Contribution de la commission nationale ESS du Parti de gauche: " Les alternatives concrètes, laboratoire de l'écosocialisme"
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En préparation au 3e congrès du Parti de Gauche, les membres de la commission ESS se sont fendus d'une contribution 3e congrès du Parti de Gauche (22-23-24 mars 2013, Bordeaux).
Marx nous a enseigné que l’aliénation économique est la source de toutes les aliénations (religieuse, politique, sociale) ; que lesystème économique (le mode de production et les rapports sociaux qui en découlent) est la base réelle sur laquelle s’élèvent la superstructure juridique et politique, la vie sociale et intellectuelle. Attendre de la prise du pouvoir politique une solution à l’exploitation du travail nous semble dès lors similaire au fait de renvoyer la résolution des conflits entre les sexes après la révolution. Les socialistes utopiques et les libertaires ont mis l'accent sur la nécessaire radicalisation de la démocratie à tous les niveaux. Les écologistes radicaux, à travers la plume d'André Gorz, ont insisté, un siècle plus tard, sur l'articulation entre sortie du capitalisme et sortie du productivisme, dans un contexte de finitude des ressources de la planète. La Révolution citoyenne que nous appelons de nos vœux passe nécessairement par la démocratisation de l’économie et la planification écologique, outil essentiel de la prise en compte de la finalité de la production, pour en finir avec la politique de l'offre et revendiquer celle de la demande et de la satisfaction des besoins, dans une démarche d'intérêt général.
« Occuper, Résister, Produire »
De fait, partout où le capitalisme financier sacrifie les travailleur-se-s sur l’autel de la maximisation du taux de profit, des expériences concrètes de prise du pouvoir dans l’entreprise ont émergé. Ainsi, au début des années 2000, dans une Argentine ravagée par les politiques néolibérales (dérégulation, austérité et privatisation), des travailleur-se-s décident d’investir les usines et de faire repartir la production avec une devise : « Occuper, Résister, Produire ». Et lorsque les ouvrières de l’usine textile Brukman sont expulsées, ce sont les Mères de la place de Mai, des assemblées d’habitants, des étudiants, des piqueteros, qui accourent pour les aider à récupérer les lieux. C'est avec le même mot d'ordre que les travailleurs de l'usine Vio.Me., à Thessalonique, en Grèce, ont repris la production en autogestion au début du mois de février dernier.
Mêmes causes, mêmes effets : en France, face à la propagation des plans sociaux, les tentatives de reprise en main de l’activité par les travailleur-se-s se multiplient. Les salarié-é-s de SeaFrance, du journal d’annonces Paru Vendu, d’Helio Corbeil ou encore de SET ont refusé la liquidation de leur entreprise et relancé l’activité sous forme de SCOP (Société coopérative de production). Les Atelières (Ex-Lejaby) et les Fralib construisent des projets de SCOP (sociétés coopératives et participatives). Toutes et tous ouvrent la voie à d’autres modes de production et tentent de surmonter les obstacles économiques, juridiques et politiques rencontrés.
Soutenir les séminaires ouvriers
Comme en Argentine, pour être victorieuse, la lutte des salarié-e-s ne peut rester cantonnée au monde du travail. Là où le marché atomise, il est nécessaire de recréer des liens de solidarité et d’élargir les horizons. A ce titre, les militant-e-s du Parti de Gauche ont un rôle important à jouer en soutien aux luttes locales.
C'est en ce sens que la commission ESS et le comité d'Aix du PG ont été à l'initiative d'un premier « séminaire ouvrier » avec les Fralib, à Gémenos. Nous sommes déterminés à pérenniser cet outil d'éducation populaire, qui a pour objet de rendre les travailleurs et les citoyens co-producteurs d'une nouvelle pensée politique et de pratiques renouvelées, élaborées en dialogue avec des unversitaires, des journalistes et des militant-e-s porteur-se-s d'une solide expérience. Les séminaires ouvriers mettent ainsi en œuvre une démarche d'élaboration « interactive », qui trouve sa place aussi bien dans les luttes sociales et environnementales, que dans les mouvements producteurs d'alternatives concrètes, dans la sphère cuturelle ou bien l'émergence des SCIC (sociétés coopératives d'intérêt collectif), des CAE (coopératives d'activité et d'emploi) et des régies publiques.
La coopération est fille de la nécessité. Mais d’un mouvement initial de résistance et de solidarité, les travailleur-se-s en arrivent à développer un autre projet de société. La liberté d’adhésion et la gestion démocratique remettent en cause la toute-puissance des actionnaires ; la rémunération limitée du capital et l’impartageabilité des réserves entravent les jeux spéculatifs ; l’intercoopération prime sur la compétition ; l’engagement envers la communauté fait de l’entreprise un bien commun. Ces principes coopératifs entrent en contradiction frontale avec la logique d’accumulation du Capital.
