Parlement européen: audition de l'intergroupe économie sociale le 8 déc, compte rendu
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Cides-Chorum propose un très complet compte-rendu de cette rencontre du 8 décembre sur l'entrepreneuriat social.
Pour la sixième fois, cette année, ce jeudi 8 décembre, l’intergroupe économie sociale du Parlement européen, qui regroupe les différents partis politiques de l’Assemblée, des acteurs du secteur et des institutions européennes, se réunissait. Un moment qui a été l’occasion de faire le point sur la place qu’occupe « l’économie sociale dans l’agenda européen », et de revenir sur les avancées qui ont été réalisées récemment en la matière. Car la fin de l’année 2011 a été riche pour l’économie sociale avec notamment plusieurs initiatives de la Commission européenne en faveur de l'économie sociale et de l’entrepreneuriat social.
Lors de cette rencontre, dont vous trouverez le compte rendu ci-dessous, trois points majeurs ont été débattus : l’amélioration du cadre légal pour les entreprises de l’économie sociale ; le développement des entreprises européennes appartenant à l’économie sociale ; les capacités d’innovation sociale de ces entreprises. Cet intergroupe a donc permis de revenir sur les avancées institutionnelles en matière d'économie sociale. La Communication récente de la Commission européenne sur le sujet a été saluée comme une avancée notable, mais encore bien éloignée des efforts à effectuer pour véritablement promouvoir l'économie sociale en Europe. La question de la reconnaissance des statuts pour les différentes familles de l'économie sociale était évidemment au cœur des débats. On a perçu une certaine dichotomie entre les discours des membres de la Commission (pour qui les avancées récentes, bien qu'imparfaites, étaient à souligner) et les autres acteurs de cet intergroupe, emmenés par la parlementaire Marie-Christine Vergiat, députée Front de gauche, pour qui les efforts devaient être bien plus considérables. Les prises de position ont donc été nombreuses, chiffres (l'économie sociale représentant 10 % de l'emploi total ainsi que de l'ensemble des entreprises européennes) et exemples à l'appui (la coopérative Mondragon, le réseau AIM). Au vu de la résistance des entreprises de l'économie sociale à la crise actuelle, on peut se demander pourquoi les blocages à son expansion sont toujours aussi persistants. Ces entraves institutionnelles, avec en chef de fil la reconnaissance des statuts mais aussi la question de l’accès aux financements, nécessitent des prises de positions plus fortes de la part de la Commission européenne (en s'appuyant notamment sur le rapport, de la députée européenne Mme TOIA de 2009 en faveur de la reconnaissance de l’ES). L'étalon de « l'entreprise » utilisé comme unique modèle d'entreprendre n'est plus efficace. Les institutions gagneraient à reconnaître puis à promouvoir la diversité d'entreprendre en Europe pour tenter de sortir de la crise actuelle.
Compte rendu de l’audition de l’intergroupe ES au Parlement européen
Marc TARABELLA (Membre du Parlement Européen et coprésident de l’intergroupe “économie sociale” du Parlement Européen) inaugure ce nouvel intergroupe sur « l'économie sociale », en rappelant les travaux effectués par la Commission pendant l'année en cours et insiste sur le potentiel que peut avoir l'économie sociale en période de crise. Il insiste également sur le caractère transversal de l'économie sociale, d'où la présence de plusieurs directions de la Commission européenne ainsi que de membres du Parlement et d'organismes extérieurs dans les différents panels.
Ariane RODERT (CESE – rapporteuse de l’avis : « Entrepreneuriat social et entreprise sociale ») rappelle que l'économie sociale n'est pas nouvelle, mais qu'en revanche sa visibilité dans le paysage européen l'est bel et bien. Elle revient sur la forte mobilisation des différents acteurs de l'économie sociale, mais également sur les disparités de développement de l'économie sociale au sein des États membres. Elle souligne la nécessité de clarifier la définition ainsi que les statuts autour de l'économie sociale, tout en précisant que les législations à venir ne doivent pas entraver ses différents instruments.
