Monnaies et économie sociale
Nous avons le plaisir de publier, dans ce numéro 324, un dossier sur les monnaies sociales dans le monde, introduit par le spécialiste français de la question, Jérôme Blanc. La création récente de monnaies sociales dans de très nombreux pays, dont la France, se compte par milliers. Ce serait une erreur de penser que la prise en compte de la dimension sociale de la monnaie soit un phénomène récent et secondaire. La reconnaissance de la dimension sociale de la monnaie est en effet très ancienne. "Toute vie sociale est fondée sur des échanges de services, et ceux-ci doivent être évalués dans le respect de la justice. Il faut donc trouver une commune mesure qui permette de comparer un service à un autre" (Aristote, L’éthique de Nicomaque, traduction et présentation par Richard Bodéüs, Flammarion, 2004). Cette mesure est d’abord le besoin. Cependant, quand le bénéficiaire ne peut se trouver en présence du fournisseur du bien ou du service dont il a besoin, la monnaie intervient comme outil permettant l’échange. Michel Aglietta et André Orléan ont souligné le rôle fondateur, parce que social, de la monnaie : "La monnaie n’est pas l’effet du marché […], mais sa condition d’existence" (Aglietta M., Orléan A., La monnaie entre violence et confiance, Odile Jacob, 2002, p. 8). C’est d’ailleurs parce qu’elle est fondamentalement sociale qu’elle se nomme précisément « monnaie ».