Finance solidaire : une étude pointe son essor et ses atouts par temps de crise

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Née dans les années 1980 à l’initiative d’associations loi 1901 qui n’avaient pas accès au financement bancaire pour développer leurs projets à forte utilité sociale (les banques classiques n’ayant pas une bonne compréhension du modèle spécifique de l’entrepreneuriat associatif ou à finalité sociale), la finance solidaire n’a cessé de progresser depuis. C’est ce qui ressort du Zoom sur la finance solidaire 2020 (anciennement Baromètre de la finance solidaire), publié en septembre par l’association Finansol, qui réunit les principaux acteurs du secteur depuis sa création il y a vingt-trois ans. Le zoom fait apparaître :

  • neuf nouveaux placements solidaires, dont six émanant de nouveaux membres, ce qui porte à 159 le nombre des produits d’épargne solidaire labellisés Finansol ;
  • une augmentation de 24 % de l’en-cours d’épargne solidaire des particuliers et des ménages en France, qui a atteint 15,6 milliards d’euros en 2019 ;
  • une augmentation de 18 % de l’encours des financements solidaires mobilisés en 2019 par rapport à 2018, qui atteint le montant de 2,1 milliards d’euros, au bénéfice d’associations, de coopératives, d’entreprises titulaires de l’agrément Esus – structures dont l’activité porte sur la transition écologique, l’accès au logement, la santé, l’inclusion sociale, etc.

Rappelons que cette épargne des ménages (orientée vers des placements solidaires) aide des investisseurs à prendre des risques sur des projets à utilité sociale, ce qui explique cette progression. Mais ce n’est pas tout. De telles évolutions sont possibles grâce à des dispositifs législatifs qui orientent les flux.
« La finance solidaire a connu plusieurs étapes décisives qui ont permis son essor », rappelle Frédéric Tiberghien, président de Finansol. La première d’entre elles est la loi de modernisation économique de 2008, qui rend obligatoire la présentation, dans le cadre de l’épargne salariale, de 5 à 10 % de placements répondant à des objectifs solidaires (le reste portant sur des titres cotés en Bourse). Ce dispositif devient effectif dès 2010 et marque un tournant pour l’évolution de la finance solidaire : « L’épargne solidaire ne représente que 0,29 % de l’épargne des ménages, mais, comme l’épargne salariale pèse pour 120 milliards d’euros d’encours et qu’environ 10 % des salariés y souscrivent, l’épargne solidaire a pu progresser de 10 à 15 % par an durant ces années. »


Vers un mécanisme de garantie par l’État ?
Quel sera l’impact de la crise liée à l’épidémie de Covid-19 sur la finance solidaire ? Pendant le confinement, Finansol a mené une enquête auprès des investisseurs solidaires : ceux-ci n’ont pas désinvesti malgré la chute des marchés financiers et ne semblent pas avoir l’intention de réorienter leurs projets d’investissement vers des entreprises cotées. « Ce sont des investisseurs patients, qui ne placent pas la rentabilité comme premier objectif de leur opération. C’est bien sûr un point très positif, mais cela ne suffira pas, remarque Frédéric Tiberghien. Il sera nécessaire de soutenir les nouveaux investissements en fonds propres par des mécanismes publics de garantie, afin que la prise de risque soit amortie et partagée, et que cette finance solidaire ne fléchisse pas au moment où les associations et autres entreprises de l’ESS voient leurs sources de financement (marchés publics, subventions, recettes propres, dons) décroître. »
Comment soutenir les besoins en trésorerie et fonds propres de ces structures ? C’est une question récurrente lorsqu’on parle des besoins des organisations de l’ESS portant des projets d’utilité sociale, pour qu’elles puissent vivre et se développer. Finansol a transmis en mars/avril des propositions à ESS France, qui s’en est fait le relais auprès du gouvernement après les avoir articulées avec celles des autres composantes de l’ESS. La plus importante, un mécanisme spécifique de soutien à la finance solidaire par une garantie de l’État apportée aux investisseurs, n’a pas été retenue à ce stade, et le plan de relance de l’ESS d’un montant de 1,3 milliard d’euros comptabilise essentiellement les dispositifs généraux tels que les crédits chômage, l’aide à la formation et à l’insertion des jeunes, etc., qui sont fléchés et regroupés. « Pourtant, il va falloir remettre au pot », assure Frédéric Tiberghien.
Et ceci avant que ces structures se retrouvent exsangues et dans l’incapacité d’assurer leur mission pourtant cruciale dans le contexte actuel de crise sanitaire, aggravé de difficultés économiques et sociales.

Lisa Telfizian