Solidarité et organisation. Penser une autre gestion

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Philippe Eynaud et Genauto Carvalho de França Filho, Eres, 2019, 245 pages

Cet ouvrage écrit par deux universitaires professeurs de gestion – l’un français, l’autre brésilien – est ambitieux et utopique. Il part du constat de la double insoutenabilité de notre modèle économique dont procèdent les outils de gestion qui, en partant de l’entreprise standard, se sont infiltrés dans le secteur public via le New Public Management puis dans l’économie sociale et solidaire.
L’insoutenabilité environnementale liée au réchauffement climatique, à l’épuisement des ressources naturelles et à la perte de biodiversité se conjugue en effet avec celle liées aux inégalités croissantes qui fragilisent les démocraties et fracturent la société. Cette double insoutenabilité amène les auteurs à rechercher un autre mode de gestion des organisations, fondé sur la solidarité entre les humains et entre ceux-ci et la nature. Le livre comporte quatre chapitres. Le premier est une intéressante analyse critique de la courte histoire du management (Taylor, Mayo, Burnham, etc.), mais qui ne se comprend qu’adossée à l’histoire plus longue de la pensée économique orthodoxe, libérale puis néolibérale venue du monde anglo-saxon. Les auteurs montrent qu’un certain nombre de rendez-vous avec la solidarité, qui auraient permis de mieux répondre à la demande de transformation sociale, ont été manqués faute d’une plus grande attention des théoriciens de la gestion aux auteurs européens – Walras, Weber, Gide, Bourgeois, Durkheim entre autres – ou d’une lecture moins simpliste des pères fondateurs de la pensée libérale – Adam Smith, par exemple, qu’on ne saurait réduire à la « main invisible du marché ». Les deuxième et le troisième chapitres, intitulés « Réorganiser la solidarité » et « Resolidariser les organisations », sont longs et parfois jargonnants. Ils n’obéissent pas à la même cohérence que l’introduction et le premier chapitre, et on perd parfois le fil directeur. Ils multiplient aussi les grilles d’analyse à axes vertical et horizontal, qui permettent d’isoler quatre classes. Ces classifications sont en fait des hypothèses qui mériteraient d’être confirmées ou infirmées par une analyse de données empiriques.

Le chapitre « Réorganiser la solidarité » conjugue les cadres conceptuels de Karl Polanyi et d’Alberto Guerreiro Ramos pour affirmer la primauté du politique sur l’économique et aboutir à une société multicentrique. C’est très abstrait et on aurait aimé quelques exemples de « para-économie », de « phénonomie » et d’« isonomie » pour donner de la chair à ces concepts.

Deux voies de gestion solidaire et soutenable
En revanche, le chapitre « Resolidariser les organisations » multiplie les études de cas d’expériences citoyennes. Il les structure en fonction de la recherche d’une gouvernance démocratique (en reprenant les préconisations d’un ouvrage antérieur des mêmes auteurs), d’un développement territorial en réseaux, de la réconciliation entre économique et social, de la démarchandisation du travail, de la monnaie et de la nature, et enfin de l’innovation sociale. Avec le quatrième et dernier chapitre, on retrouve le fil directeur de l’ouvrage : la recherche d’une autre gestion. Les auteurs analysent deux voies de gestion solidaire et soutenable. La première est celle proposée par l’école brésilienne de gestao social, qui repose davantage sur la solidarité entre les personnes car elle inclut des espaces de délibération pour reconnecter les citoyens avec l’action publique. La seconde voie est développée par Elinor Ostrom et le mouvement de la gestion des communs naturels et environnementaux, puis culturels, informationnels, scientifiques, etc.
Sans être pleinement abouties, ces deux voies peuvent être conjuguées ; elles permettent de passer, par erreurs et essais et par la délibération, de la maximisation du taux de profit et de la viabilité financière à une mesure multidimensionnelle de l’utilité sociale, se référant à divers types de rationalité. Les auteurs parviennent ainsi à dix définitions, non exclusives, de cette autre gestion (p. 205-207), qui constituent autant de programmes de recherches pour élaborer des outils opérationnels destinés à l’évaluation des politiques publiques et à la gestion des entreprises de l’ESS, et plus particulièrement des associations.

En refermant le livre, on reste évidemment sur sa faim. L’ambition des auteurs était immense et inaugure sans doute un courant hétérodoxe en sciences de gestion, analogue à celui qui existe depuis deux à trois décennies en économie. Il faut saluer leur courage et souhaiter que beaucoup de jeunes répondent au programme de recherche dont les contours sont évoqués au terme de cet ouvrage.

Édith Archambault