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Thierry Beaudet et Luc Pierron, Humensis, « Que sais-je ? », 2018, 128 pages.

En 1983, paraissait le premier ouvrage sur la mutualité dans cette collection de vulgarisation bien connue des étudiants abonnés aux révisions de dernière minute. Les deux auteurs en étaient Jean Benhamou et la regrettée Aliette Levecque, laquelle fut par la suite membre du comité de rédaction de la Recma. Il était nécessaire d’actualiser la présentation d’un mouvement qui a subi bien des restructurations depuis le début du XXI e siècle. De fait, si l’histoire ne se démode pas, l’ouvrage publié en 2018 par Thierry Beaudet et Luc Pierron expose des enjeux sensiblement différents de ceux qui sous-tendaient l’action mutualiste au début des années 1980, dans un environnement concurrentiel autrement moins féroce qu’il ne l’est aujourd’hui.
Au jeu de la comparaison des permanences et des mutations, il semblerait même que les secondes l’emportent sur les premières, sinon dans le discours et les références aux valeurs, du moins dans l’organisation du mouvement et son rapport aux pouvoirs publics.
Ce dernier « Que sais-je ? » sur la mutualité s’articule en cinq chapitres. L’introduction, « Origines et principes », et le premier chapitre, « La sécurité sociale », empruntent aux études historiques, qui se sont beaucoup développées depuis trente ans. Les historiens cités peuvent y retrouver leurs petits.
Les deuxième et troisième chapitres, « L’Europe » et « L’assurance santé en mouvement », ont le mérite de clarifier des enjeux et des dispositifs complexes par une présentation pédagogique de la diversité des opérateurs en complémentaire-santé, du débat (actuellement dans une impasse) sur le statut de mutuelle européenne, de la transposition en droit français des réglementations européennes, notamment les directives « Solvabilité », dont l’impact sur l’architecture du mouvement a été considérable depuis l’instauration du code de 2001. Présentant les dernières réformes, ce troisième chapitre souligne un paradoxe : l’assurance maladie obligatoire n’a cessé de s’universaliser depuis 1999, date de la mise en place de la CMU (couverture maladie universelle), tout en se désengageant progressivement du remboursement des soins, reporté vers l’assurance santé complémentaire. Le livre fait état des avis contradictoires qu’inspire cette évolution à l’intérieur du monde mutualiste mais aussi parmi les chercheurs, dont certains, comme Didier Tabuteau (Auteur également du « Que sais-je ? » La santé publique, paru en 2010.) , prônent une absorption des mutuelles par l’assurance maladie obligatoire. Sans surprise, les auteurs réfutent cette proposition en mobilisant des arguments essentiellement économiques.
Cette partie rappelle aussi le rôle pionnier de la mutualité dans l’organisation de réseaux de soins, facteur de maîtrise des tarifs médicaux, et le caractère avant-gardiste des services de soins et d’accompagnement mutualiste (SSAM), appelés « réalisations sanitaires et sociales » dans la loi de 1898, qui en a fait la promotion.
Évoquant pêle-mêle la responsabilité sociale des entreprises (RSE), le rapport Notat-Senart sur l’objet social de l’entreprise et l’entrepreneuriat social, le quatrième chapitre, « Économie(s) sociale(s) et solidaire(s) », apparaît assez décalé par rapport au sujet mutualiste... si ce n’est que les auteurs insistent sur le fait que les mutuelles ne doivent pas négliger la capacité des concurrents issus du secteur lucratif à porter des projets d’intérêt général. Le cinquième et dernier chapitre, « La nouvelle société », se veut prospectif en misant sur la faculté du modèle mutualiste à relever les défis sociétaux et technologiques en se réinventant continuellement.
Les auteurs de ce deuxième « Que sais-je ? » sont bien connus du lectorat mutualiste, puisque l’un, Thierry Beaudet, est le président de la Mutualité française et l’autre, Luc Pierron, son conseiller. Sans doute y aurait-il matière à discuter ce choix de l’éditeur, qui a pris ainsi le risque de publier un ouvrage promotionnel.

Les auteurs évitent toutefois un propos trop lisse en n’occultant pas les questionnements qui traversent le mouvement concernant les évolutions récentes et celles à venir, et en exprimant leur agacement face à une pléthore de réglementations qui tend à réduire la marge de manœuvre des mutuelles : « Est-il encore raisonnable pour le mouvement mutualiste de continuer à proposer des pistes d’action aux pouvoirs publics, si cela induit une réglementation toujours plus étendue qui l’oblige à transiger avec ses principes et ses valeurs ? » Ils n’hésitent pas non plus à énoncer des convictions auxquelles le lecteur peut ne pas adhérer.
Ainsi, à cette assertion figurant dans la conclusion – « Le principal risque pour la mutualité est l’institutionnalisation » (p. 105) – on peut rétorquer qu’en termes de qualité de protection sociale le principal risque, pour l’assuré social et adhérent mutualiste, réside plutôt dans la banalisation, qui sape les logiques solidaires et promet à court terme une accélération des inégalités dans l’accès à la santé.
De même, on peut admettre que « la mutualité n’est pas soluble dans l’assurance-maladie » (p. 92) car elle s’en distingue par la personnalisation des offres et des services... Cependant, la personnalisation des offres est indissociable d’une différenciation des tarifs, qui aboutit à ce que les adhérents les plus aisés soient les mieux soignés ; or, aucun principe mutualiste ne peut justifier cette pratique dictée par la rationalisation gestionnaire.
Les « Que sais-je ? » s’adressent avant tout à des lecteurs désirant acquérir une connaissance synthétique sur une thématique dont ils sont peu familiers. De ce point de vue, cet ouvrage remplit bien son office, et sa lecture peut être profitable aux étudiants en économie sociale et solidaire comme à tout lecteur curieux de s’instruire sur cet acteur primordial (au sens chronologique et qualitatif) du système de protection sociale.

Patricia Toucas-Truyen