Pour une finalité sociale et écologique
De la même façon que l’expérience productive amène à la compréhension de l’inutilité du capitalisme, elle appelle à une prise de conscience écologiste. En prenant en main la production, les travailleur-se-s sont en effet conduit-e-s à répondre à des questions essentielles : quelle production ? Pour qui ? Comment ? Etant les premier-e-s concerné-e-s par le respect des normes environnementales sur leur lieu de travail et sur leur lieu de vie, ils-elles sont aussi les plus à-mêmes de mener à bien la planification écologique...
... Au delà du seul domaine de la production, les structures de l'économie sociale et solidaire (ESS) constituent un point d'appui décisif dans notre volonté de transformation sociale et écologiste. Satisfaction des besoins sociaux, exercice démocratique du pouvoir, répartition des excédents entre les membre, échelle de salaire de 1 à 5, les principes qu’elles défendent rejoignent les trois piliers indissociables du Parti de Gauche : Ecologie – Socialisme – République. C’est, pour reprendre les mots de Jean Jaurès, la République poussée jusqu’au bout.
Tant elles sont nombreuses, il n’est pas possible de faire mention ici de toutes les initiatives citoyennes qui préparent un terreau favorable à la Révolution citoyenne. Mutuelles, associations d’éducation populaire, monnaies complémentaires, coopératives d'habitat, lycées autogérés, AMAP... Toutes organisent la solidarité, participent à l'émancipation des citoyens, font entrer la démocratie dans l'ordre économique et approfondissent ainsi les contradictions du mode de production actuel.
Malgré cette irréductible antinomie entre les valeurs de l’ESS et celles du capitalisme, les économistes libéraux de la banque mondiale et de l’OCDE ne rejettent pas l’ESS, à condition de la cantonner à sa place, celle d’un tiers secteur entre le public et le privé… bien contents de trouver là des volontaires pour faire face à la casse de l’Etat social.
Un point d'appui pour rompre avec le capitalisme
Nous soutenons au contraire que l’ESS ne doit pas servir de caution au démantèlement de l’Etat social de droit, ni de béquille aux imperfections du marché autorégulé. S’il n’a pas à lui seul les réponses à tous les dérèglements d’un système économique à bout de souffle, le secteur de l’ESS est porteur d’alternatives concrètes aux coups de butoir du Capital.
La commission ESS du Parti de Gauche s'engage:
- à soutenir le projet de proposition de "préemption des entreprises par les salariés en coopérative";
- à soutenir les initiatives de création de projets émancipateurs de l'économie sociale et solidaire, qui s'appuient sur une exigence implacable en termes de démocratie interne et de finalité sociale et écologique;
- à poursuivre son engagement au sein du Front de Gauche thématique de l'ESS;
- à s'impliquer dans la démarche des Assises pour l'écosocialisme;
- à appuyer le développement des séminaires ouvriers du PG.
Il convient toutefois de ne pas se bercer d’illusions : la simple augmentation du nombre des structures de l’ESS ne peut réduire l’hégémonie du capitalisme mais il s’agit d’un point d’appui déterminant dans notre volonté de transformation sociale et écologiste. Dans cette optique, nous défendons une ESS émancipatrice. Face à l’offensive des tenants d’une vision libérale de l’ESS, il est nécessaire que les militant-e-s du Parti de Gauche s’impliquent dans les réseaux de l’économie sociale et solidaire pour y mettre en oeuvre une démarche de rupture avec le système capitaliste.
La base culturelle d'un nouveau mode de production
De manière générale, cela implique de rompre avec le cadre austéritaire imposé par l’Union Européenne et d’imposer un rapport de force politique. Nos objectifs sont donc de renforcer la lutte politique à partir de la sphère économique, de former la base culturelle et sociale d’un nouveau mode de production, de contester la conception de l’économie dominante et finalement de proposer un autre projet de société. Antonio Gramsci, membre fondateur du Parti Communiste Italien, disait de la crise qu’elle est le moment où le vieux meurt et le jeune hésite encore à naître. Sous les gravats laissés par le capitalisme financier, les graines de l’économie socialiste sont en germe.
A un moment où le discrédit est jeté sur la politique, où les Parlements sont devenus suspects, les acteurs et actrices de l’ESS font la démonstration au quotidien qu’il existe des alternatives concrètes et crédibles. En ce sens, ils et elles construisent un rempart contre la solution autoritaire et contribuent à un dépassement du capitalisme « par le haut », par la démocratie.
Porteuse d'une vision singulière et globale des pratiques alternatives, la commission ESS du PG souhaite se dénommer désormais « commission de l'ESS et des alternatives concrètes » et être associée aux travaux de préparation des Assises pour l'écosocialisme.
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