Le prix Tremplin-Recherche de l’ADDES en partenariat avec le CJDES 2022
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Depuis plusieurs années, l’ADDES s’est associée au CJDES. Ce dernier attribue des prix de mémoires de second cycle universitaire (prix de mémoire de licence, de master 1, de master 2 et prix coup de cœur attribué par les votes des internautes). Dans ce cadre, le prix Tremplin-Recherche de l’ADDES privilégie les mémoires avec une orientation de recherche et ouvrant vers d’éventuels projets de thèse. Les mémoires lauréats du Prix Tremplin-Recherche bénéficient aussi d’une valorisation dans la revue RECMA dans la rubrique « temps forts ».
Cette année, 30 mémoires de M2 ont été soumis au jury du prix auquel participent les membres du comité de rédaction de la RECMA. Ces mémoires sont portés par des candidats venant majoritairement de masters liés à l’ESS dans des disciplines variées (économie, sociologie, gestion) mais la nouveauté est la présence de candidats affilés à des masters non directement centrés sur l’ESS (master de communication, master marketing, master d’ingénieur en agronomie), montrant par-là que les enjeux portés par l’ESS vont au-delà du champ lui-même.
Comme les années passées, les thématiques des mémoires relèvent d’une grande actualité avec des sujets portant sur la question du développement durable, les enjeux d’un emploi de qualité, les questions de vie démocratique des organisations.
Une première sélection a conduit à retenir 16 mémoires qui correspondaient plus directement à l’optique du prix Tremplin de l’ADDES qui, au-delà de l’actualité du sujet dans le champ de l’ESS, vise à porter une attention particulière à la présentation d’un cadre conceptuel et à la production de données originales. Après échanges et discussion du jury composé d’une dizaine de membres de discipline et compétences différentes, le prix a été attribué à deux lauréates : Maria Diletta Donnarumma et Claire Annereau.
Maria Diletta Donnarumma (2022), « Les logiques institutionnelles de l'alimentation Durable. Trois structures marseillaises entre marché et valeurs de l'ESS », mémoire de M2, Université d’Aix Marseille. Directrice de mémoire : Nadine Richez-Battesti.
Ce mémoire d’économie cherche à comprendre la capacité du secteur de l’ESS à « faire autrement » dans un champ important, compte-tenu des enjeux environnementaux et sociaux qu’il porte : celui de l’alimentation, marqué par la forte présence d’acteurs privés lucratifs. La question posée est alors : « comment les organisations de l’ESS investies dans le changement des systèmes de production et de distribution agro-alimentaires, trouvent-elles leur place dans un environnement majoritairement occupé par les organisations à but lucratif ? » (p. 13).
Le travail engagé croise approche théorique et travail empirique. D’un point de vue théorique, l’autrice s’appuie sur la notion d’isomorphisme institutionnel de DiMaggio et Powell et s’inspire de l’idée de principes supérieurs communs développés par Boltanski et Thévenot (1991) dans Les économies de la grandeur pour distinguer des logiques institutionnelles. D’un point de vue empirique, le mémoire repose sur l’analyse de trois terrains : Super Cafoutch, un supermarché coopératif engagé, Les Paniers Marseillais, une association d’associations qui suit l’esprit des AMAP et l’épicerie associative et paysanne Adèle.
Après avoir rappelé les enjeux de l’alimentation durable (partie 1), Maria Diletta Donnarumma construit sa grille d’analyse théorique en faisant ressortir les logiques institutionnelles qui opèrent dans le domaine de l’alimentation durable pouvant exercer une influence sur des structures de l’économie sociale et solidaire (partie 2) :
- Une logique institutionnelle économique « qui a les connotations plus marchandes, proche des valeurs libérales » (p. 58).
- Une logique institutionnelle écologique prenant au sérieux les enjeux de changement climatique, de la protection des ressources naturelles et qui cherche à proposer des façons de faire autrement notamment dans les pratiques économiques (valorisation des circuits courts par exemple).
- Une logique institutionnelle de santé qui met la question de la santé comme moteur de l’action (besoin de mieux se nourrir).
- Une logique institutionnelle sociétale priorisant les questions sociales liées à l’alimentation durable comme la précarité alimentaire, la question de l’accessibilité à la nourriture et l’enjeu de la construction de liens sociaux.
Munie de cette grille d’analyse, l’autrice étudie le fonctionnement de trois associations (partie 3) pour comprendre « à quelles logiques institutionnelles elles adhèrent le plus (…) |et] identifier les éventuels éléments de tension ou de contradiction auxquels ces structures font face et les stratégies qu’elle adoptent pour réussir à garder leurs raisons d’être » (p. 61).