Alain COHEUR (Président de SOCIAL ECONOMY EUROPE) rappelle l'importance du rapport TOIA de 2009 en ce qui concerne une recherche de définition partagée au sujet de l'économie sociale. Il revient sur la dynamique institutionnelle récente autour de cette thématique, avec notamment six intergroupes en 2010 suivis par six autres en 2011, mais également sur l'actualité avec le discours de M. Barnier sur l'économie sociale, les entreprises sociales et l'innovation. Il affirme que les entreprises de l'économie sociale (en précisant entreprises de personnes et non de capitaux) sont capables de répondre aux évolutions actuelles et d'apporter des réponses structurées aux défis européens. Il souligne également la capacité d'absorption des entreprises de l'économie sociale en ce qui concerne le désengagement des Etats sur les questions sociales. Il note également que cet énorme potentiel des entreprises de l'économie sociale n'est pas assez exploité ni mis en valeur par la Commission européenne, pour qui la vision de l'économie sociale est trop limitée a des « publics vulnérables » (cf : Plateforme de lutte contre la pauvreté développée par la Commission). Selon lui, l'économie sociale n'a pas attendu l'Europe pour faire de l'innovation sociale, et un plan de travail plus « correct » serait une bonne chose. Il souligne enfin que pour développer le projet de la Commission sur une base de données des labels de l'économie sociale, il faudrait dans un premier temps que ces labels existent préalablement !
László ANDOR (Commissaire européen pour l’Emploi, les affaires sociales et l’inclusion) conclut cette session d'ouverture en rappelant les différents efforts faits par la Commission européenne sur les questions d'économie sociale (communications, Fond social européen, programmes,...). Il souligne que les formes actuelles de faire du commerce doivent évoluer, notamment vers un rapprochement entre économique et social. Il cite comme exemple le cas de l'entreprise sociale « Mondragon » au Pays Basque. Il termine cette session en rappelant que la Commission encourage les États et Régions à soutenir l'entrepreneuriat social, notamment par le recours au fond social européen.
Panel I – Pourquoi l’amélioration du cadre légal est-elle d’une importance cruciale pour les entreprises de l’économie sociale ?
Marie-Christine VERGIAT (Membre du Parlement Européen et vice-présidente de l’intergroupe “économie sociale” du Parlement Européen”), en tant que facilitatrice, rappelle le problème majeur rencontré par les entreprises de l'économie sociale, à savoir celui de la reconnaissance des statuts. Elle affirme donc la nécessité de défendre les statuts de l'économie sociale sous ses différentes formes (coopératives, mutuelles, associations et fondations) de manière à empêcher que ces dernières ne soient contraintes de rentrer dans le moule du modèle d'entreprises dominant existant.
Patrick DE BUCQUOIS (Président, CEDAG), réaffirme par la suite la nécessité d'obtenir des statuts distincts pour les entreprises de l’économie sociale pour remédier au flou actuel. Il précise que pour ce faire un travail attentionné doit être fait en ce qui concerne le cadre de définition de « l'entreprise sociale ». En effet, une organisation pourtant à but non lucratif peut réinvestir ses profits à des fins autres que sociales (exemple des fonds de pension), il faut donc être très prudent. Il revient sur l'état d'avancement des différents dossiers en cours et souligne que nous avons à faire à un obstacle d'ordre idéologique (le plus compliqué à traiter) sur la question des statuts des entreprises européennes. Cependant, il considère la volonté récente de modifier les traités comme une opportunité pour agir et notamment pour faire évoluer la règle du vote à l'unanimité en vigueur actuellement pour pouvoir adopter de nouveaux statuts.
