À quoi sert une ONG ?
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En France, la définition retenue est plutôt celle de Philippe Ryfman : une ONG est une association à but non lucratif, constituant un espace autonome face à l’État ou aux puissances privées, mue par une dimension citoyenne porteuse d’un cadre démocratique (l’ONG devenant un segment de ce qu’on appelle « la société civile ») et dont l’action possède un caractère transnational. Une définition qui recouvre largement celle de la Commission européenne. En France aussi, les questions qui se posent aux ONG sont nombreuses. C’est la raison pour laquelle Coordination Sud, l’organisation regroupant les ONG internationales françaises (également appelées associations de solidarité internationale), a lancé le 14 mars « ONG Lab », un cycle de conférences prospectives, avec une première question un brin provocatrice : « Les ONG sont-elles encore utiles ? » En présence de Damien Hazard, coordinateur de l’association Vida Brasil, Najia Bounaim, directrice régionale adjointe Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International, Emeline Uwizeyimana, docteure et chercheuse à Université libre de Bruxelles, spécialiste de l’efficacité de l’aide au développement, et grâce aux questions fournies d’un auditoire composé de plus d’une centaine de personnes (membres et responsables d’associations), le colloque a permis de saisir les tendances lourdes s’imposant aux ONG internationales.
D’une part, au cours de ces dernières années, les États du Sud appauvris par des crises peu favorables à la collecte de l’impôt et des taxes, mais aussi endettés par les prêts finançant leur développement, se sont désengagés des questions sociales tout en exerçant un contrôle et une surveillance accrus sur les acteurs associatifs intervenant dans le champ de la solidarité.
D’autre part, et de manière concomitante, les acteurs du secteur marchand – essentiellement des multinationales et leurs fondations – ont orienté leurs centres d’intérêt et leurs investissements vers les nouveaux marchés de la santé et de l’éducation des pays du Sud. Ils déclarent agir au nom de l’humanitaire ou de la solidarité, mais substituent une idéologie néolibérale au troisième secteur et à l’État, pourtant les mieux placés pour exercer cette fonction de participation et d’émancipation des populations locales.
Dès lors, les échanges ont permis de mieux comprendre le nouvel enjeu des ONG internationales : renforcer la participation de la société civile (les associations locales) dans l’accès et l’utilisation des fonds qui leur sont alloués. Une question moins simple qu’il n’y paraît, car certaines ONG internationales peuvent être parfois elles-mêmes vecteur de logiques néolibérales lorsqu’elles considèrent les structures locales comme de simples sous-traitants. « Nos questions sont les mêmes que celles de l’économie sociale et solidaire, remarque Philippe Jahshan, président de Coordination Sud et du Mouvement associatif, nous faisons face à des contraintes liées à nos modalités de financement, à l’émergence d’un secteur marchand intervenant sur notre champ et à des questions internes de gouvernance ».
Lisa Telfizian
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