La Microfinance contemporaine. Mutations et crises
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Sous la direction de Claude Bekolo, Gilles Célestin Etoundi-Eloundou et Thierry Montalieu
Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2017, 314 p.
Cet ouvrage propose une sélection de communications issues des journées scientifiques de l’Association internationale des chercheurs francophones en microfinance, organisées en 2013 sur le thème « Mutation et crises de la microfinance » à l’Université de Douala, au Cameroun. L’objectif énoncé dans l’avant-propos est triple : revenir sur les origines de la crise du secteur de la microfinance survenue après plusieurs années de croissance soutenue depuis le début des années 2000, s’interroger sur son inscription dans le prolongement de la crise financière mondiale, comprendre si elle constitue une « crise de croissance » du secteur ou si elle révèle une vulnérabilité propre à l’industrie microfinancière (p. 11). Dans cette perspective, les textes examinent successivement les articulations avec les politiques (réduction de la pauvreté et aide au développement, « politique partisane », réforme des réglementations bancaires et financières) ; les innovations en matière de partenariat avec les banques et la téléphonie mobile (porte-feuille électronique) ; les risques (crédit et impayés, gouvernance des institutions, rôle des faîtières dans la gestion en réseau) et les différents types de public (« sous-scolarisation » et usage des langues nationales dans la relation clients, mécanismes communautaires et renforcement des liens de confiance, financement des toutes petites entreprises du secteur informel).
Un focus sur l’Afrique centrale
Malgré son ambition, le champ de l’ouvrage est restreint au plan géographique, puisque treize des quatorze textes sont centrés sur l’Afrique centrale, et surtout le Cameroun. Seule la contribution de Thierry Pairault ouvre le champ en dehors de la sous-région. Sa note constitue une monographie originale sur une coopérative de retraités proches de Shanghai, qui s’organisent pour louer, malgré les contraintes foncières, des terres communautaires à une entreprise. Elle pose, comme abordé par ailleurs (p. 27), la question du périmètre conféré à la microfinance et de l’inclusion financière. Alors que de nombreux chercheurs circonscrivent leur objet en se cantonnant à une définition étroite du micro-crédit, la notion de transactions financièresde faible montant destinées à des publics vulnérables ouvre, comme l’illustre cette expérience de « micro-pensions », un champ beaucoup plus vaste. Au-delà de cette limite géographique, la portée de l’ouvrage s’avère d’autant plus réduite que la plupart des travaux présentés relèvent d’une démarche économique très classique : revue de littérature et utilisation de bases de données standards, souvent peu actualisées, pour des travaux de modélisation, d’économétrie ou d’analyses statistiques. Il y aurait lieu d’interroger « l’empirisme » (p. 139) à l’appui des conclusions proposées, dès lors que les recherches ne se donnent pas les moyens d’un travail de terrain rigoureux, d’autant que les données disponibles sont souvent sujettes à caution dans le contexte africain. Le dossier d’Afrique contemporaine (Revue éditée par l’Agence française de développement, n° 258/2016-2) traitant de la « tragédie des statistiques » rappelle cette difficulté, tout comme une contribution d’Alice Nicole Sindzingre, dans le même numéro, questionne la rigueur scientifique de l’économie et sa prétention à s’affranchir des autres sciences sociales. In fine, si certains textes présentent un intérêt par leur côté précurseur (Luvuma et Dzaka-Kikouta sur l’offre de services financiers développée par les opérateurs de télécommunications en RDC, p. 177), les contributions les plus originales reposent sur des enquêtes qualitatives, comme l’adaptation des protocoles de crédit en fonction des contraintes linguistiques (Mbouya, p. 227) ou le recours des mutuelles communautaires de croissance aux règles coutumières pour gérer le recouvrement des prêts en retard (Kandem & Kamyap, p. 260). Mais, malgré la portée de ces travaux, l’ouvrage n’apporte pas de réponse à la question initialement posée.
François Doligez, Iram (Institut de recherches et d’applications des méthodes de développement)
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