À Bordeaux, un séminaire sur les courants de pensée façonnant l’ESS dans les territoires
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À l’occasion des 100 ans de la Recma, la Chaire TerrESS et le Centre Emile Durkheim (CED) ont organisé le 4 novembre 2021 à Sciences Po Bordeaux une journée d’études sur les sources historiques des courants de pensée de l’ESS et leur territorialisation, intitulée « Aux sources de l’ESS : des courants de pensée aux matrices territoriales ». Huit communications ont été présentées par huit intervenant.e.s, puis mises en perspectives par Danièle Demoustier (Sciences Po Grenoble, Comité de rédaction de la Recma).
De l’influence du solidarisme
Localisme oblige, les deux premières communications ont analysé la manière dont le courant solidariste s’est incarné à Bordeaux. Après une lecture historique du rôle du solidarisme pour penser les groupements intermédiaires puis l’Etat social dans la structuration juridico-institutionnelle française, Robert Lafore (Sciences Po Bordeaux) a convoqué les approches de Hauriou, Gurvitch Durkheim et Duguit pour questionner les effets paradoxaux de l’individualisation (y compris sur l’ESS) au plan national. À sa suite, Timothée Duverger (Sciences Po Bordeaux, TerrESS) a distingué la variante républicaine du solidarisme (Léon Bourgeois) de celle coopérative (Charles Gide). Son exposé s’est centré sur l’hypothèse d’une école bordelaise du solidarisme, en s’appuyant sur des auteurs (Durkheim, Duguit, Gide) ayant tous un lien, plus ou moins ténu, avec cette ville, puis il a souligné comment Jacques Ellul, autre bordelais, a par la suite étendul’approche de la dette sociale à la dette écologique. Dans son commentaire conclusif de cette première partie, le « couple paradoxal » constitué par l’Etat et les groupements intermédiaires a été analysé par Danièle Demoustier : l’ESS s’est aussi développée avec l’Etat, et « solidarité obligatoire » et « solidarité volontaire » ont constitué un couple non exempt de contradictions. Autre point souligné : l’histoire de l’ESS à Grenoble montre une diversité des courants de pensée avec l’influence du personnalisme, qu’il s’agisse de la pensée d’Emmanuel Mounier ou du « personnalisme gascon » d’Ellul et Charbonnier.
Les matrices territoriales de l’ESS basque
La deuxième session a associé trois présentations revenant sur les matrices territoriales de l’ESS basque. Igor Ortega (LANKI, Mondragon Unibertsitatea) est revenu sur des aspects peu connus des fondateurs de Mondragón, en rappelant que si l’expérience basque est née dans le contexte d’une économie sociale dominée par la coopération de consommation, les promoteurs de Mondragón ont favorisé la coopération de travail associé (Buchez) et sa portée transformatrice. Des pionniers de Rochdale, les fondateurs de Mondragón ont toutefois conservé la dimension communautaire, la coopérative répondant aux nécessités intégrales de la personne, ainsi que certains principes qui ont été réajustés dans un souci de pragmatisme (le vote qualifié ; la participation de la communauté au capital via l’outil du capital en commandite ; la rétribution variable du capital ; une échelle de salaires limitée mais réelle afin de renforcer l’incitation des cadres). Côté basque français, Xabier Itçaina (CNRS, CED, Sciences Po Bordeaux) a proposé une lecture historique des sources anciennes de l’économie sociale où la coopérative a constitué à la fois une continuité et une rupture par rapport aux dispositifs coutumiers d’entraide, de solidarité et d’organisation collective de la production et du marché. Coopératives, mutuelles et associations ont fait l’objet d’usages politiques rivaux au tournant des XIX e et XX e siècle par des réseaux en lice pour l’encadrement de la société : Eglise catholique, mouvement ouvrier, anarcho-syndicalisme, républicanisme. Enfin, Mathilde Fois-Duclerc (CED-GREThA) est revenue sur les courants de pensée à l’origine des monnaies locales en Pays basque français (Euskal moneta) et à Bristol (Bristol pound). Si la monnaie basque résulte d’une hybridation des sources (mouvances abertzale et écologiques en particulier), le Bristol pound trouve sa source dans le mouvement international des Villes en transition et la New Economics Foundation. Les rapports au territoire des deux monnaies varient, avec une monnaie plutôt urbaine à Bristol et une monnaie locale basque visant à couvrir l’ensemble du territoire. Dans sa discussion, Danièle Demoustier et plusieurs intervenants ont souligné le rôle ambivalent de l’économie sociale en termes de résistance et/ou d’intégration des sociétés locales dans l’économie marchande.
