Projet coopératif et christianisme social

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Enzo Pezzini, Presses de l’Université Saint-Louis (Bruxelles), 2018, 326 pages.

Enzo Pezzini propose un ouvrage à rebours des préoccupations dominantes dans le monde académique de l’économie sociale et solidaire, et ce n’est pas le moindre de ses mérites. En effet, si la religion est une question d’actualité, dans le monde coopératif, il est de bon ton de se réclamer du socialisme ou de l’entreprise, et les militants ou les chercheurs qui traitent de ce sujet semblent plutôt pencher du côté de la laïcité. C’est donc une excellente idée que de proposer une analyse éclairant les liens entre christianisme social et coopératives.
Nous laissons de côté les premiers chapitres, sans doute parlants pour les spécialistes du christianisme puisqu’ils discutent la pertinence du concept de christianisme social, mais nous sommes trop éloignés de ce champ pour en apprécier la pleine valeur. Tout au plus relèvera-t-on la pertinente interrogation méthodologique soulevée par l’auteur, consistant à se demander si on peut attribuer au christianisme une participation active à la naissance du mouvement coopératif : question par principe non résolue dans la mesure où le christianisme social étudié ne débute pas avant les années 1880.
L’auteur emprunte principalement trois voies, qui constituent les chapitres 3 à 5 de son ouvrage, extraits de son travail doctoral.
Cet ensemble qui forme le cœur du livre porte sur les références aux coopératives dans les écrits de base du christianisme social (principalement les encycliques), puis sur les valeurs communes du christianisme social et du mouvement coopératif, avant de proposer une fresque de coopérateurs chrétiens.

Enzo Pezzini montre de façon convaincante dans le chapitre 3 que les coopératives ont retenu l’attention de tous les papes depuis l’encyclique Rerum novarum. Certes, les références ont d’abord été indirectes, et, selon les périodes, le type de coopératives privilégiées a varié. De même, tous les papes n’ont pas été aussi proches de ces structures que l’actuel pontife, dont l’origine latino-américaine n’est pas étrangère à cet intérêt. Mais, tout au long du XX e siècle, l’Église a vu dans les coopératives une réalisation économique et humaine de nature à fonder un modèle pour les chrétiens. Il n’est pas surprenant à ce titre que les textes de l’Église aient toujours mis en avant la dimension non exclusivement économique de la coopérative : le christianisme ne pouvait concevoir la dimension économique de l’homme qu’enchâssée dans des dynamiques plus profondes, spirituelles. C’est incontestablement une différence avec le discours coopératif dominant d’aujourd’hui, davantage centré sur la satisfaction des besoins sociaux économiques ou culturels des coopérateurs ou même de la communauté, alors que la dimension spirituelle pointée par l’Église va bien au-delà et rejoint l’aspiration à l’émancipation des hommes par le mouvement coopératif.

Des valeurs et principes communs
Le chapitre 4, plus convenu, isole six principes issus de la doctrine sociale de l’Église pour les confronter aux valeurs coopératives : ce sont les principes personnalistes, de subsidiarité, de solidarité, du bien commun, de participation et de la destination universelle des biens. Les modalités de choix de ces six-là en particulier ne sont pas explicitées ni étayées. Cette confrontation n’est toutefois pas inutile.
L’auteur, en effet, explicite le soubassement de chacune de ces valeurs dans la doctrine de l’Église et analyse sa présence dans la pensée et la pratique coopératives. Côté coopératif, nous y avons surtout retrouvé des poncifs trop proches de la doxa de l’ACI (Alliance coopérative internationale) et des organisations internationales. Du côté catholique, notre ignorance initiale nous a permis d’en apprendre davantage.
Mais notre regret provient de l’absence de lien établi par l’auteur entre ces principes partagés (chapitre 4) et les références coopératives explicites des encycliques (chapitre 3).
Il aurait été intéressant de voir quelles sont les conséquences pour la doctrine chrétienne de ces valeurs et prises de position en faveur des coopératives. Il nous semble que ceci aurait permis de mieux comprendre certaines évolutions de la pensée chrétienne. De même, il n’aurait pas été inutile de mettre en évidence les éventuelles critiques adressées par le christianisme social aux coopératives ou, s’il n’y en a pas expressément, de chercher si cette pensée ne fournit pas des outils pour construire de telles critiques. On en trouve de-ci de-là des traces, mais elles ressemblent plus à des apartés dus aux propres critiques de l’auteur qu’à une étude scientifique. Une confrontation plus systématique entre christianisme social et coopératives aurait par exemple montré en quoi le premier peut encore servir au second.
Le dernier chapitre est une belle fresque des acteurs de la coopération liés au christianisme. Il est bon de relire cet inventaire pour se souvenir de leur importance en qualité et en nombre. On retrouve ces protagonistes chrétiens dans tous les pays, y compris dans l’anglicane Grande-Bretagne, comme à toutes les époques du XIX e et du XX e siècle. Le XXI e siècle n’est pas représenté, mais on ne s’en étonnera pas compte tenu de la délimitation géographique du travail, essentiellement européen. L’analyse de la coopérative Mondragon et des motivations de son fondateur, le prêtre José Maria Arizmendiarrieta, est éclairante à ce propos.
Quoique l’origine chrétienne de ce projet soit évidente, l’héritage s’en est fortement détaché, allant parfois jusqu’à l’oubli, voire au déni. Nous ne serions pas surpris que les observations ne soient pas les mêmes sur d’autres continents – ou si l’analyse sociologique fine portait sur des acteurs anonymes contemporains de la coopération. Mais ceci aurait été un autre travail...

David Hiez