"Les finances solidaires comme biens communs durables: étude de cas de la Banque communautaire de développement Palmas (Brésil)" Camille Meyer
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3e Prix 2012 de la Recherche coopérative organisé par le Crédit Mutuel et la Recma. Master en études européennes Master en sciences de la population et du développement (coopération internationale) Université Libre de Bruxelles - Faculté des Sciences Sociales et Politiques "Les finances solidaires comme biens communs durables : étude de cas de la Banque communautaire de développement Palmas (Brésil)"
La Banque Palmas est une banque communautaire de développement brésilienne ayant élaboré un système novateur de finances solidaires. Afin de restructurer les économies locales économiquement pauvres, la Banque Palmas (BP) a créé un dispositif de microcrédit productif et de consommation à une monnaie sociale qui circule localement. Ces produits financiers sont gérés selon des procédés démocratiques et communautaires. Aujourd’hui, cette méthodologie « Palmas » est appliquée dans plus de 80 communautés brésiliennes marginalisées et bénéficie du soutien des pouvoirs publics.
L’appartenance communautaire de la banque se retrouve dans le fait que ses activités sont conçues par et pour les membres de la communauté. Ses pratiques ont comme objectif de servir l’intérêt général en résolvant les problèmes liés à l’absence de ressources financières. Aussi semblerait-il que la BP cherche à transformer le crédit et la monnaie, qui sont généralement considérés comme des biens privés, en des biens communs. Comme résultante de la structuration d’une mouvance d’économie populaire et solidaire, sa structure organisationnelle est marquée par l’autogestion et l’autogouvernance. Partant de ces liens, notre analyse de la Banque Palmas s’articule autour des questions de recherche suivantes : « dans quelles mesures les pratiques de finances solidaires de la BP sont-elles comparables au mode de gestion d’un bien commun ? » et « qu’en est-il de la durabilité de ces biens que sont le microcrédit productif et la monnaie sociale ? ». Nous émettons donc l’hypothèse que la Banque Palmas considère les systèmes de microcrédit et de monnaie sociale comme des biens communs, ce qui justifie des pratiques de gestion semblables à celles des ressources communes.
Nous chercherons donc à vérifier si ces dispositifs partagent une structure organisationnelle semblable à celle des biens communs. Pour cela, nous confrontons le cadre d’analyse d’Elinor Ostrom, reposant sur huit principes de conception des institutions durables de ressources communes, aux données empiriques récoltées au cours d’un stage d’étude de trois mois à la Banque Palmas. Par la suite, nous complétons cette analyse en mobilisant d’autres concepts de gestion participant de la durabilité des systèmes de microcrédit productif et de monnaie sociale. Il s’agit, pour le premier, de l’isomorphie institutionnelle et de la « soutenabilité » financière, et, pour le second, de la viabilité économique et sociale de la monnaie (cette dernière viabilité étant considérée comme l’acceptation et l’utilisation effective de la monnaie sociale).
Nous arrivons aux résultats suivants. Tout d’abord, il existe une analogie organisationnelle entre les instruments financiers de la Banque Palmas et les biens communs analysés par Ostrom. Le mode de gestion du crédit et de la monnaie fait de ces biens des instruments collectifs particulièrement inclusifs à la disposition de la communauté.Ainsi, à travers des dispositifs de choix collectifs, ces instruments sont adaptés aux conditions de vie locales afin de générer davantage d’emplois et de revenus. Leur contrôle est opéré par la banque, qui a mis en place un système de surveillance en grande partie tributaire des relations sociales et communautaires des clients. Enfin, après différents accrochages avec la Banque centrale brésilienne, la Banque Palmas a été progressivement reconnue par les pouvoirs publics comme porteuse d’une technologie sociale adaptée pour la lutte contre la pauvreté par l’insertion financière et socio-économique.
