L’économie sociale et la lutte contre la criminalité organisée, Bruxelles, 8 novembre
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Le 8 novembre se tient au Comité économique et social européen une conférence intitulée "Impact des criminalité organisées sur l'économie de l'UE" consacrée en grande partie à la "réutilisation sociale" des biens confisqués aux organisations criminelles (voir l'exemple italien exposé dans le N° 328 de la RECMA).
L’article de Nicolo Mignemi publié dans une récente livraison de la RECMA (n°328 avril 2013) sous le titre "Coopératives et réutilisation sociale des biens confisqués à la Mafia" apporte un éclairage tout à fait intéressant sur l’expérience italienne dans ce domaine.
En effet,une loi adoptée en 1996 permet l’attribution à des coopérative et des associations des biens (terres agricoles, immeubles, véhicules,etc…) confisqués à la Mafia, la Camora et autres organisations du meme type. Cette loi est l’aboutissement d’une réflexion déjà ancienne des associations paysannes, notamment. Plus d’une dizaine de coopératives ont ainsi vu le jour avec l’appui des réseaux de l’économie sociale et des pouvoirs publics. L’important selon Nicolo Mignemi c’est que cette expérience a permis de faire émerger face à l’économie mafieuse un modèle alternatif capable de la concurrencer dans la production de richesse et d’emplois au profit du territoire,mais dont il est encore un peu tôt pour dire s’il est durable et si sa généralisation est possible.
Ainsi, la lutte contre la criminalité acquiert-t-elle aussi la dimension d’un combat culturel. C’est notamment l’idée qui inspire le réseau "Cultura contro Camora" qui s’est constitué en appui aux coopératives et associations attributaires des biens confisqués.
La criminalité organisée n’est pas une spécialité uniquement italienne, d’autant qu’elle ignore souvent les frontières. On la rencontre sous des formes variées dans de nombreux pays qui la combattent avec plus ou moins de succès.
En France il existe depuis 2010 (loi du 9 juillet 2010) une loi prévoyant la saisie et la confiscation des biens de la criminalité organisée et en confiant la gestion à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) placée sous la double tutelle des ministères de la Justice et du Budget. Cette agence gère des avoirs sous diverses formes (numéraires, comptes bancaires, immeubles, véhicules…) qui s’élèvent aujourd’hui à un montant de près d’1 milliard d'euros. Il n’est cependant pas prévu dans la loi française de dispositif de "réutilisation sociale", comme c’est le cas en Italie. Le produit des avoirs confisqués est reversé dans les caisses de l’Etat et abonde entre autres le budget de la Mission interministérielle de lutte contre le trafic de drogue (MILTD).
Une proposition de directive européenne concernant le gel et la confiscation des produits du crime dans l’union européenne est à l’heure actuelle en discussion devant le parlement européen, ce qui n’a rien pour surprendre compte tenu de la dimension intraeuropéenne du problème, d’autant que, selon le rapporteur du texte au Comité des régions, le crime organisé et la corruption pèsent 120milliards d'euros, soit plus que le montant du budget de l’UE.
La directive ne ne traite pas dans sa rédaction actuelle de la réaffectation des fonds provenant des biens confisqués, mais plusieurs amendements ont été déposés en faveur de leur utilisation à des fins sociales au profit de la collectivité et du développement socio économique des territoires dans des projets mis en œuvre par des ONG.
Le Comité économique et social européen (CESE) et le Comité des régions se sont également prononcés dans le même sens en se référant explicitement au modèle italien dont ils préconisent l’extension au niveau européen.
C’est dans ce contexte qu’est organisée à Bruxelles le 8 novembre 2013 au CESE une conférence sur "l’impact des criminalités organisées sur l’économie de l’UE" avec la participation de membres du CESE, du Comité des régions,de parlementaires européens,de représentants de la Commission européenne, d’acteurs de terrain et réseaux d’appui et d’universitaires.
La conférence doit permettre ,à partir de l’éclairage donné sur l’exemple italien et celui d’autres pays engagés éventuellement dans des démarches similaires, de dresser un état des lieux et d’alimenter une réflexion plus globale au niveau européen débouchant sur des propositions concrètes dans la perspective de l’extension du système.
Pour ce qui concerne la France où la réflexion sur le sujet dans le milieu associatif ou coopératif est encore embryonnaire, ce devrait etre l’occasion pou les acteurs de l’économie sociale et solidaire de prendre la mesure de l’enjeu.
Il devrait entrer plus facilement en raisonnance avec les préoccupations des collectivités territoriales directement confrontées à la criminalité organisée.
L’inclusion dans la directive d’une disposition en faveur de la "réutilisation sociale" aurait à cet égard un impact direct du fait de la transposition dans le droit national.
La "réutilisation sociale" est un véritable enjeu sociétal. Elle ne suffira pas à évincer définitivement la criminalité des territoires dans lesquels celle-ci est investie, mais elle représente une démarche pragmatique de reconquête de ces territoires par laquelle l’économie sociale peut avec la mobilisation des réseaux citoyens et l’apui des collectivités locales et des population concernées faire émerger un modèle alternatif.
C’est peut-etre là aussi un vrai changement d’échelle.
Marcel Hipszman
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