Nouveau Conseil supérieur de la coopération : une immersion dans sa séance plénière de rentrée
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Nommé au Conseil supérieur de la coopération en ma qualité de professeur de droit et « au titre des personnalités qualifiées en raison de leur compétence dans le domaine de la coopération » (arrêté du 25 février 2021), j’ai eu l’honneur de siéger à la première séance plénière qui s’est tenue le 16 septembre à Paris Bercy, à la suite du renouvellement des membres de cette institution. Le Conseil supérieur de la coopération n’est pas nouveau, puisqu’il a été créé en 1918, mais son activité a connu des éclipses au cours de son existence, et ses fonctions restent parfois floues aux yeux du plus grand nombre. Sa principale structuration résulte de la consécration législative apportée par la loi ESS de 2014, qui a créé un article 5-1 au sein de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. Les fonctions qui en résultent sont plurielles.
Un rôle législatif et réglementaire essentiel
D’abord, le CSC doit veiller à inscrire son action en cohérence avec celle du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (CSESS). Ce souci du dialogue pour maintenir la dynamique d’ensemble de l’ESS nous semble bienvenu et doit impérativement être encouragé. C’est à ce titre que Caroline Naett, membre du CSC, a été désignée pour représenter cette institution au sein du CSESS. Ensuite, le CSC peut être saisi par le ministre chargé du secteur coopératif (actuellement, Olivia Grégoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance) pour donner son avis sur tout projet de texte législatif ou réglementaire relatif au fonctionnement des coopératives ou de leurs unions et fédérations, ainsi que sur tout projet de règlement ou de directive communautaire ayant le même objet. En retour, le CSC peut proposer au gouvernement toute modificationde nature législative ou réglementaire relative à la coopération. Pour finir, il définit les principes et élabore les normes de la révision coopérative, sous réserve des compétences du HCCA pour les coopératives agricoles.
Le CSC, dont la composition est arrêtée par décret (4), rassemble à titre principal des représentants des organisations coopératives, mais aussi des parlementaires, des fonctionnaires des administrations concernées, des personnalités qualifiées et un représentant du CSESS. Le déroulé de cette séance plénière de rentrée n’a pas été formel, mais marqué par les échanges : des représentants des mouvements coopératifs ont exprimé leurs préoccupations ou revendications tandis que des représentants du ministère fournissaient précisions et informations, le tout avec beaucoup de bienveillance et d’esprit de coopération.
Scic et CAE : questions sur le rapport de l’IGF et de l’Igas
Le récent rapport (5) de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales sur les Scic et les CAE a été l’objet des premières discussions. Des représentants des familles concernées ont pris la parole et indiqué leur relative satisfaction vis-à-vis de cette étude. La représentante des CAE a toutefois signalé que des disparités entre entrepreneuriat collectif et entrepreneuriat individuel, au détriment du premier pôle, étaient un obstacle important à leur développement. De leur côté, les coopératives HLM ont rappelé qu’il existe plusieurs types de Scic dans le domaine du logement : des SCIC HLM, bien sûr, mais aussi des SCIC agréées comme offices de foncier solidaire. Ces deux modèles sont en expansion et nécessitent une vigilance particulière afin que les modifications envisagées sur le régime général n’aient pas d’impact négatif sur elles. Les fonctionnaires du ministère ont manifesté leur intérêt pour ces précisions, mais aussi exprimé leur ignorance ou connaissance très partielle. Pour preuve : le rapport a été sollicité à l’initiative de la CG Scop, et certaines Scic qui ne sont pas dans son périmètre (comme les Scic HLM) n’ont pas été prises en compte dans le rapport, qui est resté calé sur le périmètre communiqué par la CG Scop. Ce point illustre parfaitement l’utilité du CSC comme canal de communication entre mouvements et administration, mais révèle également l’émiettement du mouvement coopératif.
La question des coopératives agricoles a également été abordée, à propos d’un rapport parlementaire à venir. Compte tenu de l’atmosphère hostile aux coopératives agricoles durant le processus ayant conduit à l’adoption de la loi EGalim 6 et des textes qui en ont découlé, des inquiétudes ont transparu dans les prises de position. La coopération agricole a légitime- ment rappelé, de façon quelque peu défensive,les bienfaits fondamentaux du modèle pour le secteur. Coop FR a également insisté, à juste titre, sur l’unité du droit coopératif et la nécessité de ne pas le fragiliser par les atteintes à un secteur particulier. Espérons que ce rapport sera entrepris dans un esprit constructif.
Focus sur la révision coopérative
Le second grand sujet de la séance a été la révision coopérative. Sa généralisation date de 2014 et le CSC propose d’en réaliser un premier bilan. Une enquête auprès des réviseurs avait été esquissée par Jérôme Faure sous l’égide de Coop FR, dont quelques éléments ont été résumés : quasi-inexistence de rapports négatifs transmis à une autorité de contrôle ; satisfaction des réviseurs à l’égard du guide publié par le CSC. Concernant plus spécifiquement le statut officiel de réviseur, soumis à agrément tous les cinq ans, et compte tenu du temps pris pour la mise en place réglementaire, les premiers agréments arrivent à leur terme et devront être renouvelés. Or la procédure a été décentralisée en 2019, du ministère aux préfets, ce qui soulève quelques inquiétudes : inégalité de traitement en fonction des préfectures, ou encore risque de renouvellement par tacite reconduction sans regard sur la qualité des révisions réalisées. Le CSC essaiera de veiller au grain puisqu’il doit être en copie des demandes d’obtention ou de renouvellement.
En dehors de ces deux points centraux, les coopératives d’habitants et les coopératives artisanales sont intervenues. Les premières ont rappelé leur originalité et les difficultés auxquelles elles font face, ne bénéficiant souvent pas des mécanismes prévus pour d’autres projets de logement collectif. Il a aussi été rappelé que, depuis 2014, certains décrets d’application n’ont toujours pas été adoptés. Où l’on voit que l’émiettement coopératif regretté plus haut n’a rien à envier au cloisonnement ministériel, les coopératives d’habitants ayant été créées par la loi Alur, donc le ministère du Logement.
Les coopératives artisanales, quant à elles, ont associé leur voix au plébiscite en faveur de la révision. Mais elles ont également fait part de leurs difficultés propres, particulièrement à propos de la fiscalisation des investissements que les coopérateurs effectuent dans la coopérative pour permettre son développement. Ils annoncent un amendement pour la loi de finances 2022 pour y remédier.
Terminons ce tour d’horizon par un sentiment et une question. Le sentiment est très positif : l’atmosphère était chaleureuse, les propos intéressants, et les échanges fluides et apparemment assez libres. La question, sincèrement naïve, est de savoir si cette facilité de la discussion entre les organisations et le ministère est représentative. Il ne semble pas, en effet, que les coopératives aient été particulièrement choyées sous l’ère Macron. Mais il est possible, aussi, que les coopératives entretiennent effectivement d’excellentes relations avec le ministère de l’Économie sociale et solidaire, lequel n’aurait qu’un poids bien faible dans le gouvernement. Les prochaines séances devraient permettre d’affiner ce jugement.
David Hiez
(4) Décret n° 2015-562 du 20 mai 2015.
(5) « Les sociétés coopératives d’intérêt collectif (Scic) et les coopératives d’activité et d’emploi (CAE) », IGF/Igas, mai 2021.
(6) La Loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable (EGalim), définitivement votée le 2 octobre 2018 à l’Assemblée nationale a été promulguée le 1 er novembre 2018.
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