"Une alternative crédible au capitalisme", Roger Belot (Maif) dans le Monde
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Nos sociétés occidentales sont plus que jamais confrontées à trois crises de grande ampleur : économique, financière, écologique. Cette situation a provoqué une crise de confiance des consommateurs à l'égard de ce qu'on essaie de leur vendre, des citoyens à l'égard du politique et des institutions, des salariés à l'égard des dirigeants des grandes entreprises. Dans ce contexte, la bonne résistance de nos entreprises de l'économie sociale et solidaire a réveillé l'intérêt des décideurs publics à notre égard : coopératives, associations, entreprises sociales et mutuelles dont nous sommes à la MAIF l'un des piliers fondateurs. Ces modèles d'entreprendre offrent, comme le fait notre mutuelle depuis près de 80 ans, une alternative crédible au capitalisme et se révèlent durables, sécurisants et fiables. Une tribune de Roger Belot (Maif) pour le Monde du 2 mai 2012.
A l'heure où le chômage dans les économies occidentales ne cesse de s'accroître, l'intérêt pour un secteur qui, non seulement maintient ses emplois mais continue globalement d'en créer se comprend aisément. L'économie sociale et solidaire, avec 2,3 millions d'emplois représente en France près de 10% des salariés et contribue chaque année à la création d'emplois : + 2,4 % contre 1,8 % dans le secteur privé traditionnel.
La nouvelle popularité de l'ESS n'a d'ailleurs pas manqué d'intriguer puis de susciter l'intérêt de grandes entreprises, le plus souvent de la banque et de l'assurance. Ironie du sort : nombre d'entre elles furent des acteurs historiques à nos côtés, avant de se débarrasser d'un modèle jugé un peu trop hâtivement périmé. Se souvenant brutalement, mais avec opportunisme, de leur passé, elles ont balayé à coups de spots publicitaires les dérives spéculatives dans lesquelles elles s'étaient laissées entraîner. Elles se sont drapées dans ces slogans, nouveaux symboles de vertu, que sont les termes de "sociétaires" et de "mutuelle".
Parce que nombre d'acteurs de l'ESS restent des associations et des petites entités, les pouvoirs publics, comme les candidats à l'élection présidentielle, se sont tous proposés de soutenir ce "tiers secteur" par des solutions de financement. Tant mieux, et je ne peux, en tant que président de la MAIF et actif défenseur de notre modèle, qu'encourager le développement de ces structures porteuses de sens et socialement innovantes. Mais nous ne saurions réduire l'ESS à ces seules problématiques et à des acteurs dont l'action vise le plus souvent à pallier les carences de l'Etat.
L'ESS porte en elle une autre vision de l'entreprise, de la création de richesse, de la répartition des gains de productivité et des résultats. Elle définit différemment les rapports de l'homme à l'entreprise. Nos sociétés de personnes sont la propriété collective de nos sociétaires, sans qu'aucun d'eux ne puisse se prévaloir d'un droit distinct de celui des autres. N'ayant pas d'actionnaires à rémunérer, notre mode de gestion est plus transparent. Nos excédents sont systématiquement réinvestis dans le développement de la structure. L'échelle des salaires est encadrée. Nos sociétés ne sauraient être victimes d'OPA donc nos emplois sont peu délocalisables. Enfin, l'impact social et sociétal de nos structures est particulièrement fort. A y regarder de plus près, l'on voit bien que la responsabilité sociale et environnementale des deux entreprises, en vogue aujourd'hui, souvent pour des raisons de marketing, est par nature ancrée dans nos gènes, dans nos statuts, dans nos politiques.
A l'aube d'une révolution profonde de nos modes de produire, de commercer, de vivre ensemble, les responsables politiques d'aujourd'hui comme de demain doivent tirer les leçons du succès de notre modèle social et solidaire. Dans une société qui demain s'organiserait autour d'un pouvoir latéral et non plus hiérarchique, où la mutualisation serait le maître-mot de l'organisation économique, sociale et énergétique, les modèles d'entreprendre de l'ESS, en particulier le modèle mutualiste, apporteront des réponses durables à toutes celles et ceux qui veulent s'engager dans une autre voie que celle de la toute-puissante finance internationale.
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