L’économie sociale au Portugal

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Au Portugal, l’économie sociale jouit depuis la révolution de 1974 d’une reconnaissance constitutionnelle (1). Lors de la présidence portugaise de l’Union en 1992, Lisbonne organisait la IIIe Conférence européenne de l’économie sociale. Les contacts entre les familles n’ont jamais cessé depuis, mais ont pris un tour nouveau en août 2010, avec la création du Conseil national de l’économie sociale. Rapide panorama de l’économie sociale dans ce pays où, comme ailleurs en Europe, une profonde crise budgétaire et politique est susceptible de faire évoluer les relations entre le tiers secteur (2) et les pouvoirs publics .

L’influence de Georges Fauquet

Avec son Secteur coopératif, publié en 1935, le docteur G. Fauquet renouvelle les doctrines coopératives sur la base de deux faits historiques majeurs : le renouvellement des formes du capitalisme et le rôle croissant de l’Etat dans la vie économique. A son sens, la coopération n’est pas vouée à s’étendre à l’ensemble de l’économie, comme le professait Charles Gide, mais à n’en occuper qu’un secteur, aux côtés des autres secteurs de l’économie.

Les idées de Fauquet ont été assimilées par l’intellectuel Antonio Sérgio lors de son exil à Paris durant la dictature de Salazar. A son retour, il les a transmises au cercle de ses disciples. Parmi eux, un certain Henrique de Barros est devenu le premier président de l’Assemblée nationale élu après la révolution de 1974, puis il a été ministre d’Etat dans le premier gouvernement constitutionnel. Il est également le fondateur d’Inscoop, une institution publique de développement qui avait pour mission de soutenir l’essor des expériences coopératives à travers tout le pays.

La Constitution de 1976 mentionne, à côté des secteurs public et privé, la présence du secteur coopératif (articles 80 et 82). Rebaptisé après la réforme constitutionnelle de 1989 « secteur coopératif et social », celui-ci englobe les moyens de production tenus et gérés par des coopératives, des communautés locales, des collectifs de travailleurs, en bref des organismes de type mutualiste visant à la solidarité sociale et sans but lucratif. L’article 288 de la Constitution témoigne de l’influence des travaux de G. Fauquet en précisant que toute modification ultérieure de texte devra laisser inchangée la « coexistence du secteur public, du secteur privé et secteur coopératif et social des moyens de propriété de production ».

De la Constitution à la loi

L’article 61 de la Constitution portugaise a établi que chacun a le droit de créer une coopérative, du moment qu’il observe les principes coopératifs. L’article 3 du Code coopératif explique que ces principes sont ceux définis par l’Alliance coopérative internationale (ACI). Ainsi, les unions de crédit ne peuvent pas être créées au Portugal, dans la mesure où elles sont régies par les principes du Conseil mondial pour les unions de crédit (WOCCU).

La Constitution permet le développement des activités coopératives dans tous les secteurs de l’économie autorisés par la loi, ainsi que leur regroupement en unions, fédérations et confédérations. Reconnaissant que cette situation donne lieu à une concurrence déloyale dans le secteur bancaire, une loi de juin 2009 autorise désormais les coopératives de crédit agricoles à opérer auprès du grand public, dans la limite de 35 % de leur actif total net (article 28 du décret-loi 142/2009 du 16 juin).

La Constitution comprend des références complémentaires relatives aux coopératives dans les domaines du logement, de l’éducation, de la solidarité sociale, des sous-secteurs de la consommation et de l’agriculture. Les termes de la Constitution ont été retranscrits dans la loi : depuis 1980, les coopératives ont une législation autonome, le Code coopératif, et un régime fiscal particulier (3).

Le secteur coopératif étant devenu un troisième genre, le statut de la société coopérative européenne pose problème au Portugal. Que faire si une société coopérative européenne veut s’implanter dans le pays ? Admettons que cela advienne : nous aurons alors à décider si les deux régimes (loi des sociétés et Code coopératif) peuvent cohabiter ou bien s’il faut modifier la législation. En ce qui concerne le régime fiscal particulier des coopératives et de leurs membres (actuellement la loi 85/98 du 16 décembre), il a subi chaque année des réductions dues aux restrictions budgétaires de l’Etat. Manifestement, les assauts répétés du lobby commercial contre les avantages fiscaux des coopératives ont porté leurs fruits, d’autant qu’il n’existe pas de lobby coopératif, à peine quelques réactions mesurées des organisations, qui restent sans effet.

Coopératives d’intérêt public et périmètre de l’ES

L’article 6 du Code coopératif fait référence aux coopératives d’intérêt public, nommées « régies coopératives ». Elles sont réglementées par une loi spéciale de 1984 (décret-loi 31-84 du 21 janvier). Les coopératives d’intérêt public peuvent être créées par l’Etat ou les autorités locales, en relation avec des individus, des coopératives et d’autres types d’entreprise.

Une discussion sur le périmètre du secteur de l’économie sociale est en cours, similaire à celles qui ont précédé le rapport Vercamer en France (2010) et celui de Monzon et Chaves commandé par le Conseil européen économique et social (4).