Toutefois, la durabilité de ces biens n’est pas assurée pour autant. Certes, les fonds de crédit augmentent grâce à de nouveaux partenariats (ce qui tend à perpétuer la ressource), mais l’isomorphie institutionnelle peut entraîner une marchandisation potentielle ; ce qui rentrerait en tension avec son caractère commun. En ce qui concerne la monnaie sociale, peu de personnes utilisent effectivement ce moyen d’échange : la monnaie se trouve polarisée dans les mains de quelques acteurs territoriaux, ce qui limite sa diffusion. De plus, cette dernière dépend financièrement des autres services de la banque.
Ensuite, d’un point de vue théorique, notre étude a montré la similitude qui existe entre le cadre d’analyse de l’économie sociale et les biens communs. Ainsi, notre recherche empirique met en avant la potentialité qu’ont les entreprises de l’économie sociale et solidaire de concevoir et gouverner des biens communs. De plus, d’un point de vue épistémologique, notre recherche s’inscrit dans un travail de traduction interculturelle. Elle met en évidence une pratique novatrice du « Sud » visant la réduction de la pauvreté et le changement social. A cet effet, elle constitue une synthèse des documents existants tout en apportant de nombreux éléments nouveaux. Enfin, ce mémoire instaure un dialogue entre la théorie occidentale de la nouvelle économie institutionnelle et la pratique de l’organisme brésilien de finances solidaires.
La recherche coopérative française pourrait tirer différentes leçons de ce travail. Tout d’abord, notre étude permet de mieux comprendre le phénomène majeur de l’économie sociale et solidaire brésilienne que sont les banques communautaires.Ensuite, ces pratiques coopératives peuvent être une source d’inspiration pour le développement d’alternatives à l’exclusion financière particulièrement importante dans les pays dits du « Sud », mais aussi en France. Enfin, nous pensons qu’une telle étude permet de mieux cerner la gestion d’un type de monnaie sociale innovant et émergent en France et en Europe. En effet, des initiatives populaires, comme par exemple les monnaies sociales Abeille à Villeneuve-sur-Lot, Lucioles en Ardèche ou Héol à Brest, pourraient tirer des enseignements du fonctionnement de cette monnaie sociale outre-Atlantique ayant eu des effets positifs sur la diminution de la pauvreté.
INTRODUCTION...................................................................................................................... 1
MISE EN CONTEXTE.............................................................................................................. 3
I. La Banque Palmas comme produit de l’action collective .................................................. 3
II. L’inclusion bancaire comme dispositif de restructuration économique............................. 5
III. Une initiative populaire et solidaire ................................................................................ 8
IV. La diffusion du modèle ................................................................................................... 9
METHODOLOGIE.................................................................................................................. 11
I. Une recherche entre biens communs et économie solidaire............................................. 11
II. Une analyse néo-institutionnelle ...................................................................................... 13
III. Sources et données collectées ....................................................................................... 17
PREMIERE PARTIE : LE MICROCREDIT PRODUCTIF ................................................... 20
I. La gouvernance du microcrédit productif ........................................................................ 20
1.1 Les différents types de crédits productifs.................................................................. 20
1.2 Limites de la ressource .............................................................................................. 22
1.3 Des règles d’appropriation liées aux conditions locales............................................ 23
1.4 Dispositifs de choix collectifs.................................................................................... 25
1.5 Mécanismes de résolution des conflits...................................................................... 27
1.6 Surveillance et sanctions graduelles.......................................................................... 28
1.7 Des entreprises imbriquées........................................................................................ 29
1.8 Relations avec les autorités publiques....................................................................... 31
1.8.1 Les relations avec la Banque Centrale ............................................................... 32
1.8.2 Une tentative de législation ................................................................................ 33
1.8.3 Des partenariats avec les pouvoirs publics......................................................... 34
II. Une gestion durable de la ressource commune ................................................................ 36
2.1 Evolution des partenariats financiers ............................................................................. 36
2.1.1 Une première collaboration avec la Banque Populaire du Brésil....................... 37
2.1.2 La convention avec la banque Caixa Econômica............................................... 38
2.1.3 Croissance du capital et diversification des produits financiers ........................ 40
2.2 Vers un isomorphisme institutionnel......................................................................... 42
