Travaille-t-on réellement autrement dans l’économie sociale et solidaire ? Telle était la question sous-jacente des XIes rencontres du Réseau inter-universitaire de l’économie sociale et solidaire (Riuess), qui se sont tenues à Poitiers en juin 2011?
Réinterroger l’ESS sur ses conceptions et pratiques vis-à-vis du travail
Au cours de la seconde moitié du xixe siècle, l’économie sociale s’est largement construite autour de la « question sociale » et de la volonté des mouvements socialistes, ouvriers, chrétiens sociaux ou humanistes d’améliorer le sort des travailleurs et de contribuer à leur émancipation. Aujourd’hui encore, l’économie sociale revendique « un régime particulier d’appropriation, de distribution ou de répartition des gains » (Charte de l’économie sociale, Cnlamca, 1980), se veut « génératrice d’emplois de qualité comme d’une meilleure qualité de vie et propose un cadre adapté aux nouvelles formes d’entreprise et de travail » (déclaration de principes de la Conférence européenne permanente des coopératives, mutualités, associations et fondations, 2001). De son côté, durant les années 80, l’économie solidaire a émergé dans une situation d’exclusions durables du marché du travail et d’exploitation des petits producteurs, au Sud comme au Nord, par les grandes firmes capitalistes. Elle s’est proposé pour projet de « recréer un triangle vertueux entre l’emploi, la cohésion sociale et la démocratie participative » (Manifeste de l’économie solidaire, 2006) et de « créer et/ou consolider des emplois en veillant à leur qualité, à leur pérennité et à leur professionnalisation » (France active, 2005). La crise économique majeure actuelle provoque une profonde dégradation des conditions d’emploi et de travail : progression du chômage, précarisation des contrats, accroissement des inégalités de rémunération, absence de négociations collectives… Dans ce contexte, il a semblé opportun au comité de pilotage du Riuess de réinterroger l’économie sociale et solidaire sur ses conceptions et pratiques vis-à-vis du travail. Les quatre textes retenus dans ce dossier de la Recma témoignent, au-delà des champs disciplinaires différents de leurs auteurs, de la diversité des approches méthodologiques possibles et des principaux questionnements récurrents au sein des communications, des tables rondes et des débats pendant les XIes rencontres;