La microfinance sociale - Analyse économique et gestionnaire d’une innovation sociale et financière
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Pascal Glemain, Coll. Économie, Éditions Apogée, Feuilles de style, Rennes, septembre 2021, 174 pages
Un tel ouvrage manquait, offrant au lecteur une introduction générale à la microfinance. Souvent ce domaine, très marginal au sein de l’économie, est abordé uniquement sous l’angle du microcrédit. Le prix Nobel de la Paix attribué en 2006 à l’un de ses pionniers, le Pr. Mohammad Yunus, lui a donné une visibilité accrue. En réalité, comme l’auteur le souligne, la microfinance constitue un champ plus large avec, à côté du microcrédit professionnel ou personnel, la micro-épargne solidaire et la micro-assurance sociale. Cette « trilogie » est retenue pour le plan d’ouvrage.
Le caractère marginal des activités en question transparaît de façon récurrente dans le fil du texte. Les masses financières concernées sont modestes comparées aux agrégats macroéconomiques : quelques centaines de millions d’euros quand l’épargne nationale brute des ménages français dépasse les 300 milliards d’euros. Elles sont pourtant susceptibles de concerner une fraction non négligeable de la population puisqu’un ménage sur cinq ne parvient pas à épargner.
Apparues avant 2000 au cœur de pays en développement (PED), les expériences de microcrédit sont nées d’un constat: l’exclusion du crédit bancaire et la privation de ressources qui en résulte renforcent les processus d’exclusion sociale et réduisent drastiquement l’espace des possibles des personnes très pauvres. Qu’il s’agisse d’un besoin d’argent pour des besoins vitaux à court terme ou d’investir (petit équipement, achat de matières premières, permis de conduire, etc.) pour réunir les conditions d’une insertion sur le marché du travail ou d’une activité artisanale, c’est toujours une question de survie. Il s’agit bien d’une défaillance du marché. Les coûts d’obtention d’un petit crédit, en raison des coûts fixes et des économies d’échelle, et des risques d’insolvabilité accrus, impliquent des taux insupportables pour les demandeurs et pour leurs projets. L’offre de crédit du système bancaire avec ses contraintes n’est pas en mesure de rencontrer la demande, quand elle s’exprime, et cela même si le besoin est bien réel. Cette situation fait la part belle aux usuriers en aggravant la pauvreté.
Sortir d’une telle impasse implique des innovations. Celles-ci ne se limitent pas à l’invention de nouveaux services bancaires, mais bien à la mise en place de logiques différentes. Le « crédit juste » des moines franciscains italiens, l’apparition des prêts sur gage des monts-de-piété et la naissance des crédits municipaux ont constitué de telles innovations. Le développement des établissements bancaires coopératifs s’est inscrit dans cette dynamique quand les banques capitalistes ne s’intéressaient guère aux ménages à revenus moyens ou faibles. Aujourd’hui, la présence de ces entreprises n’empêche pas l’exclusion financière dans les pays développés.
Depuis une vingtaine d’années, ce problème apparaît dans l’espace public. Diverses organisations et différents métiers ont participé à la construction d’innovations. Les crédits municipaux et leurs professionnels y sont sensibles et aimeraient dépasser une offre palliative. Les Centres Communaux d’Action Sociale et leurs professionnels en contact avec les populations les plus en difficulté savent bien que les aides ponctuelles, même récurrentes, ont des limites. Enfin, les acteurs de l’insertion et les travailleurs sociaux sont attentifs, dans les projets personnels qu’ils accompagnent, aux blocages induits par l’exclusion financière.Un rapport de la Banque de France a souligné que la façade atlantique rassemblait une grande partie des expérimentations conduites en France. Ce n’est donc pas un pur hasard si l’auteur est un enseignant-chercheur de l’Ouest. Plusieurs de ces innovations de microcrédit personnel ou professionnel sont analysées : le « Prêt stabilité » du Crédit municipal de Nantes et du CCAS d’Angers ; le « point passerelle » du Crédit agricole, le « crédit accompagné » du Crédit mutuel ; le « Parcours confiance » des Caisses d’épargne. La Caisse d’allocations familiales intervient aussi avec ses aides financières individuelles (AFI) qui peuvent prendre la forme d’un prêt. Ces dispositifs et leurs fonctionnements, souvent complexes, sont décrits à partir d’entretiens et d’enquêtes. Des extraits illustrent les propos de l’auteur. En revanche, les tableaux ont une mise en page qui ne facilite pas leur lecture. Le microcrédit suppose la construction d’une ingénierie institutionnelle ad hoc permettant aux métiers de la banque et du social de s’articuler. L’accompagnement social est au cœur de cette innovation. C’est une condition de la sécurisation de tous les protagonistes. Délicat à mettre en œuvre « en amont » pour l’instruction du crédit, comme « en aval » pour le suivi du remboursement, un juste équilibre est à rechercher entre la liberté, condition d’une responsabilité des personnes et vecteur d’émancipation, et le risque d’abandon, source d’inquiétudes insupportables. L’histoire passée des emprunteurs avec le système bancaire a souvent été délicate, marquée d’humiliations, d’incompréhensions, voire même d’une franche hostilité. Un pan nouveau du travail social se met en place impliquant des coûts d’échange et de coopération entre les métiers du social et de la banque.
