La saison des Etats Généraux. Par M. Hipszman
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S’il est une tradition profondément ancrée, c’est celle de la commémoration, L’invocation du passé confère en effet aux évènements du présent une signification particulière, une dimension symbolique.
La Révolution française tient à cet égard une place tout à fait singulière dans le panthéon commémoriel .Rien d’étonnant donc à ce que les Etats Généraux qui en constituent le prodrome soient fréquemment invoqués s’agissant d’évènements auxquels on veut donner le caractère d’un acte fondateur, dernière illustration en date, les Etats généraux du Football.
L’Economie Sociale et Solidaire n’est pas en reste, comme en témoignent deux évènements survenus à quelques semaines d’intervalle. Le premier, les Etats Généraux de l’Economie Sociale et Solidaire, à l’initiative du Labo, se revendique ouvertement de cette tradition.
L’autre, la réunion du Conseil Supérieur de l’Economie Sociale, sans référence historique avouée, mais qui serait pourtant, au jeu des comparaisons nécessairement absurdes, tout autant fondé à s’en réclamer. En effet, c’est bien à l’initiative du souverain que ce conseil, comme son illustre devancier, s’est réuni. Le rapport Vercamer tenant lieu de recueil de doléances. On y retrouve aussi la division en trois ordres. Ce ne sont plus la noblesse, le clergé et le tiers état, encore qu’on pourrait y discerner comme des vestiges des ordres anciens, désormais englobés dans un tout dominé par le tiers état, .Quant au lieu, ce n’est plus Versailles, mais Bercy n’est-il pas aujourd’hui la représentation la plus éclatante du pouvoir. Il aura manqué pour parfaire le tableau qu’en guise de clôture au lieu d’un buffet se dresse un Mirabeau qui parodiant la célèbre apostrophe invite l’assistance à l’occupation du ministère jusqu’à la proclamation le temps d’un rêve de la république coopérative universelle, un moment caressée par Charles Gide. Dans un pays au même moment en veine de rébellion voilà qui n’aurait pas manqué de panache.
Ce serait néanmoins faire peu de cas de l’importance de l’événement que constitue la réunion du conseil supérieur de la coopération que d’en faire un pur objet de fantaisie. Tel n’est pas bien entendu le propos
.Un conseil sensiblement plus nombreux que le précédent, dans lequel on retrouve beaucoup de ceux qui y siégeaient déjà mais avec cependant une bonne moitié de membres nouveaux(titulaires et suppléants confondus),élargi à de nouvelles familles d’acteurs, nombre d’entre eux pleinement engagés sur les territoires, donc au total plus représentatif de la diversité de l’économie sociale et solidaire, devrait être en mesure d’être tout à la fois le lieu d’un dialogue avec le gouvernement que sa fonction lui assigne, et qu’on peut espérer fécond, et participer activement à l’élaboration et au suivi de la mise en œuvre du programme de développement de l’économie sociale et solidaire à laquelle le gouvernement affirme vouloir s’engager.
Il dispose à cet égard avec les propositions du rapport Vercamer auquel la plupart des membres du conseil ont été associés d’un programme copieux que le mandat de 3 ans qui lui est confié ne suffira probablement pas à réaliser.
On regrettera au passage qu’il ne puisse disposer du support qu’aurait pu lui apporter une véritable délégation interministérielle à laquelle une mission placée sous la tutelle de la direction générale à la cohésion sociale aura peut-être quelque difficulté à se substituer, en dépit des intentions affichées
L’attitude des gouvernements qui se sont succédé depuis que l’économie sociale a été officiellement reconnue au début des années 1980 a été marquée de temps forts et des temps faibles, malheureusement davantage des derniers que des premiers, sans déboucher sur une véritable politique dans la continuité et sur la durée. Peut-être parce que, outre l’effet des vicissitudes de la vie politique, l’économie sociale et solidaire, en raison de sa diversité même n’était pas en mesure de se donner une vision suffisamment claire et partagée de la direction à prendre .et par conséquent encore moins en position de convaincre.
Les choses sont en train de changer. L’économie sociale et solidaire sait qu’elle ne peut se satisfaire d’une bienveillance affichée. Si elle ne peut bien évidemment se passer du soutien de l’Etat, compte tenu du rôle qu’elle assume dans l’économie et la société, elle doit néanmoins se donner ses propres objectifs et donc poursuivre en toute indépendance et avec un esprit ouvert la réflexion engagée et dont le rapport Vercamer porte en partie l’empreinte.
C’est ainsi qu’elle sera en mesure de gagner à elle l’opinion publique qui demeure aujourd’hui son plus formidable challenge.
Marcel Hipszman
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