Les six articles qui composent ce numéro 339 soulignent à la fois l’originalité des entreprises de l’ESS et les tensions qui les animent en permanence. Cette originalité et ces tensions sont abordées à partir d’entrées aussi variées que la gouvernance coopérative, l’éducation citoyenne, la qualité des services, la représentation politique, la solidarité villageoise ou la situation salariale. Louis-Antoine Saïsset se penche sur la gouvernance coopérative à partir du cas des coopératives vinicoles du Languedoc-Roussillon. Thématique devenue presque classique, la gouvernance coopérative est abordée ici de façon empirique. Les rôles du bureau, du CA, de l’AG et du « tandem » président-directeur sont ainsi revisités.
Emile-Michel Hernandez et Laëtitia Lethielleux étudient le rôle des coopératives d’activités et d’emploi en matière de formation et d’éducation à partir d’enquêtes réalisées auprès de cinq d’entre elles. Les auteurs soulignent que les entrepreneurs salariés « acquièrent (…) de nouvelles compétences propres à l’ESS ».
Audrey Biegel et Vincent Lhuillier analysent le « tournant gestionnaire dans les structures associatives d’accueil de jeunes enfants », tournant qui pèse sur la façon dont ces crèches répondent aux besoins de leurs membres, même si les auteurs soulignent que « les tensions entre logique gestionnaire et logique de qualité d'accueil sont multiples ».
Jean-Joël Fraizy analyse la structuration de l’Union départementale de l’économie sociale et solidaire des Hautes-Alpes (Udess 05). L’ESS est ici présentée avant tout comme un mouvement d’employeurs. J.-J. Fraisy suggère une piste de recherche stimulante pour comprendre la spécificité de ce mouvement autour des parcours et des compétences de ses représentants.
Mohamed-Amokrane Zoreli expose les initiatives solidaires d’un village de Kabylie (Tifilkout). Présentées sous une forme monographique, ces initiatives sont portées par l’action collective « qui permet de maîtriser solidairement les aléas ».
Gilles Caire, Pascal Glémain et Sophie Nivoix approfondissent une question souvent évoquée, mais jamais étudiée : les salaires dans les banques coopératives et leur comparaison avec ceux des banques capitalistes. Les très hauts salaires y sont sensiblement plus raisonnables que dans les banques capitalistes, néanmoins les écarts sont bien présents. Ou, selon l’angle de vue adopté : les écarts de salaires sont bien présents, néanmoins les hauts salaires sont sensiblement plus raisonnables que dans les banques capitalistes.
Aussi différentes soient-elles, les expériences qui soutiennent les réflexions présentées dans ce numéro font face à une économie libérale envahissante. La tension que cette situation provoque est certes une menace, mais aussi l’une des raisons d’être de ce que Henri Desroche considérait comme la condition indispensable de la vie démocratique et de l’innovation des entreprises de l’ESS : l’animation coopérative.
Jean-François Draperi