Arielle GARCIA (Directrice adjointe, direction des affaires publiques, FNMF), intervient sur la question des aides d’État et des marchés publics en lien avec l'économie sociale. Elle précise tout d'abord la nécessité, dans la grande confusion qui règne actuellement, de bien distinguer le mouvement actuel d'entreprise sociale (social business) de celui d'économie sociale, qui sont deux mouvements distincts. Après un bref retour sur l'histoire des mutuelles françaises, elle s'interroge sur la vision de la Commission qui ne juge pas sur les statuts, mais bien plus sur l'activité pour définir les entreprises européennes. Elle retient le blocage à l'expansion des mutuelles au niveau européen et la nécessité de lutter contre le modèle unique d'entreprises européennes.
Apostolos IOAKIMIDIS (Commission Européenne – DG Entreprises et industrie), évoque les différents statuts des entreprises européennes existants et le fait que dans de nombreux cas, ils ne reflètent que des « coquilles vides ». La Commission aurait également comme projet de réaliser une consultation sur l'avenir de la société/entreprise européenne.
Panel II – Comment favoriser le développement de ces 10 % des entreprises européennes qui appartiennent à l’économie sociale ?
Gerald HÄFNER (Membre du Parlement Européen), en tant que facilitateur, introduit ce second panel.
Carlos TRIAS (Membre de la catégorie « économie sociale » - CESE), explique les différents mécanismes utilisés par la Commission européenne pour maintenir son modèle social ainsi que pour promouvoir l'économie sociale, principalement par le biais du Fond social européen. Le 6 octobre 2011, la Commission a proposé ses visions pour les futurs fonds structurels. Il souligne l'importance d'avoir un meilleur système de paiement pour le versement des différents fonds.
Bruno ROELANTS (Secrétaire général, CECOP CICOPA Europe) évoque l’économie sociale comme instrument d’inclusion active, en illustrant son propos par l'exemple des coopératives. Il revient sur le contrôle démocratique de l'entreprise que ce type de structure implique, ainsi que sur la mission d'utilité sociale et d'intérêt général au cœur du fonctionnement des coopératives. L'économie sociale est un instrument d'inclusion active directe ou indirecte. Les coopératives sont un modèle d'emplois stables et durables. Le système de contrôle ainsi que la visée à long terme (par opposition aux visions court-termistes dans la finance) au sein d'une telle structure sont des clés de son succès. Il affirme également la nécessité de co-élaborer, entre la Commission et les organismes de l'économie sociale, sur les solutions possibles à l'avenir.
Emmanuel VALLENS (Coordonnateur des politiques, Commission Européenne, DG Marché intérieur et services), considère qu'il faut se méfier de la terminaison « entreprise sociale », car il existe de nombreuses dichotomies au sein des différentes branches de l'économie sociale. Il considère plutôt qu'il serait plus avantageux d'observer les entreprises sociales et l'économie sociale comme un ensemble de cercles qui se recoupent. Il note qu'après avoir sondé les différents partenaires de l'économie sociale, les attentes sont divisées, entre accès aux financements, plus grande visibilité du secteur et questions des statuts. Il réaffirme également la volonté de la Commission européenne de considérer l'économie sociale comme priorité d'investissement, les différentes publications de la Commission étant appuyées par un véritable programme d'actions (symbolisé par la réflexion sur la labellisation sociale ainsi que par le renforcement à l'accès à l'information pour les entreprises sociales, notamment les plus petites).
Panel III – Où réside la capacité d’innovation sociale des entreprises de l’économie sociale ?
Patrizia TOIA (Membre du Parlement Européen et vice-présidente de l’intergroupe “économie sociale” du Parlement Européen”), introduit les questions portant sur l'économie sociale comme moteur de l'innovation sociale, en insistant sur le lien existant entre la volonté de l'Union européenne de placer l'innovation au cœur des débats actuels et le potentiel d'innovation important qu'offre l'économie sociale.
