Débat du GNC: "capitalisme coopératif" versus "capitalisme financier"?

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Près de cent vingt personnes ont assisté au débat organisé par le Groupement national de la coopération (GNC) le 9 juin 2009 sur le thème: « Face à la crise, les autres réponses des coopératives ». A la table, les présidents Jean-Claude Detilleux (Groupe Crédit coopératif ), Yves Zehr (Coop Alsace), Marie-Noëlle Lienemann (Fédération nationale des coopératives HLM), Charles-Henri Montaut (Union technique bâtiment) et Michel Prugue (Maïsadour) ont librement échangé avec Jean Arthuis et Didier Migaud (respectivement présidents de la commission des Finances du Sénat et de l’Assemblée nationale), sous la direction fringante de Guillaume Delacroix, journaliste aux Echos.  

 
La coopération, un « avantage concurrentiel »
Après la lecture des très mauvais indicateurs économiques de l’heure, les présidents de la coopération ont été invités à faire le point sur leurs secteurs spécifiques. M. Detilleux, au nom du GNC, a rappelé que le chiffre d’affaires mondial de la coopération est proche du PIB canadien : la coopération se porte bien et progresse. Sa proximité avec ses sociétaires, clients ou salariés, a permis une meilleure anticipation des difficultés présentes et contribue à limiter l’impact de la crise. La vocation sociale de la coopération, qu’il s’agisse de la distribution alimentaire dans les territoires peu favorisés ou de l’accession à la propriété de publics aux revenus modestes, a été vigoureusement réaffirmée. Après le « trou d’air » des années 90, la FNSCHLM est ainsi de nouveau sollicitée par les collectivités territoriales soucieuses d’une « mixité sociale » que les autres opérateurs privés ne garantissent pas. Pour la tribune, la coopération, plus largement l’appartenance à l’économie sociale, constitue, selon la formule Charles-Henri Montaut, un « avantage concurrentiel » certain en ces temps de crises.
 
... mais une reconnaissance difficile
La présence d’éminents législateurs à ce débat a été l’occasion pour les coopérateurs réunis de rappeler que leurs entreprises ne jouissent « d’aucuns privilèges sociaux et fiscaux », contrairement aux tenaces idées reçues que Jean Arthuis a, de son propre aveu, longtemps partagées. De tels échanges entre hauts responsables politiques et professionnels de la coopération sont assurément très utiles, tant il est vrai que les premiers connaissent très mal les problématiques des seconds. Ainsi, le ministre de l’Economie et des Finances, qui a parlé de la coopération comme « antidote à la financiarisation de l’économie » et loué le statut Scop comme « l’organisation parfaite du capital et du travail », n’en a pas moins plaidé pour une mise à plat de tous les particularismes, seuils et autres spécificités statutaires qui rendraient extrêmement complexe la mise en oeuvre de politiques publiques de soutien à l’activité économique. Aujourd’hui occupé par l’aspect légal de la fusion des Caisses d’épargne et des Banques populaires, le président de la commission des lois du Sénat est certes autorisé à affirmer que « la gouvernance coopérative n’est pas un gage de vertu », mais on comprend mal comment, sans ses règles particulières de gestion et de répartition des richesses, la coopération pourrait être un antidote à la crise actuelle. Que l’Etat ou l’Europe réglementent ou déréglementent, répond en substance Michel Prugue, mais « qu’ils nous laissent la liberté de nous doter d’outils de régulation collective ». De nombreuses lois françaises ou européennes en sont en effet défavorables à la coopération, sinon l’ignorent. Patrick Lenancker, président de la CGScop, a ainsi rappelé qu’un dispositif public comme Oséo ne s’applique pas la reprise d’une entreprise par ses salariés, alors qu’il permet de garantir 50 % du même investissement réalisé par un fonds de pension étranger. Un comble, alors même que tout le monde convient de l’utilité du statut Scop en matière de transmission d’entreprise…
 
Quelle économie ?
Les coopératives évoluent dans « la seule économie qui existe, celle de marché ». Michel Prugue, président du groupe agricole Maïsadour, premier employeur des Landes, y oppose le « capitalisme coopératif » au « capitalisme financier », l’un étant au service de ses sociétaires, valorisant les territoires, mutualisant ses ressources au service des plus faibles…, l’autre étant caractérisé par la tyrannie du court terme d’actionnaires extérieurs, n’hésitant pas à délocaliser… Pour Yves Zehr, président d’une coopérative de consommation qui est le premier distributeur alsacien indépendant, répondre aux attentes des clients signifie baisser les prix, donc la nécessité de grossir et de passer des alliances y compris en dehors du giron coopératif. Mais quid, alors, de cette gouvernance démocratique, patiente et ancrée dans les territoires propres aux entreprises coopératives ? Il y a de toute évidence une distinction à opérer entre les acteurs du marché : elle relève de leur nature, capitaliste ou coopérative. Arbitrer entre les intérêts des producteurs et ceux des consommateurs, comme il en a été beaucoup question lors de cette rencontre, et partant assurer la survie d’un tissu industriel dans nos territoires, revient à poser la question de l’intérêt général, donc de l’intervention de la puissance publique. Autrement dit, reconnaître et défendre la multiplicité des acteurs du marché, la « liberté d’entreprendre » chère aux coopérateurs, nécessite de reconnaître et de défendre les limites du marché. Un truisme sans doute, mais un propos qui n’était pas majoritaire dans les discours des présidents de coopérative présents à ce débat.
 
Jordane Legleye