La lecture de ce numéro 334 de la Recma incite à penser que nous assistons à un renouvellement d’ampleur des pratiques de changement social. Non seulement des pratiques proprement dites, mais également de la nature de leurs relations avec la société et l’Etat. Ce renouvellement témoigne du double rapport que la coopération et l’économie sociale et solidaire entretiennent avec le temps : elles s’inscrivent dans la durée longue, passée et future, au regard de leurs valeurs ; elles s’inscrivent dans le temps présent et dans l’avenir immédiat, au regard de leurs pratiques. Tout leur art revient à respecter les deux temporalités.
La contribution de Timothée Duverger, intitulée « La réinvention de l’économie sociale », restitue l’histoire du Cnlamca et explore la préhistoire de la loi ESS en répondant à la question suivante : pourquoi et comment au cours des années 70 en est-on venu à parler d’économie sociale ?
David Hiez propose une analyse synthétique et « bienveillante » de la loi. Cette dernière valide le concept d’économie sociale et solidaire et détermine un cadre d’élaboration des politiques publiques. L’auteur souligne également qu’elle valorise les initiatives et renforce les acquis et les pratiques.
Etudiant « le rôle des coopératives à la lumière de l’expérience argentine » à partir des entreprises récupérées, Mirta Vuotto pointe les difficultés que rencontre l’action publique en faveur des coopératives. Notre collègue argentine conclut : « L’efficacité d’un plan de création et de promotion de coopérative pourra être évaluée à l’aune de sa capacité à transformer la coopération circonstancielle […] en une coopération de conviction. » Leçon d’importance s’il en est.
La recherche de Léonidas Maroudas et Vorgos Rizopoulos titrée « La question de la dégénérescence dans les coopératives de production » se penche sur le concept de dégénérescence. Dans le cadre des coopératives de production, ce concept désigne l’échec de la préservation de leur caractère démocratique dû à une prise de pouvoir par les managers. Les auteurs opposent à ce risque une conception missionnaire de l’organisation.
Même si elle peut également s’inscrire dans des démarches purement commerciales et à des fins lucratives, l’économie collaborative et spécialement les fab labs (ateliers de nouvelles technologies ouverts à tous) et les makerspaces (lieux de collaboration et de fabrication en commun) qu’étudie Yannick Rumpala dans sa contribution sont aussi des lieux de solidarité et d’émancipation. A ce titre, ils sont des lieux de production de nouvelles formes de coopération.
La Recma ne pouvait pas ne pas saluer l’oeuvre magistrale d’Henri Desroche l’année du centenaire de sa naissance. Le rédacteur en chef de la revue présente les trois principaux volets de cette oeuvre : sociologie religieuse, recherches coopératives et éducation des adultes, avant de rappeler que Desroche fut aussi celui qui donna à l’économie sociale son sens contemporain. L’entreprise d’économie sociale se caractérise, selon Henri Desroche, par le fait qu'elle appartient à une association démocratique.
La contribution de Clémentine Charruau sur l’enseignement coopératif dans le système éducatif au Costa Rica témoigne de la possibilité de faire de la coopération un pilier de l’enseignement. Depuis 1980, tous les établissements publics et privés du Costa Rica ont l’obligation d’enseigner la coopération. L’auteure détaille la façon dont cette loi est mise en œuvre du cours préparatoire à la terminale, l’impact de cet enseignement sur le mouvement coopératif et sa place dans la société costaricienne.