Espagne : une loi pour l’ES, mais les mêmes questions qu’en France

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En août 2009, après un an de lobbying parlementaire, la Cepes (Confederación Empresarial Española de la Economía Social) déposait une proposition de loi "économie sociale" au Parlement espagnol. Cette première version fut rédigée par un groupe de cinq experts, tous membres du Ciriec (J. L Monzon, G.Fajardo, Fdo Valdes, Calvo Ortega et Raphael Chaves)  et réunis par le Ministère du travail, après consultation des représentants des mouvements de l'économie sociale et des administrations publiques. Le 16 juillet 2010, le Conseil des ministres adopte enfin un texte de neuf articles,  définissant juridiquement le secteur, qui devrait être voté avant la fin de l’année. Si aucune modification substantielle n’est à prévoir, d’importantes précisions sont à venir sur le périmètre de l’économie sociale et l’articulation de ses instances représentatives auprès des pouvoirs publics. Des enjeux qui font écho aux débats que nous connaissons actuellement de ce côté des Pyrénées et que d’aucuns moquent comme ridiculement « franco-français ».

La loi publiée au Journal Officiel le 30 mars 2011 a été traduite récemment en français.

La matrice coopérative et la constitutionnalisation de l’ES

L’exposé des motifs de la loi, plus long que la loi elle-même, revient sur l’histoire du ou des concepts d’économie sociale tels qu’ils ont émergé en Europe (Angleterre, France, Italie, Espagne, Belgique) aux xixe et xxe siècles et sur la lente reconnaissance ces dix dernières années de ces spécificités par les instances européennes. Il rappelle l’importance de la matrice coopérative dans l’élaboration des autres composantes de l’économie sociale (associations, mutuelles et fondations). La coopérative est un « groupement de personnes », par opposition à « d’autres agents économiques », caractérisé par des dispositions spécifiques relatives aux conditions libres et ouvertes d’adhésion, par le respect du principe « Une personne égale une voix » et par l’impossibilité pour ses membres d’exercer un droit sur l’actif de la société coopérative.

Le titre deux de cet exposé détaille l’inscription de l’économie sociale dans la Constitution espagnole (articles 1.1, 9.2, 40, 41, 47 et 129.2). Cette « constitutionnalisation » de l’ES était nécessaire dans le contexte de forte autonomie régionale du pays. L’ES a ainsi compté diverses formes de direction au sein des ministères, témoignant d’un intérêt constant des pouvoirs publics nationaux depuis vingt ans. Toutefois, l’ensemble du processus d’élaboration de cette loi s’explique notamment par la proximité d’inspiration et d’objectifs que poursuit la « loi d’économie soutenable », plus directement liée à la crise de 2008 (www.economiasostenible.gob.es). Egalement en cours de discussion, cette dernière loi recouvre une série de réformes destinées à relancer et à réorienter l’économie espagnole vers un nouveau mode de développement.

Une économie au service de ses membres et d’un développement économique durable

L’exposé des motifs du projet de loi « économie sociale » considère en effet que l’ES « est, d’une certaine manière, précurseur du modèle économique de développement durable, dans sa triple dimension économique, sociale et environnementale ». L’article 1 du projet de loi a ainsi pour « but d’établir un cadre juridique commun pour l’ensemble d’organismes qui intègrent l’économie sociale, avec un plein respect à la réglementation spécifique applicable à chacune [des familles coopératives], ainsi que déterminer les mesures de promotion pour ces dernières en considérant les fins et les principes qui leur sont propres ». Les articles 2 et 4 définissent l’économie sociale comme l’ensemble des activités économiques menées dans un cadre qui poursuit « ou l’intérêt collectif de ses membres, ou l’intérêt général économique ou social, ou les deux », dans le respect de quatre grands principes :

  • primauté des personnes et de la fin sociale sur le capital, qui se traduit par une gestion autonome et transparente, démocratique et participante, donnant la priorité dans la prise de décision aux personnes et à leurs contributions en travail ou en services rendus à la structure, par rapport à leurs contributions au capital social ; 
  • partage des résultats de l’activité économique principalement en fonction du travail apporté, du service rendu ou de l’activité effectuée avec la structure et à la perpétuation de l’objet social de l’organisme ;
  • promotion de la solidarité interne à l’organisme et avec la société (cohésion sociale, développement local, insertion, promotion d’emploi stable et de qualité…) ; 
  • indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics.

Quel périmètre et quelle représentation ?

Les articles 5 et 6 précisent ces quatre grands principes généraux en listant les organismes faisant partie de l’économie sociale. A côté des coopératives, des mutuelles, des fondations et des associations « menant à bien une activité économique », figurent ainsi les « entreprises d’ insertion, les centres spéciaux d’emploi, les confréries de pêcheurs, les sociétés agricoles de transformation et les organismes singuliers » répondant aux principes de l’article 4 et tels qu’ils seront recensés par le ministère le Travail et de l’Immigration dans un travail à venir sur proposition d’un futur Conseil pour la promotion de l’économie sociale.

De même que le rapport Vercamer remet aux acteurs du secteur et à leurs représentants le soin de se mettre d’accord sur le choix d’un ou deux labels « économie sociale », « entreprise sociale » (lire Recma, nos 314 et 317), le présent projet de loi renvoie à plus tard l’élaboration d’un « catalogue des entreprises sociales » par les institutions représentatives de l’ES espagnole. La question du périmètre reste donc ouverte. L’enjeu est d’autant plus saillant que les articles 7 à 9 présentent les missions ainsi que les modalités d’organisation de la représentation du secteur auprès des pouvoirs publics. Un Conseil pour la promotion de l’économie sociale, qui « agira comme un organe de collaboration, de coordination et de dialogue de l’économie sociale auprès de l’administration générale de l’Etat », sera ainsi créé. Il aura notamment pour tâche de proposer au ministère du Travail et de l’Immigration, qui reste l’interlocuteur gouvernemental, un « catalogue des entreprises sociales ». On le voit, si deux ans de travail ont été nécessaires pour rédiger cette loi, toutes les difficultés ne sont pas encore surmontées. A plus forte raison que l’article 7 prévoit des modalités de représentation intermédiaire des confédérations intersectorielles « regroupant majoritairement des organismes d’économie sociale » auprès des différentes instances publiques. 

Avec ce texte néanmoins, l’ES espagnole prend sans conteste une longueur d’avance sur son homologue hexagonale. Ici, un substantiel rapport parlementaire attend toujours une traduction dans les politiques publiques ; là-bas, l’article 8.2 du projet de loi fixe notamment comme objectifs aux pouvoirs publics de faire tomber « les obstacles qui empêchent la mise en oeuvre et le développement d’une activité économique des organismes de l’économie sociale ; [de] promouvoir les principes et les valeurs de l’économie sociale ; [et de] favoriser la formation et la réadaptation professionnelles dans le cadre des organismes de l’économie sociale ». Les Etats généraux de l’ESS parviendront-ils en un an à un résultat semblable ?

Jordane Legleye

Lire le projet de loi

Lire la loi du 30 mars 2011