Collaborer pour insérer ? Les partenariats sociaux dans l’insertion par l’activité économique

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Philippe Semenowicz, Presses universitaires de Rennes, 2017.

Cet ouvrage reprend une thèse soutenue à l’université Paris Est en 2015 et s’intéresse tout particulièrement aux structures d’insertion par l’activité économique (SIAE). Celles-ci proposent à des personnes en difficultés (sociales ou professionnelles) un retour à une situation de travail et la prise en charge de leurs problèmes. L’objectif de ce travail est d’analyser leur fonctionnement, notamment par l’intermédiaire d’une enquête de terrain réalisée dans trois structures différentes : un groupe associatif, une entreprise de travail temporaire et un groupement d’employeurs pour l’insertion. L’intérêt principal de cette étude est d’interpréter, nous le verrons, cette activité au prisme de l’économie des conventions.
Depuis le milieu des années 1970, la France est confrontée à un chômage de masse qui se caractérise par l’apparition de nouvelles formes d’inégalités (le chômage touche durablement certaines catégories d’actifs). Face à ce phénomène, les pouvoirs publics ont mis en œuvre trois sortes de mesures. Les premières visent à favoriser la mise en place de stages afin d’améliorer la formation de certaines catégories de demandeurs d’emploi. Les deuxièmes reposent sur l’instauration de contrats aidés, par laquelle une partie du coût du travail est prise en charge par les pouvoirs publics. L’objectif affiché de ces deux premiers types de mesures est de faire évoluer les recrutements dans le secteur marchand et de susciter des créations d’emploi dans le secteur non marchand. Enfin, la troisième catégorie de mesures vise, d’une part, à accompagner certaines catégories de chômeurs et, d’autre part, à inciter financièrement à la reprise d’emploi.

Le tournant du rapport Schwarz (1981)
C’est avec le rapport de Bertrand Schwartz (1981) que ces mesures évoluent de façon radicale. Son idée directrice est d’affirmer que toute action envers ce type de public doit s’articuler autour des domaines économique et social, dans la mesure où des difficultés des deux ordres se cumulent. En d’autres termes, si le manque d’emploi peut être à l’origine de difficultés sociales, celles-ci peuvent également freiner l’accès à l’emploi. L’instauration du RMI en 1988 participe d’un changement d’échelle, dans la mesure où il institutionnalise un nouveau champ, celui de l’insertion, composé de plusieurs sortes de structures. C’est le premier avantage de cet ouvrage que de proposer une lecture assez fine des dispositifs mis en œuvre et de la diversité des structures concernées. Philippe Semenowicz montre la grande hétérogénéité du secteur autour de deux grandes catégories : officielles et périphériques. Les premières s’articulent autour de quatre modèles de structures d’insertion par l’activité économique : les entreprises d’insertion, les associations intermédiaires, les entre- prises de travail temporaire d’insertion et les ateliers et chantiers d’insertion. Les secondes sont des régies de quartiers et les groupements pour l’insertion et la qualification. Toutes ces structures mènent une politique de lutte contre le chômage en articulant un retour au travail et un accompagnement spécifique contre les difficultés. Nées pour la plupart dans les années 1970, elles ont été progressivement reconnues et soutenues par l’État. La plus-value de la thèse repose sur sa lecture théorique. L’idée soutenue par l’auteur est que les partenariats sociaux, comme les SIAE, nécessitent un cadre théorique au croisement de l’économique, du social et du politique. L’économie des conventions (EC), un programme de recherche développé dans la seconde moitié des années 1980, tente de dépasser l’idée que la coordination entre les acteurs est un pur ajustement marchand et semble donc assez bien adaptée pour appréhender les structures de l’économie sociale (reposant sur un certain nombre de valeurs). L’intérêt de l’EC, dans le cadre de ce travail, est de comprendre comment des SIAE et des entreprises privées peuvent arriver à s’entendre et à se coordonner. L’hypothèse soutenue par Philippe Semenowicz est que les SIAE et les structures privées ne peuvent se coordonner sur une pluralité de conceptions de l’insertion. Cette approche lui permet de dégager trois types de conventions d’insertion (civique-marchande, civique-industrielle et civique-connexionniste).

Trois types de convention d’insertion à l’épreuve du terrain
La première, la convention marchande, repose sur un principe supérieur commun : la concurrence. Dans ce cas, une entreprise privée fait appel à une SIAE pour mettre des personnels à sa disposition. Son objectif est d’obtenir une prestation satisfaisante et de participer à une action de nature sociale. Dans le cas de la convention civique-marchande, l’insertion doit être analysée comme la mise en emploi temporaire de personnes en situation d’exclusion professionnelle. La deuxième, la convention industrielle correspond, au modèle de l’entreprise fordiste, où l’efficacité constitue le principe supérieur commun. Dans cette perspective, l’entreprise recherche des salariés qualifiés et fiables. La SIAE sert ici de lieu de formation, et la convention civique-industrielle voit l’insertion comme un processus de qualification. Enfin, la convention connexionniste correspond au modèle de l’entreprise en réseau, où les SIAE interviennent comme des partenaires des entreprises commerciales. Les collaborations entre ces dernières et les SIAE doivent permettre aux personnes en insertion d’acquérir des compétences. La convention civique-connexionniste voit alors l’insertion comme l’essor de l’employabilité.
Dans la dernière partie de son ouvrage, Philippe Semenowicz met à l’épreuve du concret les trois conventions élaborées précédemment. Il explore alors trois terrains : un groupe associatif majoritairement composé d’entreprises d’insertion, une entreprise de travail temporaire d’insertion et un groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification. Si la convention civique-industrielle apparaît difficilement comme fondement de l’insertion, dans la mesure où les besoins des entreprises commerciales en main-d’œuvre qualifiée sont variables, la convention civique-marchande fait des SIAE un second marché du travail réservé à une main-d’œuvre en situation d’exclusion professionnelle. Enfin, la convention civique-connexionniste, en raison de sa position intermédiaire entre les deux précédentes, apparaît comme préférable. Au bout du compte, cet ouvrage, clair et bien écrit, renouvelle considérablement les approches en termes d’économie sociale et solidaire, dans la mesure où il montre que l’enjeu des rapprochements entre SIAE et entreprises privées repose sur la qualité des conventions d’insertion et la capacité des acteurs à se mobiliser autour de compromis.

Jean-Paul Domin