Les défis du capitalisme coopératif. Ce que les paysans nous apprennent de l’économie.
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Préface de Philippe Mangin. Georges Lewi, Pascal Perri, 2009, Pearson, 214 pages
80 milliards d’euros de chiffre d’affaire, 150 000 salariés, 40 % de l’agroalimentaire du pays avec des marques comme Candia, Béghin Say, Loïc Raison, D’Aucy … : la coopération agricole française est un poids lourd… très largement méconnu. Deux spécialistes du marketing et de la stratégie économique sollicités par Coop de France en livrent une introduction riche, bien documentée et vivante.
En 200 pages les auteurs sont parvenus à résumer l’histoire de la coopération agricole contemporaine (partie 1), à en présenter ses réalisations remarquables illustrées de quelques portraits de ses acteurs ainsi qu’à exposer finement, sans perdre le lecteur dans un luxe de précisions juridiques ou techniques, les problématiques qui la traversent aujourd’hui (partie 2). Une lecture à recommander donc, stimulante à plus d’un titre, et disons le, politiquement.
Les défis du modèle coopératif
L’ancrage territorial constitue un principe fondamental de la coopération agricole. Mais comment concilier cet impératif de proximité avec les adhérents, de valorisation des territoires lorsque ces groupes s’internationalisent, ou se délocalisent partiellement pour s’adapter aux modifications du marché ? Le livre rappelle quelques stratégies, comme la franchise de produits difficilement exportables (le cas d’une célèbre boisson lactée), ou l’investissement dans des usines à l’étranger pour apporter un complément de revenus aux producteurs français.
Comment séduire de jeunes agriculteurs et agir contre l’exode rural ? Des politiques ambitieuses de l’emploi sont nécessaires et Coop de France s’investit dans l’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications. Les coopératives agricoles sont également en pointe dans la mise en œuvre du bilan sociétal et les initiatives en faveur d’un développement durable, comme la biomasse et les biomatériaux.
Comment doser la démocratie de délégation et la démocratie participative dans les groupes coopératifs parfois tentaculaires? Les auteurs présentent des exemples intéressants, comme ce grand groupe qui interroge ses adhérents sur l’opportunité de cultiver des OGM (page 136). Et de citer ensuite des extraits des travaux recherches sur les enjeux de la gouvernance coopérative à l’heure de la mondialisation, des désormais «classiques» René Mauget, Serge Koulytchisky ou Daniel Côté, au plus récents comment Olivier Frey. Enfin, l’ouvrage aborde clairement la complexité juridique de ces statuts en constante évolution, ainsi que les modalités de rémunération des coopérateurs qu’il faut savoir intéresser au développement et à la gouvernance de leurs groupes pour relever les immenses défis économiques qui se posent à eux.
Cette seconde partie du livre constitue donc une belle introduction à la coopération agricole, même si on aurait pu souhaiter parfois, notamment sur les questions environnementales, davantage de distance critique (biocarburants, OGM sont ils compatibles avec une agriculture au service de l’homme et des territoires ?).
Les faiblesses d’une mise en perspective historique et théorique
Il invite surtout au-delà à réfléchir sur l’identité coopérative. Les auteurs pointent ainsi, avec Chantal Chomel, Gérard Deshayes ou David Hiez, que si la coopération est bien identifiable en creux, par opposition à la société de capitaux, ses caractéristiques intrinsèques sont plus délicates à définir.
D’autant plus délicates en effet que le titre, la quatrième de couverture, la préface et une bonne part de la première partie du livre sur les origines de la coopération s’emploient à brouiller pistes. Philippe Mangin relève ainsi «l’oxymore "capitalisme coopératif"» comme une « belle idée ». Le bon coup marketing d’une quatrième de couverture qui affirme que le « capitalisme sera coopératif ou ne sera pas » peut en effet se comprendre dans le contexte éditorial actuel. Mais présenter la coopération comme l’incarnation d’un « capitalisme raisonnable » (page 21), réconciliation du sage libéralisme philosophique et politique des Lumières et du capitalisme, comme l’écrivent les auteurs, mériterait plus ample discussion.
Il faudrait autrement justifier en effet l’équation qu’ils dessinent implicitement : capitalisme égale progrès (pages 22 et 24). Le lecteur ne s’étonnera pas de trouver cité à l’appui de cette thèse, quoique dans un raisonnement parfaitement circulaire, le prix Nobel Mohammad Yunus. Qu’il soit permis de noter ici que le microcrédit social procède à rebours des principes qui ont donné naissance au mouvement coopératif type Raiffeisen (pp.68-69) : endettement individuel tournée vers la consommation, mutualisation de l’épargne pour une émancipation collective.
Enfin, présenter la coopération comme le parangon du (bon) libéralisme originel résiste difficilement au rappel des « moments clefs de la coopération agricole » (pages 70 et 73). La naissance du Crédit agricole à la fin du XIX sous l'impulsion de Jules Méline, l’homme des tarifs douaniers, puis 1936 et 1945 n’apparaissent pas comme les périodes les plus libérales de notre histoire contemporaine. Sans compter que cette présentation tait implicitement tout ce qui dans les « sept principes » coopératifs (page 30 et suivante) n’a rien de spécialement libéral (solidarité, impartageabilité des réserves, engagement envers le milieu…).
« [Notre projet] est un d’abord un projet politique »
Ainsi s’exprime le président de Coop de France dans l’éditorial de Coop Infos de décembre 2006 (cité page 82). C’est justement cette dimension politique du livre de MM. Lewi et Perri qui interpelle. La crise remettrait au goût du jour le modèle coopératif non suspect de « court-termisme financier » et soucieux de faire vivre durablement ses territoires. Soit. Mais est-ce en se présentant comme les hérauts d’un capitalisme «moral» que les coopérateurs parviendront à faire mouvement pour inspirer un cadre législatif favorable au groupement de personnes, alors même que ce mot d’ordre de «moralisation du capitalisme» est précisément lancé par les puissants zélateurs du capitalisme financier ? Citons pour conclure une nouvelle fois Philippe Mangin (page 82) répondant à ceux qui à Coop de France demandaient « moins de politique, plus d’économie » : « l’un ne va pas sans l’autre dans une coopérative ou alors il faut en faire des sociétés capitalistes et laisser les paysans sur leurs tracteurs. »
Jordane Legleye
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