Salvatore VETRO (ENSIE) réagit en affirmant que la réflexion sur l'innovation sociale au sein de l'UE est paradoxale quand on sait que le modèle social européen figure parmi les plus performants au monde. Il s'interroge dès lors sur les véritables motivations d'une telle démarche (un écran de fumée justifiant des mots ambigus pour « détricoter » ce système social qui ne correspond pas au modèle néo-libéral?). La notion d'innovation sociale apparaît donc comme « palliative ». Il introduit ensuite un nouveau concept, « la capacitaction », comme étant le renforcement des capacités dans l'action. Selon lui, le couple « démocratie + capacitaction » pourrait qualifier un nouveau modèle plus centré sur les individus. Ainsi, faire de l'argent deviendrait un véritable outil de développement et non pas de sous-développement.
Roberto DI MEGLIO (Développement local et économie sociale – Bureau International du Travail – OIT) intervient sur la dimension internationale des entreprises d’économie sociale en tant que moteurs de l’innovation sociale. Il déclare que dans le monde, plus de 50 % de la création d'emploi se fait au sein de « l'économie informelle ». Voilà qui laisse de quoi s'interroger sur la capacité du modèle existant en matière de création d'emplois. Il revient également sur les prochaines grandes dates pour l'économie sociale (Conférence sur l'entreprise sociale à Rio en 2012). Des politiques claires au niveau macro-économique combinées au développement de l'économie sociale et de l'entreprise sociale au niveau micro-économique pourraient permettre, selon lui, de sortir de la crise actuelle.
Gerhard BRAEUNLING (Coordonnateur des politiques - Commission Européenne, DG Emploi, affaires sociales et inclusion), souligne le lien existant entre l'innovation sociale et le projet Europe 2020, dans laquelle l'implication des secteurs privés et publics ainsi que de la société civile est fondamentale. Il conclut ce troisième panel en énonçant que l'économie aurait tout intérêt à voir l'innovation sociale comme un puissant instrument pour redessiner nos sociétés.
Conclusions du séminaire
Felice SCALVINI (Co-président de Cooperatives Europe et Vice-président de l’Alliance Internationale des Coopératives), utilise l'image d'un oiseau qui essaye de prendre son envol, tout en ayant les ailes liées, pour résumer l'état de l'économie sociale en Europe. Il distingue entreprises d'un côté (qui travaillent sur le Marché) et les organisations qui ne sont pas des entreprises de l'autre (qui ne travaillent pas sur le Marché). Toutes deux ayant au final une grande importance sur l'économie. Il suggère de « désacraliser » l'entreprise telle que nous la percevons, car elle n'est pas et ne doit pas être le seul modèle à suivre. Il parle ainsi d' « organisations entrepreneuriales » et d'organisations « autres ». Le travail sur le plan légal ne devrait pas être effectué pour séparer, mais bien plus pour distinguer, clarifier, tout en avançant dans la même direction. L'expérience montre que le cadre juridique est plus important que la question des financements, le problème est donc d'avoir un cadre légal bien adapté.
Marie-Christine VERGIAT (Membre du Parlement Européen et vice-présidente de l’intergroupe “économie sociale” du Parlement Européen”), conclut cet intergroupe riche en débats sur la nécessité de s'appuyer sur le rapport TOIA datant de 2009 pour avancer sur la thématique de l'économie sociale en se fondant sur des bases solides. Une définition claire est le premier enjeu. Le second porte sur le fait que les entreprises sociales sont systématiquement ramenées aux questions sur l'exclusion et la pauvreté, mais l'économie sociale est bien plus que cela ! Le recours aux fonds privés et la question des labels n'étant pas les problèmes primordiaux, les communications pourtant positives de la Commission européenne ne traitent pas des problèmes de fonds. Pour conclure, elle affirme donc qu'il existe différentes manières d'entreprendre et que le modèle existant n'est pas le seul possible ! Le Parlement européen doit donc maintenant travailler avec la Commission européenne, avec le Comité Economique et Social Européen, avec l'Organisation Internationale de Travail, avec Social Economy Europe, mais aussi en ouvrant l'intergroupe aux groupes d'experts sur l'économie sociale pour promouvoir la diversité d'entreprendre en Europe.
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