La Recma se réjouit de sa collaboration avec les Ves Rencontres interuniversitaires de l’économie sociale et solidaire. Elle regrette que les limites de sa publication ne l’aient pas autorisée à intégrer l’ensemble des contributions et invite ses lecteurs à poursuivre leur lecture en se procurant les actes complets disponibles auprès de l’université d’Aix-Marseille II. Cette collaboration a d’ores et déjà permis de produire une avancée certaine dans la connaissance sur le lien entre l’économie sociale et solidaire et les territoires, à partir des approches économiques et sociologiques.
Pourquoi la relation entre économie sociale et solidaire et territoire ne constitue-t-elle pas un objet classique de recherche en sciences économiques et sociales ? C’est sans doute l’une des questions que l’on peut se poser à la lecture de ce numéro 296 de la Recma, tant la congruence entre les deux termes est forte. Encore fallait-il sans doute que le territoire cesse d’être considéré comme un obstacle à la théorisation et qu’il devienne lui-même objet de recherche économique. Encore fallait-il que l’économie sociale interroge son ancrage territorial, plutôt que de le considérer comme « allantde soi », comme le dit M. Parodi.
G. Colletis, P. Gianfaldoni et N. Richez-Battesti soulignent que cet objet permet de définir plusieurs problématiques novatrices pour étudier l’économie sociale et solidaire. Le tour d’horizon de la littérature économique en lien avec le territoire auquel nous invite Maurice Parodi montre combien pourrait être fertile le croisement entre les approches économiques du territoire et une économie sociale et solidaire bien armée pour valider des démarches fondées sur la confiance ou sur la proximité.
Dès lors que sont abordées les questions de gouvernance, l’évidence de ce lien n’est cependant plus de mise. B. Eme met en avant les risques auxquels sont confrontés les mouvements d’économie sociale et solidaire dans l’espace local. En s’appuyant sur le concept de régimes de gouvernance, B. Enjolras énonce la pluralité des modes de relation entre l’Etat et la société civile. L’histoire de la microfinance, concluent en écho I. Guérin et J.-M. Servet, est celle d’une « dialectique permanente entre l’action publique et l’action associative ».
D. Demoustier et D. Vallat renversent la problématique et étudient les transformations du territoire par l’économie sociale aussi bien en termes de développement local, de recomposition des organisations et de construction de nouveaux processus de « solidarisation » des acteurs. A Mondragon, écrit J. Prades, cette transformation du territoire est produite à la fois par l’entreprise coopérative et par l’identité territoriale : « Le territoire est cet imaginaire qui se construit. »
Ce numéro nous fait franchir un pas important dans la connaissance du lien entre économie sociale et territoire, mais nos collègues géographes ne manqueront pas de pointer une absence : celle de la géographie. Pourquoi la « science du concret » qui a tant étudié les territoires, jusqu’à en faire l’un de ses concepts centraux, est-elle absente de ce débat ? A quand une géographie de l’économie sociale ?
Jean-François Draperi