La longue marche vers la création d’un compte satellite de l’ESS connait une avancée majeure
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Un compte satellite constitue un cadre de présentation des données statistiques d’un domaine particulier de l’économie au sein de la comptabilité nationale. L’éducation, la protection sociale, la santé, l’environnement, le logement, les transports, etc. bénéficient d’un compte satellite en France. C’est pourquoi, dès sa création en 1982, l’Association pour le développement des données sur l’économie sociale (Addes), qui réunit des chercheurs, des statisticiens et des acteurs de l’économie sociale, s’est donné pour objectif de mieux faire connaître ce secteur invisible statistiquement par la réalisation d’un compte satellite (Voir l’ouvrage Mesurer et analyser l’économie sociale. L’apport de l’Addès depuis 1980 de Patricia Toucas-Truyen, Éditions Arbre bleu, 2018.). Depuis, la production de données chiffrées a sensiblement progressé sous l’impulsion conjointe de chercheurs universitaires, dont la plupart appartiennent à l’Addes, et des fédérations regroupant les diverses entreprises de l’ESS.
Mais le système statistique officiel, l’Insee principalement, a été beaucoup plus lent à produire des chiffres indiscutés. C’est la raison pour laquelle l’accord de principe donné en mai 2019 par l’Insee pour créer un compte satellite sur l’ESS constitue une étape majeure.
Les premières étapes des années 1980
Souvenons-nous des étapes préalables. Dès 1986, il a été question d’un compte satellite de l’économie sociale à l’Insee ; un comité de pilotage s’est même réuni à deux reprises sous la présidence d’André Vanoli, un des initiateurs du système international de comptabilité nationale, mais, faute de moyens et surtout de volonté politique, ce projet ambitieux n’a pas vu le jour. En 2006, Philippe Kaminski, membre fondateur de l’Addes, a réalisé pour l’Insee un compte satellite expérimental des associations, fondations et autres organisations sans but lucratif (en s’appuyant sur le manuel de l’ONU paru en 2003 : Les Institutions sans but lucratif dans le système de comptabilité nationale), mais cette expérimentation n’a pas eu de suite.
En revanche, le système statistique produit et publie depuis 2005 des Tableaux harmonisés de l’économie sociale, selon un périmètre négocié avec les organisations représentatives de l’économie sociale et correspondant à peu près au périmètre de la loi ESS de 2014, à l’exception des entreprises sociales. Ces tableaux ont beaucoup d’avantages : ils fournissent une série chronologique pour l’ensemble de l’ESS et pour chacune de ses familles, ils sont déclinés par secteur d’activité et surtout au niveau régional. L’Atlas du Conseil national des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (CNCress) affine encore ces représentations sectorielles et locales tous les deux ans. Cependant, ces tableaux ne donnent de l’ESS qu’une image incomplète : ils comptent le nombre d’établissements de l’ESS, leur effectif salarié et les salaires distribués, mais l’origine et la structure de leurs ressources, leurs investissements, leur recours au crédit et, bien sûr, toute mesure de l’impact de l’ESS en sont absents.
Notons enfin qu’en 2014 Julien Deroyon, administrateur de l’Insee, a tenté une estimation indépendante de la contribution de l’économie sociale au produit intérieur brut. Celle-ci serait de 5 à 6 % du PIB, c’est-à-dire la moitié du poids de l’industrie, ce qui est considérable (et non de 10 à 12 %, comme trop souvent énoncé).
Le rôle d’Eurostat
Une avancée décisive s’est produite à l’automne 2018 lorsque Eurostat, l’office statistique des Communautés européennes, a lancé un appel à propositions auprès des instituts statistiques des 28 pays européens pour que soient proposés des comptes satellites de l’économie sociale. Ces comptes satellites devront suivre la version 2018 du manuel de l’ONU intitulé Satellite Account on Nonprofit and Related Institutions and Volunteer Work (Compte satellite des institutions sans but lucratif, des institutions proches (coopératives et mutuelles) et du travail bénévole (non traduit)), plus conforme à la vision européenne de l’économie sociale.
L’Insee et un certain nombre d’autres pays européens ont répondu positivement à cet appel à propositions et leur contrat de partenariat avec Eurostat est en cours de signature. La remise du rapport final à Eurostat devra suivre dix-huit mois après cette signature, c’est-à-dire d’ici fin 2020. Pour éclairer les choix statistiques, un comité de concertation réunira d’ici là les statisticiens de l’Insee chargés de la mise en œuvre du programme Eurostat, les statisticiens des ministères concernés et les chercheurs ayant produit antérieurement des données statistiques ponctuelles ou régulières (comme Viviane Tchernonog, Lionel Prouteau et l’auteure de ces lignes, notamment). La première réunion, en mai dernier, a été consacrée essentiellement à la confrontation des divers périmètres qui ont été proposés par le manuel de l’ONU de 2018, la loi ESS, le Ciriec, etc. et à l’interprétation pour la France des critères proposés par le manuel de l’ONU 2018, qui, bien entendu, est privilégié puisque telle est la commande d’Eurostat.
Quel sera l’intérêt d’un compte satellite de l’économie sociale ? Il permettra de comparer le tiers-secteur français avec celui des autres pays européens sur des bases méthodologiquement sûres, ce qui n’est pas le cas actuellement. Des comptes satellites comparables pour quelques pays européens permettraient de mieux orienter la politique européenne en direction de ce secteur et de la rendre plus pratique et moins incantatoire. Alors que le capitalisme financier montre ses limites, ils souligneraient la diversité des formes d’entreprendre en Europe. Des séries chronologiques de comptes satellites pourraient illustrer une croissance plus qualitative que quantitative, plus inclusive, plus participative, davantage tournée vers l’intérêt général, avec les moyens de l’initiative privée collective. Le compte satellite de l’économie sociale répondra également au souhait des organisations faîtières de l’ESS de disposer de statistiques complètes sur leur champ. Certes, le périmètre du manuel ONU 2018 est à la fois plus restreint et plus large que celui de la loi ESS de 2014, plus restreint puisqu’il exclut les grandes coopératives bancaires et agro-alimentaires, plus large puisqu’il inclut les organisations politiques, syndicales et religieuses. Cependant une adaptation sera relativement simple pour décrire l’ESS au sens de la loi de 2014.
Affaire à suivre, donc...
Édith Archambault
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