2.2.1 Une isomorphie coercitive ...................................................................................... 43
2.2.2 Une isomorphie normative ...................................................................................... 44
2.2.3 Une isomorphie mimétique ..................................................................................... 45
2.3 Une banque soutenable financièrement..................................................................... 46
2.3.1 Un équilibre des comptes........................................................................................ 47
2.3.2 Une rentabilité en partie imputable aux pouvoirs publics....................................... 48
IV. Conclusion de la première partie................................................................................... 51
SECONDE PARTIE : LA MONNAIE SOCIALE PALMAS ................................................. 53
I. Présentation de la monnaie sociale................................................................................... 53
1.1 Les monnaies antérieures au Palmas ......................................................................... 53
1.2 La monnaie sociale Palmas........................................................................................ 55
1.3 Des liens étroits avec le microcrédit.......................................................................... 57
II. La gouvernance de la monnaie sociale Palmas................................................................ 58
2.1 Limites de la ressource et taille du dispositif ............................................................ 58
2.2 Des règles d’appropriation liées aux conditions locales............................................ 59
2.3 Dispositifs de choix collectif..................................................................................... 62
2.4 Surveillance et contrôle du dispositif monétaire ....................................................... 64
2.5 Mécanismes de résolution des conflits...................................................................... 66
2.6 Des entreprises imbriquées........................................................................................ 67
2.7 Relations avec les autorités publiques....................................................................... 67
2.7.1 La position vis-à-vis du Palmas ......................................................................... 68
2.7.2 L’inclusion de la monnaie sociale comme politique publique locale ................ 69
III. Viabilité sociale et financière de la monnaie................................................................. 71
3.1 La viabilité sociale de la monnaie ............................................................................. 71
3.1.1 Une utilisation restreinte des consommateurs.................................................... 71
3.1.2 Un accueil favorable des commerçants.............................................................. 74
3.2 Concentration et diminution de la monnaie............................................................... 76
3.2.1 Une polarisation des flux monétaires................................................................. 77
3.2.2 Les cycles de la monnaie.................................................................................... 81
3.2.3 Une diminution de la circulation........................................................................ 83
3.3 Une monnaie soutenue par les autres produits financiers.......................................... 84
IV. Les futurs de la monnaie ............................................................................................... 87
V. Conclusion de la seconde partie ....................................................................................... 91
CONCLUSION GENERALE.................................................................................................. 93
BIBIOGRAPHIE...................................................................................................................... 96
ANNEXES ............................................................................................................................. 105
Annexe 1 : Quelques données macroéconomiques sur la pauvreté au Brésil ........................ 105
Annexe 2 : Le modèle de finances solidaires de la Banque Palmas....................................... 108
Annexe 3 : Méthodologie de création d’une banque communautaire.................................... 109
Annexe 4 : Administration des fonds de crédit par l’Institut Palmas..................................... 110
Annexe 5 : Un développement territorial intégré comme Bien commun immatériel ............ 112
1. Génération de revenus et d’emplois............................................................................ 113
1.1 Une réduction de la pauvreté économique ............................................................... 113
1.2 Une structure de création d’emplois d’économie solidaire ...................................... 115
2. La constitution d’un capital social et humain basé sur des valeurs communes .......... 119
2.1 Vers davantage de cohésion et de capital social ...................................................... 120
2.2 Le renforcement du capital humain communautaire................................................ 122
2.3 Vers une émancipation sociale................................................................................. 124
2.4 La préservation de la culture locale.......................................................................... 125
3. Les multiples dimensions du développement local de la BP ...................................... 126
Mots clés
Fichiers
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