Développement local et expériences alternatives d’ESS
La troisième session a porté sur des expériences territoriales contrastées. Jacques Palard (CNRS, CED, Sciences Po Bordeaux) a réfléchi à l’articulation entre dépendance économique et développement régional, en se focalisant sur le rôle de la matrice culturelle comme vecteur de résilience en Acadie et dans la région québécoise de la Beauce. Mobilisant la thèse de Joseph-Yvon Thériault sur les coopératives acadiennes, soutenue en 1982, et sa propre enquête sur l’industrialisation diffuse dans la Beauce, publiée en 2009, il a souligné dans une veine toute polanyienne l’importance des mobiles non directement économiques du développement territorial. Ainsi, le retard économique peut paradoxalement, par une forme de résilience fondée sur les valeurs traditionnelles, devenir ressource de développement. Les deux approches partagent l’attention aux « archives intérieures » des territoires mais elles se distinguent quant à leurs fondements théoriques, marxistes chez le « jeune Thériault », inspirés de la nouvelle sociologie économique chez Jacques Palard. Anne Goudot (GREThA) a exposé les résultats d’une enquête participative (projet Ecopiste) conduite auprès d’alternatives territorialisées au capitalisme. S’y dévoilent des expériences qui témoignent d’un rapport spécifique au territoire, avec des phénomènes d’itinérance, de nomadisme, de woofing et d’un rapport distancié à l’ESS. Ces projets qui sont aussi des « manières d’être au monde », sont généralement menés par des néo-ruraux, au sein de divers cercles et courants de pensée alternatifs, allant des mouvements paysans, environnementalistes, anarchistes jusqu’aux survivalistes. Enfin, Anne-Marie Merrien (IRECUS, Univ. de Sherbrooke) a abordé le cas des coopératives Inuit du Nouveau-Québec sous l’angle de leur effet en termes de reconnaissance identitaire. À partir d’une enquête doctorale menée dans les 14 villages inuit, où plus de 90% de la population est membre d’une coopérative, elle a interrogé d’une part le rôle historique de médiation de la coopération dans le passage d’une économie de la subsistance à une économie monétaire et, d’autre part, le rôle contemporain des coopératives en matière identitaire. À rebours des approches ethnologiques conventionnelles sur l’identité, cette recherche aborde les coopératives au double prisme de la théorie de la reconnaissance d’Axel Honneth et des analyses de Jean-François Draperi voyant dans les coopératives un triple mouvement : social, de pensée et d’entreprises. Dans sa discussion, Danièle Demoustier s’est demandée, à partir des cas étudiés par Jacques Palard, si les différences de mode de développement pouvaient s’expliquer en partie par des facteurs structurels, comme l’isolement géographique ou par des trajectoires de territoires industriels en crise. La discussion sur les expériences alternatives a porté sur leurs modes de régulation et de gouvernance, sur l’articulation entre individualisme et action collective et sur le rapport au territoire qui en résulte. Le cas inuit, enfin, a été réinterrogé au travers du rôle des coopératives dans l’accroissement des capabilités et la transformation sociale, mais aussi sur l’articulation entre gouvernance coopérative et gestion des fonds publics. Au final, la journée a généré plus de questions que de réponses, ce qui est de bon augure pour la recherche à venir.
Xabier Itçaina
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