L’Économie sociale et solidaire
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Géraldine Lacroix et Romain Slitine, PUF, « Que sais-je ? », 2 e éd., 2019, 128 pages
Selon leur éditeur, l’objectif des ouvrages de la collection « Que sais-je ? » est de proposer « une synthèse de vulgarisation de 128 pages », visant à « faciliter le décryptage du monde d’aujourd’hui et des débats de société ». C’est à l’aune de cet objectif qu’il faut apprécier l’ouvrage de Géraldine Lacroix et Romain Slitine. Il ne s’agit ni d’un livre destiné à des chercheurs spécialistes, approfondissant une thématique ou défendant une thèse, ni d’un manuel universitaire se déployant sur plusieurs centaines de pages.
L’ouvrage se veut d’abord un état des lieux factuel, généraliste et illustré par des exemples concrets. Les trois premiers chapitres sont ainsi à dimension panoramique. Le chapitre 1 propose une synthèse de l’histoire de l’ESS en France sous la forme de trois branches (économie sociale, économie solidaire et entrepreneuriat social) convergeant grâce à la loi de 2014 vers une « nouvelle maison commune ».
Cette loi permettrait de « dépasser les oppositions », et le Haut-Commissariat à l’économie sociale et solidaire et à l’innovation sociale, le « French Impact » ou la loi Pacte en constitueraient en quelque sorte les prolongements évidents.
Le chapitre 2 présente les grandes données statistiques du secteur en insistant sur la diversité des branches d’activité et les avantages de l’ESS en termes de création d’emplois et de présence en milieu rural et dans les quartiers « politique de la ville ». Puis il décrit les réseaux institutionnels sectoriels, territoriaux et d’employeurs, en regrettant que « leur difficulté à faire cause commune les empêche de réellement peser ».
Le chapitre 3 aborde les principes en refusant de « retenir une définition figée des organisations ». Les auteurs préfèrent s’appuyer sur trois « grandes caractéristiques partagées qui les différencient des entreprises traditionnelles et qui fondent leur plus-value » : le modèle économique à finalité not for profit et reposant sur une hybridation des ressources ; la gouvernance démocratique (« les entreprises sous statuts de l’économie sociale : une personne, une voix » étant distinguées de celles « sous statut commercial : l’association des parties prenantes à la décision ») ; l’ancrage territorial, notamment avec les Scic.
Les chapitres suivants sont consacrés aux trois « enjeux clés pour le développement du secteur », selon les auteurs. Le chapitre 4 décrit ainsi « l’écosystème du financement spécifique dévolu aux organisations de l’ESS qui se structure progressivement », soulignant que, face à la diminution de la part des financements publics, les organisations financières spécialisées et l’épargne et l’investissement des particuliers montent en puissance.
Le chapitre 5 relève « la nécessité de changer d’échelle ». « Pour passer du stade de laboratoire à celui de production en série », les stratégies exposées reposent sur la diversification des activités, l’essaimage territorial, les « partenariats avec les entreprises classiques » et le développement de PTCE, de tiers lieux et de « start-up de territoire ».
Le chapitre 6, enfin, s’intéresse aux politiques publiques sous deux axes : le développement économique local, car les entreprises de l’ESS seraient souvent « les moteurs des catalyseurs territoriaux », et le développement social, avec une présentation des contrats à impact social (CIS).
Ces différents chapitres constituent une bonne base d’informations synthétiques et organisées sur les acteurs et les dispositifs publics de l’ESS tels qu’ils existent en France à la mi-2019. Trois ans après la première édition, si le plan de l’ouvrage reste inchangé, le contenu a en effet été systématiquement actualisé. Les données statistiques, les expérimentations de nouvelles pratiques et les évolutions des réglementations, des politiques gouvernementales et des institutions représentatives du secteur ont été mises à jour. Le fond politique de l’ouvrage est, quant à lui, moins diversifié. Les auteurs adoptent une grille de lecture de l’ESS que l’on peut qualifier de post-loi Hamon, conforme aux discours gouvernementaux récents. Ils en épousent à la fois le vocabulaire (« changer d’échelle »), la volonté d’effacement des frontières (le fameux « statut n’est pas vertu »), la promotion de financements privés se substituant aux subventions publiques (les CIS), l’accent mis sur l’innovation sociale (« les start-up de territoire »), et même les approximations exagératrices (« Le poids de l’ESS est estimé à 10 % du PIB »... alors que l’Insee l’évalue à 6 %).
Il nous semble qu’une prise de recul théorique (les doctrines fondatrices de l’ESS sont condensées en une demi-page...), une meilleure attention portée aux grandes structures de l’ESS (les banques coopératives, les mutuelles d’assurances et de santé et les coopératives agricoles sont peu évoquées) et une plus large ouverture sur la situation de l’ESS dans d’autres pays que la France (qui ne bénéficient, au total, que d’un encadré d’une page) auraient permis d’élargir les points de vue au-delà de ceux, institutionnels, de la CDC, de la BPI, de l’Avise, du Mouves, du CN Cress ou de l’OCDE...
In fine, si, en matière d’étendue du paysage couvert (secteurs, acteurs et politiques), l’ouvrage remplit sa fonction de « synthèse de vulgarisation », son « décryptage du monde d’aujourd’hui et des débats de société » autour de l’ESS, en revanche, nous paraît excessivement orienté vers une vision très mainstream, pour ne pas dire néolibérale, de l’ESS.
Gilles Caire
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