Une distinction classique oppose, d’une part, les recherches qui, incluant le cadre de valeurs de l’économie sociale et solidaire, mesurent la relation entre pratiques d’entreprises de l’ESS et valeurs de référence et, d’autre part, celles qui, partant des théories inscrites dans des champs disciplinaires classiques, analysent l’ESS à l’aune de cadres de pensée exogènes. Chacun à sa façon, les articles ci-dessous articulent ces deux questionnements.
Se penchant sur le management dans le secteur bancaire, Christine Marsal montre que les caractères distinctifs des banques coopératives peuvent être repérés hors de leur projet fondateur de service bancaire.
A partir de l’analyse de l’Union nationale des coopératives d’élevage et d’insémination animale, Christophe Assens définit la « coopétition » comme une forme de déplacement pertinent de pratiques coopératives au sein de relations de compétition.
Nadine Dubruc et Marylène Badour soulignent l’importance des savoirs des professionnels dans la conception d’une formation continue, aussi bien dans la pédagogie mise en oeuvre que dans les contenus de formation.
Céline Marival propose une typologie des associations s’appuyant sur la nature – coopérative ou compétitive – et l’intensité – plus ou moins forte et volontariste – des stratégies associatives. L’un des intérêts majeurs de l’analyse est qu’elle permet de se saisir simultanément du projet sociopolitique de l’association et de l’organisation technico-économique mise en oeuvre et de montrer la cohérence de ces deux dimensions dans un contexte concurrentiel.
Pascale Terrisse et Muriel Jougleux explicitent une grille d’évaluation dans la décision d’investissement du réseau du Fonds Afrique de la coopérative de capital risque Garrigue à partir d’une démarche de « rechercheintervention ».
D’une façon ou d’une autre – par la posture de recherche choisie, par le mode de construction de l’objet, par les méthodes adoptées, par les outils mis en oeuvre, par les théories mobilisées ou par les hypothèses projetées –, ces articles questionnent le projet politique de l’ESS et solidaire au-delà des cadres qui lui sont traditionnellement impartis, tout en donnant la possibilité de questionner en retour les théories auxquelles ils font appel.
Certaines de ces avancées ne sont pas sans rappeler le déplacement du regard que permettaient les groupes de recherche-action coopérative fondés par Henri Desroche dans les années 1970 ou les ateliers « chercheurs-acteurs » dans les mouvements d’éducation populaire.
Ce numéro questionne ainsi les modalités de la recherche en économie sociale tout autant que l’économie sociale elle-même.
Jean-François Draperi