Working Papers peuvent être téléchargés à partir du site susmentionné.).
Nous avons choisi, pour ce dossier, de mettre l’accent sur quelques-uns des pays asiatiques qui participent au projet ICSEM. Ces pays ont été répartis en deux groupes : l’un issu de l’Asie du Nord-Est, l’autre de l’Asie du Sud-Est. Les trois pays présentés dans ce premier ensemble appartiennent au bloc de l’Asie du Nord-Est ; ils ont notamment en commun une culture profondément ancrée dans la philosophie confucianiste, dont les valeurs structurent encore largement la société. Si deux d’entre eux – la Corée du Sud et le Japon – sont assez proches de la France sur différents aspects, notamment en termes de niveau de développement économique et de répartition des revenus, la Chine s’en distingue très nettement et représente, de par sa taille, son niveau de développement et son système politique, un exemple d’un genre très particulier dans cet
ensemble.

 

Numéro de revue: 
341
Année de publication: 
2016
Auteur(s): 
Eric Bidet, Jacques Defourny et Marthe Nyssens

Banques coopératives : de l’idéal solidaire à la réalité des salaires

Interroger les rémunérations dans l’économie sociale et solidaire (ESS) en général est une question sensible. Cela l’est tout autant dans le secteur bancaire, dont l’image n’est pas des plus positives depuis la crise dite des subprimes de 2008. Traiter des rémunérations au sein des banques coopératives devient dès lors une entreprise doublement délicate. De plus, si la question de l’emploi dans l’ESS et de sa qualité a déjà été abordée par les travaux de Richez-Battesti et alii (1), il n’existe pas à notre connaissance d’état des lieux des rémunérations au sein des groupes bancaires coopératifs. Dans le cadre de cet article, nous proposons une première analyse comparative entre les banques coopératives et les banques capitalistes (2). A la question « les salariés des établissements bancaires coopératifs sont-ils plus ou moins bien rémunérés que ceux qui travaillent dans les établissements bancaires commerciaux ? », nous tentons d’apporter une réponse de la façon la plus objective possible, en nous appuyant sur les données des documents de référence publics (rapports d’activité, rapports financiers, rapports RSE) et des bilans sociaux (lorsqu’ils sont disponibles) des cinq grands groupes bancaires privés français coopératifs ou commerciaux : Crédit agricole-LCL (CA), BPCE, Crédit mutuel- CIC (CM), BNP Paribas (BNPP) et Société générale (SG). Après un bref rappel de l’état des connaissances quant aux rémunérations dans l’économie sociale reposant sur l’analyse des déclarations annuelles de données sociales (DADS), nous observons les rémunérations moyennes dans les banques, puis les inégalités qui transparaissent au travers des grilles salariales. Ensuite, nous nous intéressons aux rémunérations hors salaire, à savoir la participation, l’intéressement, voire l’abondement lorsqu’il était mentionné. Enfin, il nous a paru nécessaire de comparer la situation des hommes et des femmes, ainsi que celle des mandataires sociaux et des administrateurs. Ces divers éléments sont abordés à la fois au niveau national des groupes et au niveau de trois caisses régionales coopératives.

Numéro de revue: 
339
Année de publication: 
2016
Auteur(s): 
Gilles Caire, Pascal Glémain et Sophie Nivoix

La régulation solidaire en Kabylie l’exemple du village de Tifilkout

Dans le contexte algérien actuel, la main visible de l’Etat régulateur n’atteint pas les villages de montagne et le marché tend à accentuer la précarité des populations. Dans cette situation, l’idée que la régulation solidaire apparaisse en réaction à un cadre désespérant et par le biais de mécanismes internes opérants prend tout son sens. Suivant la méthode des fondateurs du solidarisme, cet article montre qu’en Kabylie, la régulation solidaire peut constituer une alternative réalisée dans la culture de la fraternité face à la défaillance irrémédiable des mécanismes classiques de régulation.

Numéro de revue: 
339
Année de publication: 
2016
Auteur(s): 
Mohamed-Amokrane Zoreli

La structuration politique de l’ESS à l’épreuve du territoire Analyse d’une organisation départementale de représentation de l’ESS

Le phénomène de la représentation est caractéristique des relations entre Etat et société et concerne l’ensemble des champs du monde social. Il reste pourtant un objet d’étude peu abordé en ce qui concerne l’ESS. A partir d’une approche en science politique, nous proposons une analyse de l’activité de représentation politique de l’ESS dans une organisation départementale. Nous revenons sur les différentes étapes de la création de cette dernière, puis nous déclinons les référentiels qui composent le mode de représentation de l’ESS en son sein. Enfin, nous exposons en quoi cette structure nous apparaît dans ce cadre comme une organisation patronale originale.