Avec le microcrédit, la démarche engage les clients dans une épargne « forcée », en quelque sorte ex-post, mais accompagnée par des professionnels afin de garantir les remboursements. Avec l’idée de micro-épargne solidaire, c’est une démarche volontaire et ex-ante qui est proposée à des personnes souvent réticentes. On change de registre, même si l’on reste toujours dans l’exclusion financière. Environ trois millions de personnes sont en situation de fragilité financière en France et, parmi elles, seulement 10 % ont une offre bancaire solidaire.
Pascal Glémain signale le paradoxe qu’il peut y avoir à envisager la possibilité d’une épargne quand le budget, notamment au niveau des minima sociaux, reste inférieur au seuil de pauvreté, ne laissant qu’un « reste à vivre » insuffisant. Gérer de telles contraintes excède les capacités de qui que ce soit, fût-il économiste ! Pour autant, les promoteurs de ces dispositifs (par exemple, le livret microsocial solidaire) avancent qu’ils peuvent être utiles en redonnant une marge de contrôle, même réduite, à des personnes qui n’en n’ont jamais eue, en complétant une éducation financière de base, rarement distribuée avec l’émission d’une carte bancaire ou la mise en place d’un crédit à la consommation, et finalement en leur permettant de faire un pas de plus vers une plus grande inclusion bancaire.
Dans cette perspective, c’est moins un instrument d’éducation des personnes qu’un outil prévenant le surendettement et l’exclusion bancaire. L’accompagnement de proximité par un professionnel et l’aide à l’usage des outils numériques autour du livret contribuent à la confiance permettant de renouer ensuite avec des pratiques bancaires de droit commun ouvertes à la diversité des situations. Trois expérimentations (Hongrie, Belgiqueet France) ont été financées par l’Union européenne, mais la trop grande hétérogénéité des protocoles a rendu la mutualisation des résul- tats difficile. Plus facilement appropriable qu’un banal livret d’épargne, ce type de livret permet, sans le risque du crédit, un test individuel de la capacité de remboursement, devient un facteur de réassurance et peut déboucher éventuellement sur un microcré-dit. Finalement, les accompagnants profes-sionnels de ce type de « produit » développent de nouvelles compétences. L’influence que cela peut avoir sur les pratiques générales de la banque reste à interroger…
La troisième partie de l’ouvrage aborde les expérimentations réalisées dans le domaine de la micro-assurance. Sur le terrain, ces initiatives sont moins avancées que celles présentées dans les deux autres parties. L’analyse de l’auteur plus réflexive est également moins facile à saisir par le lecteur. La comparaison entre la situation dans les pays en développement et dans les pays déve- loppés donne certes quelques éclairages intéressants, mais devient parfois une source de confusion. De longs détours, comme ceux sur l’analyse des besoins sociaux des CCAS, sont insuffisamment reliés à lamicro-assurance solidaire. Cependant, ce chapitre met en évidence comment les logiques à la fois technique, économique et sociale ont conduit à compléter l’accès au microcrédit social par des assu- rances spécifiques (vie, santé et dommages habitation, voiture) nécessaires autant pour les emprunteurs que pour les prêteurs. On découvre que les banques classiques ont été dynamiques dans ce domaine au sein des PED. La manière dont ces expériences viendront enrichir leur offre dans les pays développés est encore en suspens. En France aussi, la vulnérabilité de certaines populations se manifeste au-dessus des seuils d’accès à l’assistance, qu’elle soit médicale ou d’aide à la complémentaire santé. Les budgets contraints et les créances prioritaires conduisent certains ménages à sacrifier leurs assurances. Quand les risques surviennent, il s’ensuit des renoncements aux soins ou une perte de mobilité générant une spirale vers la misère. La question de l’exclusion des services d’assurance, notamment quand la flexibilité de l’emploi devient la règle, est cruciale, mais les réponses en termes d’action sociale publique ou d’initiatives d’entreprises financières soucieuses de leur responsabilité sociale, restent, semble-t-il, encore balbutiantes. Des expérimentations de micro-assurance solidaire sont encore nécessaires.
La conclusion de l’ouvrage aborde deux questions complémentaires critiques : celle de la délicate communication sur la micro-finance pour faciliter l’accès à ceux qu’elle peut accompagner sans les stigmatiser, et celle des méthodes d’évaluation des résul- tats pour vérifier le bien-fondé de dispositifs qui se prêtent mal aux méthodes expérimentales standards. Sans doute l’idée d’un observatoire de la microfinance rassemblant des compétences scientifiques diversifiées pourrait-elle être un accélérateur utile pour combler la connaissance encore lacunaire de ces phénomènes.
Henry Noguè
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