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Van der Hoff F., Editions Encre d’Orient, Paris, 2010, 77 p.
Ce « petit livre jaune », comme l’éditeur se risque à le qualifier (p.7), rassemble les idées transformatrices du cofondateur du label Max Havelaar, prêtre ouvrier travaillant depuis plusieurs décennies avec des coopératives de petits producteurs de café dans le sud de l’Etat de Oaxaca au Mexique. Son intérêt est de rappeler que l’engagement à la base du commerce équitable repose à la fois sur le refus d’un système injuste (« nous continuons à protester, mais en même temps nous continuerons à proposer »), comme sur la responsabilisation de ses acteurs (« Les pauvres savent produire, survivre, vivre, lutter et s’organiser »).
Dans le commerce équitable comme dans le microcrédit, les « sans-voix » du capitalisme néolibéral mondialisé ont su conquérir un espace pour exprimer des idées différentes et forger un modèle solidaire fondé sur une économie sociale, sans imposer la charité au sein du système (p.57).
De fait, le commerce équitable joue un « rôle d’amortisseur » (p.45), en offrant aux producteurs jusqu’à trois fois le prix du marché au début des années 2000. Et ce prix, « les pauvres ne l’ont pas mendié, ils l’ont acquis en échange d’un travail rémunéré plus équitablement » (p.43). Derrière, c’est la possibilité de mettre en place une « économie de la pauvreté digne » (p.28) reposant sur « l’accès aux choses basiques de la vie : propriété des terres, travail, rémunération juste pour se nourrir et faire vivre sa famille, avoir une maison en dur et disposer des infrastructures minimales comme l’accès à la santé, à l’éducation » (p.30) ; mais aussi d’acquérir une reconnaissance dans une société où, en témoigne le mouvement zapatiste, les Indigènes étaient marginalisés il y a encore quelques décennies (p.50).
Cette approche plus politique du social business permet à l’auteur de prendre ses distances avec les multinationales motivées par « un profit sans cesse croissant, l’efficacité et le pouvoir » (p.50) et cherchant par leurs labels à récupérer le système sans en respecter le fondement (p.53). Elle se démarque en cela du « capitalisme social » préconisé par Mohamad Yunus et reposant sur des fonds extérieurs (p.65).
En revanche, le lecteur s’interroge sur comment « déglobaliser » l’économie (p.28) ou, plutôt, restreindre les délocalisations et accompagner la mondialisation par une solidarité accrue ou introduire de nouveaux indicateurs pour mesurer le « bonheur national brut » de façon plus holistique afin d’accorder une importance égale à la croissance économique et au développement durable (p. 71). Au-delà, on se demande aussi comment les « constructions par le bas », qu’il s’agisse du microcrédit ou du commerce équitable peuvent changer d’échelle et transformer « les règles [du capitalisme global] tout en le contestant de l’intérieur, remettant en cause ses dogmes, comme celui du développement infini » (p.37) sans se fédérer et prendre part à une contestation plus globale. En l’état, ces innovations, et d’une façon générale l’économie sociale et solidaire, constituent certes des « brèches » selon l’analyse marxienne, mais n’en contribuent pas moins, malgré l’appel à de nouvelles alliances avec les politiques publiques, y compris locales (1), à la reproduction d’un système dont l’hégémonie n’en ressort guère ébranlée.
(1) Laville J.L., 2010, Politique de l’association, Seuil, Paris, 354p.
François Doligez IRAM-Université de Rennes
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