Le pôle territorial de coopération économique (PTCE), une forme innovante de coopération territoriale de l’ESS ?
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Le pôle territorial de coopération économique (PTCE) est un groupement d’acteurs et d’organisations (associations, entreprises, collectivités locales, organismes de recherche ou de formation) ancrés sur un territoire, qui développent en commun des projets économiques et sociaux innovants, respectueux de l’environnement, aux emplois non délo calisables, engageant des pratiques de coopération et de mutualisation. Apparus à la fin des années 2000, les PTCE résultent autant de l’expérimentation de formes coopératives territorialisées initiées par les acteurs et entreprises de l’ESS que d’un processus d’institutionnalisation dont le point d’orgue est l’article 5 de la loi relative à l’ESS, qui les a consacrés en 2014.
Malgré la relative complexité de la notion, le PTCE est devenu un concept mobilisateur au sens où entrepreneurs, réseaux et élus s’en sont emparés assez rapidement pour développer les territoires en s’appuyant sur le principe coopératif. Cette dynamique est perceptible, bien que quantitativement diffi cile à saisir avec précision : on compte en France trente-quatre PTCE lauréats des deux appels à projets du gouvernement, plus de cinquante PTCE signataires de la charte initiée par le Labo de l’ESS, mais il y a aussi les PTCE soutenus localement par les collectivités territoriales ou encore partenaires de dispositifs de recherche-action. Signe de cette attention pour les PTCE, la notion est progressivement devenue un objet de recherche. Le groupe Analyse et connaissance du Labo de l’ESS a facilité les échanges initiaux entre chercheurs et experts travaillant sur le sujet ainsi que la circulation des premières études. Les communications dans les colloques se multiplient, comme en témoigne l’apparition de la thématique PTCE lors des trois dernières rencontres du Réseau interuniversitaire de l’ESS (RIUESS). De manière concomitante, la fonction recherche et développement se structure dans certains PTCE sous forme de participation à des recherches-actions, sous forme d’embauche de doctorants en contrat Cifre ou encore par le biais de démarches
d’évaluation pluriannuelle.
Ce dossier vient donc à point nommé faire un premier état des connaissances accumulées. Parmi les cinq contributions, celle de Laurent Fraisse met en lumière les étapes de l’institutionnalisation des PTCE comme processus endogène à l’ESS, avant de se pencher sur leur émergence et leur hétérogénéité morphologique. A la suite, Patrick Gianfaldoni interroge la forme spécifique de polarisation que représentent les PTCE en ESS, en s’attachant à caractériser les attributs et les propriétés spécifiques de leur mode de gouvernance. Céline Bourbousson et Nadine Richez-Battesti s’appuient quant à elles sur une démarche processuelle afin d’analyser la trajectoire de l’organisme qui supporte un PTCE. Christopher Lecat, Philippe Lerouvillois et Martino Nieddu traitent plus particulièrement de deux PTCE inscrits dans des projets d’écologie industrielle. Enfin, Philippe Henry propose une grille de lecture du fonctionnement des PTCE culture, en soulignant les difficultés et tensions relatives au mode de gouvernance coopératif et aux conditions de viabilité du modèle économique dans ce champ d’activité.
Ces premiers résultats empiriques et analytiques sur les PTCE sont à consolider. D’abord parce que ces regroupements coopératifs émergents sont en évolution permanente. Ensuite parce que la comparaison des processus de collaboration à l’œuvre dans les PTCE par rapport aux clusters et autres pôle de compétitivité est à approfondir. Une analyse fine du processus d’institutionnalisation rapide et fragile du concept pourrait être saisie à partir d’une sociologie de l’action publique. Une mise en perspective historique des PTCE comme possible actualisation du principe d’intercoopération du mouvement coopératif est aussi une hypothèse à creuser. Plus largement, les études en cours devraient permettre
de mieux qualifier les finalités et résultats des PTCE à partir de leurs pratiques : réponses à la fragmentation de l’ESS souvent composée de PME, voire de TPE ; décloisonnement entre entreprises ESS et hors ESS ; coconstruction multi-parties prenantes de l’action publique en faveur du développement territorial ; mutualisation de ressources au service d’innovations organisationnelles et sociales ? Autant d’axes de recherche et d’études de terrain à creuser dans les années à venir.
Laurent Fraisse et Patrick Gianfaldoni
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