ESS : "Il faut relier production et consommation"
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Interview de M. Draperi, rédacteur en chef de la Recma, dans le numéro 322 (mars 2013) d'Alternatives économiques, à l'occasion de la sortie de La République coopérative
Jean-François Draperi, géographe, rédacteur en chef de la Revue internationale de l'économie sociale (Recma), remonte dans son dernier ouvrage, La République coopérative, aux sources des utopies coopératives. Et rappelle le poids, sous-estimé dans l'histoire, des coopératives de consommateurs, qui ne sont pas entre les mains de leurs salariés mais de leurs clients.
MD : Les coopératives sont aujourd'hui des îlots alternatifs assez inoffensifs. On peine à imaginer qu'elles ont pu nourrir l'utopie d'une "République coopérative".
JFD : Au début du XIXe siècle, le mouvement coopératif est né d'une critique du capitalisme. Son mot d'ordre était l'abolition du salariat. Porté par les associations ouvrières du premier socialisme, prémarxiste, proudhonien ou anarchiste, il fut un fer de lance en France de la révolution de 1848. Son projet initial était de développer des coopératives de production sous forme de microrépubliques libérées du salariat. Mais elles ont eu du mal s'élargir au-delà d'une certaine aristocratie ouvrière et à dépasser l'échelle de l'artisanat, par manque de capitaux.
MD : Mais les coopératives ne servent pas seulement à produire…
JFD : La principale utopie, dans l'histoire des coopératives, fut en effet plutôt celle d'une macrorépublique des consommateurs. Ce mouvement fut formalisé en 1912 avec la création, par Jean Jaurès et Charles Gide, d'un mouvement très puissant, la Fédération nationale des coopératives de consommateurs. De la fin du XIXe siècle aux Trente Glorieuses, les coopératives de consommateurs étaient vécues comme un moyen de "racheter" peu à peu le capitalisme, de se passer d'intermédiaires dans la distribution des produits et de combattre l'endettement des salariés auprès de leur patron. Le développement de très grandes organisations, autour par exemple des magasins Coop, a été facilité par le fait qu'une coopérative de consommateurs n'a pas besoin de capitaux pour se lancer. Mais ce mouvement a fini par souffrir de la concurrence de la grande distribution.