Cahier ESS de l'Humanité du 3 mars 2014 : sexisme et Europe, pas de quoi pavoiser...
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L'Humanité poursuit la publication de ses très bons cahiers "économie sociale". Au sommaire le 3 mars 2014 : le sexisme dans l'ESS et une tribune de M.-C. Vergiat, députée européenne du Front de Gauche, sur les enjeux européens de l'ESS.
- "Sexisme : l’économie sociale et solidaire n’échappe pas à la règle" de Stéphane Aubouard et J.-P. Milésy
"Concernant les salaires par exemple, l’Insee rappelle que, dans l’ESS, l’écart de rémunération moyen entre un homme et une femme en CDI et à temps complet est de 6 500 euros brut annuel [...] Enfin – là encore l’ESS ne déroge pas à la règle –, les femmes occupent moins d’emplois à temps complet que les hommes, avec seulement 55 % contre 75 %.
Alors d’où provient cette inertie au sein de l’ESS ? Des explications peuvent être facilement avancées. Le fait par exemple qu’historiquement les effectifs d’adhérents et des coopérateurs (Scop, coopératives d’entrepreneurs ou d’agriculteurs) sont majoritairement masculins, de même que chez les sociétaires de banques et de mutuelles, où survit encore la notion de « chef de famille ». Il y a ensuite le déterminisme du métier avec des femmes essentiellement recrutées dans le tertiaire, qu’elles soient salariées dans de petites associations ou dans de grandes administrations bancaires ou mutualistes.[...] omment l’ESS peut-elle incarner une alternance économique, sociale et citoyenne en s’abîmant dans la banalité d’une domination masculine ? Des mouvements associatifs tentent de faire bouger les lignes [...] Dans ce contexte, l’idée d’une économie réellement sociale et solidaire, engagée dans un processus de transformation sociale, donne aux entreprises et aux structures de l’ESS des obligations quasi morales en termes de féminisme."
- Scarlett Wilson-Courvoisier « L’ESS connaît depuis toujours une constante patriarcale »
[...]Mais qui aujourd’hui se souvient de Jeanne Deroin, qui prit une part importante à la République associationniste de 1848, et qui la première affronta l’élection au suffrage universel qu’elle dénonçait comme « masculin » ce que Proudhon jugeait « excentrique » ? [...] On ne peut proclamer la démocratie, « une personne, une voix », et continuer à pratiquer la mise à l’écart des femmes. Toute référence à la transformation sociale est vaine si l’on se prive des apports intellectuels, des compétences de celles-ci. [...] Les femmes elles-mêmes ont un effort à faire pour se sentir légitimes et se battre. Si elles sont plus volontiers du côté des « coopérateurs ludiques », il y a aussi en leur sein des « guerrières » prêtes à reproduire les schémas anciens du moment qu’elles imposent leurs situations personnelles. Le combat pour l’égalité doit impliquer un changement de la conception même de la société.
- "Contre le sexisme, les mots ne suffisent plus" par G. Chocteau
"Dans l’économie sociale et solidaire, les femmes sont largement majoritaires. Elles représentent 2 salariés sur 3. L’ESS fait donc « mieux » que le privé lucratif (moins de 1 sur 3) et que la fonction publique (1 femme sur 2). Mais au sein de cette économie, nous retrouvons aussi régulièrement la classique division sexuelle du travail qui assigne aux hommes la sphère productive et aux femmes la sphère reproductive. Aujourd’hui encore, pour les femmes, devenir cadre dans l’ESS suppose de franchir un épais plafond de verre. Et lorsqu’elles travaillent, avec des salaires souvent fort bas, elles doivent tant bien que mal composer entre travail et vie de famille."
- "L’ESS en Inde : un outil fragile de reconnaissance sociale pour les femmes"
"Le Bureau national des registres criminels a ainsi constaté en 2012 la mort de 8 233 femmes à la suite de disputes liées à des réclamations de dot. Une coutume centenaire interdite par la loi et qui, quand elle ne tue pas, jette beaucoup de jeunes femmes à la rue. [...] Dans un tel contexte, l’économie sociale et solidaire peut apporter un début de solution. En partant de ce problème des mariages arrangés, Kavita Srivastavi, avocate à Jaipur (Rajasthan), et militante pour les droits des femmes, a trouvé un refuge à ces jeunes filles fuyant leurs familles."
[sur le sujet, lire dans la Recma "Femmes et microfinance : espoir et désillusions de l’expérience indienne" ; "la microfinance, la fin de l'exclusion?" ; "Femmes, économies et développement, de la résistance à la justice sociale")
- "Quels enjeux à la veille des élections européennes ?" par M.-C. Vergiat
"L’ESS est aujourd’hui plus visible au sein des institutions européennes qu’il y a quelques années [...] Mais moult ambiguïtés apparaissent, notamment en raison de la confusion entre économie sociale et entrepreneuriat social. Derrière cette pseudo-assimilation, se cache un vrai combat idéologique. On veut nous faire croire que peu importe la forme organisationnelle de l’entreprise, seule compte sa finalité sociale, sa capacité à prendre en compte les besoins sociaux. Et il ne fait pas de doute que, dans certains secteurs comme celui de l’insertion, la réussite du pari est incontestable. Mais la promotion d’un tel modèle, en pleine crise de l’État providence, et donc de pénurie des financements publics, ne peut qu’interroger. Les porteurs de projets sociaux ne sont-ils pas contraints à choisir un modèle « rentable » ? Poser la question au sein des institutions européennes est déjà y répondre. Et c’est un défi auquel doivent répondre les entreprises de l’économie sociale au risque de se voir banaliser, ce que certaines d’entre elles savent déjà très bien faire. Face à la crise du système capitaliste, les entreprises de l’économie sociale doivent être en première ligne pour défendre leur spécificité"
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