Numéro de revue: 
339
Année de publication: 
2016
Auteur(s): 
Jean-Joël Fraizy

Tournant gestionnaire dans les structures associatives d’accueil de jeunes enfants : vers une remise en cause de la qualité des services

La réforme du financement des établissements d'accueil de jeunes enfants par les CAF traduit le « tournant gestionnaire » qu'a dû prendre le secteur dans la période récente. Cette réforme crée des tensions multiples qui remettent fondamentalement en cause le modèle de qualité que défendent les structures associatives, a fortiori parentales. Dans cette recherche, nous avons procédé à une analyse détaillée des tensions que cette réforme implique sur différentes dimensions jouant un rôle déterminant dans la qualité des services fournis.

Numéro de revue: 
339
Année de publication: 
2016
Auteur(s): 
Audrey Biegel, Vincent Lhuillier

Les coopératives d’activités et d’emploi : accompagner autrement pour entreprendre autrement

L’objet de cet article est de présenter les coopératives d’activités et d’emploi (CAE) comme une réponse apportée par l’économie sociale et solidaire (ESS) à la problématique de l’accompagnement entrepreneurial. Ces structures constituent un mode d’accompagnement original permettant de sécuriser un processus entrepreneurial collectif dans un cadre salarial. Un travail empirique, réalisé auprès de plusieurs d’entre elles, présente leur public, ce qu’il recherche, ce qu’il en retire, ainsi que le rôle éducatif joué par les CAE pour le sensibiliser à l’ESS.

Numéro de revue: 
339
Année de publication: 
2016
Auteur(s): 
Emile-Michel Hernandez, Laëtitia Lethielleux

Les trois dimensions de la gouvernance coopérative agricole, le cas des coopératives vinicoles du Languedoc-Roussillon

Les coopératives agricoles, qui constituent un mode organisationnel original, subissent de profondes restructurations. Dans le secteur viticole en Languedoc-Roussillon notamment, les types de gouvernance sont en pleine évolution. L’objet de notre travail est d’analyser et de caractériser ce système de gouvernance spécifique, à travers l’étude qualitative de vingt-cinq entretiens avec des dirigeants de coopératives vinicoles du Languedoc-Roussillon. Les principaux résultats montrent l’originalité des organes de gouvernance des coopératives agricoles, se caractérisant par des relations complexes. En outre, grâce à l’analyse textuelle des retranscriptions d’entretiens, nous montrons que la gouvernance coopérative agricole comporte trois dimensions complémentaires dont l’importance est variable d’une coopérative à l’autre : dimension disciplinaire, dimension partenariale et dimension cognitive.

Numéro de revue: 
339
Année de publication: 
2016
Auteur(s): 
Louis-Antoine Saïsset

Du concept d’« innovation sociale »

L’innovation sociale est devenue, en quelques années, un concept tellement galvaudé qu’il entretient une large confusion dans les débats. Utilisé d’abord en Amérique du Nord (1), il s’est généralisé avec l’arrivée, dans les années 90, de la notion anglo-saxonne d’« entrepreneurs sociaux ». Introduit ensuite par des travaux initiés par la Communauté européenne (2), il est entré dans la loi française du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (ESS).
L’objet de notre article n’est pas de dresser un inventaire des différentes acceptions de ce concept, mais plutôt de chercher, d’une part, à asseoir sa définition sur des fondements théoriques et, d’autre part, à tirer les conséquences pragmatiques de ce positionnement.
Nous commencerons par l’innovation technologique, car c’est d’elle qu’il est question lorsque l’on évoque l’innovation sans donner d’autres précisions. Nous verrons cependant que cette définition masque des sous-entendus qui nous serviront pour définir l’innovation sociale. Cette définition peut déboucher sur deux approches : l’une collaborative, l’autre coopérative. Il importe de le préciser, car elles n’ont pas les mêmes implications en termes de projets politiques. Nous montrerons que la question de la propriété est au centre de ce qui les différencie. Un tableau de synthèse de ce raisonnement est présenté en annexe.

Numéro de revue: 
338
Année de publication: 
2015
Auteur(s): 
Jacques Prades

L’économie sociale à la rencontre du marché : l’expansion des mutuelles de santé dans les services à la personne

Ce travail s’intéresse, dans une perspective d’économie industrielle, à l’évolution de l’activité des mutuelles de santé. Sur un marché saturé, les opérateurs se différencient, notamment en développant la gestion de la relation client. L’essor des services annexes (garde d’enfants, soutien scolaire, etc.) peut s’intégrer dans cette stratégie. En investissant de nouveaux gisements de rentabilité comme les services à la personne, les mutuelles vont au-delà de l’assurance maladie complémentaire et préparent leur avenir dans un secteur de plus en plus concurrentiel.

Numéro de revue: 
338
Année de publication: 
2015
Auteur(s): 
Jean-Paul Domin et Florence Gallois