"Rembourser les soins à 100%, une utopie?"
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Rembourser les soins à 100%, une utopie ?". C'est le thème du débat de l'Humanité qui a réuni le 4 octobre Etienne Caniard, président de la Mutualité Française, le Pr André Grimaldi, diabétologue, initiateur de la pétition "Pour un débat public sur la santé", et Denis Lalys, secrétaire national de la fédération CGT des personnels des organismes sociaux.
Rappel des faits. Marisol Touraine, ministre de la Santé et des Affaires sociales, d’un côté, affirme sa volonté de généraliser le tiers payant chez les médecins ; de l’autre, défend un projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui met à contribution les assurés actifs comme les retraités. Pour contenir le déficit de la Sécurité sociale à 12,8 milliards d’euros en 2014, les recettes prônées par le gouvernement ressemblent furieusement à celles de ses prédécesseurs. Les économies attendues s’élèvent à 2,9 milliards d’euros. Un tour de vis impressionnant. Aux baisses de prix des médicaments, à la maîtrise des prescriptions… s’ajoute la suppression de l’avantage fiscal dont bénéficiaient les salariés sur les contrats complémentaires en entreprise. François Hollande dit vouloir que tous les actifs aient accès… à ces complémentaires, quand les mutuelles annoncent des prix en augmentation de 2,5 à 3 % en 2014. La prise en charge à 100 % des soins médicalement prescrits reste un combat à mener.
L’objectif d’une prise en charge à 100 % par la Sécurité sociale des soins médicalement prescrits relève-t-il de l’utopie ?
Denis Lalys. Loin d’être une utopie, il s’agit d’une revendication de la Fédération des personnels des organismes sociaux CGT : redonner à la Sécurité sociale toute sa place, place qu’elle n’aurait jamais dû perdre. Le remboursement à 100 % est un objectif toujours actuel. Il est clair que ce n’est pas le but poursuivi par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), les conventions d’objectif de gestion ou les directives européennes. Nous allons hélas aujourd’hui plutôt vers une privatisation et une marchandisation de la protection sociale. Pourtant, le remboursement à 100 % n’est pas une utopie, cela suppose un nécessaire changement radical de politique, notamment sur la bataille de la retraite, autour de l’emploi et des salaires. La Sécurité sociale, au travers du salaire socialisé, reste, pour nous, une idée neuve.
Étienne Caniard. Les derniers chiffres publiés par la Cour des comptes sont malheureusement éloquents… La Sécurité sociale doit faire face à un déficit de 19 milliards d’euros pour l’année 2012, la dette sociale accumulée atteint 200 milliards d’euros. 15 milliards d’euros sont chaque année consacrés au financement de l’amortissement et des intérêts de la dette. L’avenir de notre système de protection sociale est menacé en raison de sa situation financière et du recours systématique à l’endettement. Aujourd’hui, nous le condamnons, l’intervention de la Sécurité sociale est très insuffisante dans la prise en charge des soins courants, à peine 50 %, voire quasi nulle dans certains domaines, 4 % en optique. Face à cette réalité, il existe deux types de réaction, toutes les deux caricaturales. D’un côté, les tenants d’une logique de libéralisation totale, de concurrence sans limites, qui pourtant font tout pour conserver leur rente. C’est inacceptable ! De l’autre, les tenants d’une Sécurité sociale qui devrait tout rembourser, alors que cela n’a jamais été le cas, toutes les dépenses et sans limites, sans s’interroger, notamment, sur la pertinence des actes… La Mutualité française a, elle, un discours très clair. Elle s’est toujours opposée à tout désengagement de la Sécurité sociale mais constate que celle-ci ne suffit pas pour accéder aux soins, moins encore aujourd’hui qu’hier.
André Grimaldi. Non, ce n’est pas utopique. C’est même possible sans dépasser les 12 % du produit intérieur brut que la France consacre actuellement à la santé, mais à quatre conditions.
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