Au Portugal, tout le monde s’accorde sur le fait que les mutuelles et les associations doivent rejoindre les coopératives dans ce secteur. Concernant les mutuelles (associações de socorros mutuos), elles partagent avec les coopératives une histoire commune qui remonte à la seconde moitié du xixe siècle. Quant aux autres associations privées solidaires, appelées instituições particulares de solidariedade social (IPSS), elles interviennent principalement dans les secteurs de la santé et des services sociaux. Toutes ces associations, réglementées par le Code civil, ont néanmoins, comme les coopératives, des lois spéciales à observer : il s’agit du décret-loi 119-83 du 25 février pour les IPSS et du décret-loi 72-90 du 3 mars pour les mutuelles. Les « misericórdias », associations liées à l’Eglise et remontant au xve siècle, sont encadrées à la fois par le Code civil, la loi IPSS et le droit canonique ; elles interviennent surtout dans le secteur de la santé.

Du cadre légal à la pratique

On pourrait s’attendre à ce qu’au bout de trente ans un secteur coopératif où l’intercoopération est effective, où les coopératives défendent ensemble leurs intérêts, élaborent des projets en commun et ont des relations étroites avec les communautés où elles sont implantées, soit une réalité beaucoup plus visible. On pourrait aussi imaginer qu’un dialogue et des liens étroits ont déjà été établis avec les mutuelles et les autres associations du secteur de l’économie sociale.

Pourtant, dans la plupart des endroits, des coopératives même locales n’ont aucun contact entre elles. Nous voyons des dirigeants élus de coopérative et des directeurs appointés qui, pour la majorité d’entre eux, se comportent comme s’ils dirigeaient une entreprise privée ; les coopérateurs ne les considèrent pas comme leurs égaux, mais comme des personnalités inaccessibles. En dehors de la communauté des chercheurs, le concept du secteur n’est pas vraiment compris. Dans les coopératives, la participation des membres est réduite, ce qui affaiblit le contrôle de la gouvernance. L’apathie du sociétariat et le manque de loyauté des membres sont les signes d’une perte d’identité. La bureaucratie et la rigidité, l’incapacité à attirer des jeunes et des femmes, la difficulté à payer de bons salaires pour embaucher de bons techniciens sont des problèmes fréquents.

L’évolution récente de l’économie sociale portugaise

Suite à une décision du gouvernement portugais en août 2010, l’Institut Antonio Sergio do Sector Cooperativo (Inscoop) n’est plus un organisme public. Le ministre du Travail et de la Solidarité a proposé de le transformer en une nouvelle organisation pour faire face aux défis actuels de l’économie sociale. Cette organisation, Cases (Cooperativa Antonio Sérgio para a Economia Social), est une coopérative d’intérêt public, devenue membre de plein droit de l’ACI.

La réforme d’Inscoop a abouti à un partenariat entre l’Etat, les confédérations coopératives (Confagri et Confecoop), l’union mutualiste, l’union de misericórdias, la Confédération nationale des associations de solidarité sociale (CNIS) et Animar, une association nationale des organisations de développement local. Les fondations ont d’abord refusé de s’y joindre, mais elles semblent maintenant revoir leur position initiale. Conformément aux récentes recommandations du Parlement européen, il s’agit d’un processus ouvert, visant à renforcer les institutions du secteur coopératif et social sur les plans politique, économique et institutionnel, ce qui leur donne une visibilité publique et une meilleure capacité opérationnelle.

Des initiatives communes se mettent en place. L’Espagne vient d’adopter la première législation nationale sur l’économie sociale, et les comptes satellites sont actuellement testés dans cinq pays européens. Le Portugal prépare des initiatives similaires : mise en oeuvre d’un programme de développement pour l’économie sociale (Pades) et d’un programme national de microcrédit, discussion sur l’utilité d’un cadre réglementaire pour l’économie sociale et, en dernier lieu, préparation d’une enquête nationale qui permettra de produire des données précises sur les organisations de l’économie sociale.

Un nouveau statut de partenaire social est demandé à la Commission, et c’est une tendance que le Portugal tente de suivre sur le plan national. Un Conseil national pour l’économie sociale (CNES) a commencé de fonctionner,sous la présidence du Premier ministre, à l’instar de celui qui existe en Espagne depuis quelques années.

Le premier congrès portugais de l’économie sociale, actuellement en préparation, aura lieu en 2012, durant l’année coopérative internationale.

Salazar Leite, João Pedro, Cases

Article paru dans le numéro 320 de la Recma

 


(1) Ce texte, traduit par la rédaction et actualisé par l’auteur, est issu d’une communication présentée au colloque européen de l’ACI « Les contributions des coopératives à une économie plurielle », qui s’est tenu à l’université Lumière-Lyon 2 du 2 au 4 septembre 2010. Elle est disponible sur www.cress-rhone-alpes.org/cress/IMG/pdf/Leite_pap.pdf.

(2) Leite Joao Salazar, Principios cooperativos, Cases, 2010.

(3) Rodrigues José Antonio, Código cooperativo e legislação cooperativa, Quid Juris, 2000, 4e éd. 2011.

(4) Chaves Avila Rafael et Monzon Campos Jose Luis, The social economy in the European Union, European Social and Economic Council, 2008.

Rodrigues José Antonio, Código cooperativo e legislação cooperativa,

Quid Juris, 2000, 4e éd. 2011.