Soulignant les pressions, les formes d’ajustements qui s’opèrent en pratiques au sein de ses structures entre les différentes logiques institutionnelles, l’autrice cherche alors à savoir « Quelles stratégies les structures peuvent mettre en place pour trouver leur propre équilibre dans un environnement pluri-institutionnel ? » (p. 117). Elle propose trois pistes d’ajustement. La première repose sur le découplement de la structure consistant à compartimenter les activités qui répondent à des logiques institutionnelles différentes pour donner à chacune la possibilité de se développer. La deuxième repose sur la mise en place d’instances démocratiques internes permettant d’assumer les tensions générées par des logiques institutionnelles multiples, tout en arrivant à tracer un équilibre basé sur la négociation interne. La troisième se résume au fait que la structure puisse accéder au statut d’institution pouvant alors elle-même influencer les autres acteurs et tenir à distances les risques d’isomorphisme.
Claire Annereau (2022), « Le propre du commun - Une lecture juridique des pratiques de commun à partir du tandem Indisponibilité-Affectation », mémoire de M2, Université de Paris-Nanterre. Directeur de mémoire : Michele SPANÒ.
Ce mémoire de droit propose une lecture juridique des pratiques de commun. Partant des formes juridiques propriétaires existantes, Claire Annereau cherche alors à montrer que l’outillage juridique rend déjà possible une utilisation par des collectifs d’acteurs permettant la mobilisation et la gestion de ressources gérées collectivement. L’autrice nous invite ainsi à regarder de plus près latechnique de l’indisponibilité et celle de l’affectation « deux mécanismes complémentaires [qui] se révèlent particulièrement intéressants (…). Souvent utilisés de pair, ils constituent ensemble une proposition théorique pour saisir juridiquement le commun » (p. 8). L’affectation permet « d'établir une restriction, ou un démembrement du droit de propriété au profit de l'usage d'un bien ». Il s’agit de « soumettre des biens ou une partie d’un patrimoine à une utilisation spécifique ayant pour finalité la poursuite d'un intérêt prédéterminé ». L’indisponibilité « garantit l’usage auquel le bien sera dédié », elle pérennise l’affectation « par-delà l’existence ou la volonté de la communauté originelle ». L’indisponibilité permet de détacher en quelque sorte le bien de la communauté pour pérenniser et garantir la volonté initiale de la communauté.
La première partie du mémoire présente des expériences concrètes où l’usage de ces deux techniques a permis l’émergence des pratiques de communs. Par exemple il est présenté le cas de collectifs d’habitants cherchant à acquérir une propriété en commun. Afin de garantir la mise initiale en commun du bien et protéger le projet de tensions internes (au sein du collectif, comme des mésententes entre propriétaires habitants associés) et externes (s’opposant au collectif comme la pression de promoteurs privés), les montages mis en œuvre consistent à fonder deux associations, l’une qui assure l’acte d’indisponibilité, l’autre qui a en charge d’assurer le respect du principe d’affectation. Sont présentées dans cette partie des formes d’adaptations du droit, des bricolages qu’il est possible d’opérer dans le cadre des structures juridiques classiques, telle la SARL, mais en la détournant de son orientation capitaliste ou dans les structures de l’ESS, mais en contournant les risques que peuvent induire les dynamiques de démocratie interne pour transformer un projet. Comme le résume l’autrice : il s’agit de « pratiques de communs s’emparant du droit de propriété en le manipulant à leurs propres fins ».
La seconde partie du mémoire cherche à dessiner les approches du droit de propriété susceptibles d’instituer le commun. Il s’agit alors pour l’autrice de procéder à un mouvement inverse : voir comment les pratiques questionnent les approches et les interprétations contemporaines du droit de propriété et ouvrent un espace pour l’institution juridique du commun. L’autrice montre alors que la notion de commun et sa mise en pratique « altèrent » le droit de propriété en produisant un double mouvement : la sortie du rapport marchand de capital par l’indisponibilité qui rend le bien disponible à l’usage de tous – et ce faisant produit une « dévalorisation marchande du bien » –, et une revalorisation par la construction d’un nouveau rapport aux choses issu du lien d’affectation. Le principe d’affectation permettant d’assurer au commun une absence de valeur au sens économique du terme et la mise en lumière d’une recherche de valeur écologique ou sociale.
Au final, ce mémoire situe ses développements dans le champ des recherches contemporaines à la croisée du droit et des communs. Il constitue un apport stimulant dans la mesure où il ouvre aux structures et activités de l’ESS des « sources juridiques d’en bas » (p. 116) pour leur développement en dehors du duo privé/public.
Anne Fretel
Pour le jury du prix Tremplin-Recherche ADDES/CJDES