Éducation Populaire. Nouvel eldorado des start-up sociales

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André Decamp, préface de Hugues Bazin, Postface d’Alain Fourest. Éditions Libre & Solidaire, 320 pages

Cet ouvrage a un titre attirant, hélas son contenu ne correspond guère à celui-ci. Au fil des cinq parties inégales de ce livre, l’auteur traite parfois de l’éducation populaire définie en extension par énonciation des organisations regroupées (p 25 et 92), mais aussi des centres sociaux, une de ses composantes, un domaine où André Decamp a dirigé un établissement pendant quinze ans. Très souvent, l’ouvrage dérive vers le secteur médico-social, notamment avec un commentaire répétitif de la loi 2002-2, ou même il étend son analyse à l’ensemble du secteur associatif, voire de l’économie sociale et solidaire. Quant aux start-up sociales, elles ne sont traitées que dans les pages 102-108 relatives au Mouves, puis dans les pages 133-147 qui montrent que les jeunes pousses les plus récentes relèvent plus de la santé, de l’action sociale ou de la transition écologique que de l’éducation populaire. Ces courts passages sont parmi les plus intéressants de l’ouvrage. Mais les titres aguicheurs sont souvent suggérés par l’éditeur, on le sait ! Passons donc au contenu assez brouillon de ce livre.
Première partie Intitulée « Les fédérations des centres sociaux à l’épreuve du managérialisme », elle démarre par une inflation de citations longues et de qualité inégale, travers que l’on retrouvera tout au long des cinq parties. La méthodologie d’une enquête par entretiens des directeurs de centres sociaux portant sur leur recours au financement européen est ensuite exposée, alors que ses résultats ne sont exploités que dans la quatrième partie. La dépendance des centres sociaux à l’égard de la Caisse d’allocations familiales (CAF) est alors soulignée, puisque c’est cette  caisse qui labellise les centres sociaux. Puis on passe à un historique de ces organisations qui peuvent être de statut associatif ou municipal. Pour l’auteur, l’âge d’or se situe dans les années d’après-guerre, sous la tutelle et l’agrément de l’État, avec un financement par subventions essentiellement ; les classes populaires et moyennes demandent alors des équipements de proximité et périscolaires, et le professionnalisme des travailleurs sociaux évince progressivement le militantisme initial. Puis la décentralisation fait passer tutelle et agrément au niveau des collectivités locales. Curieusement, une carte présentant le réseau des centres sociaux actuels est insérée dans cet historique (p. 80), non dépourvu de flash-back également, et l’absence de dates ne facilite pas sa lecture.
Deuxième partie Elle traite du « modèle socio-économique des fédérations de centres sociaux » et remarque que, depuis quarante ans, s’élabore une recomposition de l’État dans son rapport au secteur non lucratif ; on passe de la confiance à la méfiance. En revanche, on assiste à la « fin de la rivalité entre éducation populaire et ESS ». Le rapport de l’auteur à l’ESS est ambigu, car il ne considère pas généralement que l’éducation populaire fait partie de l’ESS, bien qu’à d’autres passages, il admette cette inclusion. On pense que cette phrase étrange fait plutôt référence à la rivalité entre organisations d’inspiration chrétienne, comme les centres sociaux,  et organisations d’inspiration laïque. Dans cet environnement, l’entrepreneuriat social, défini comme la suite de  William Morris, Ashoka et la Social Enterprise Initiative de Harvard, arrive en France dans les années 1990 et part à la conquête de l’ESS et de l’éducation populaire. Après un historique confus et parfois erroné de l’ESS, en dépit de bonnes lectures (T. Duverger, notamment), l’auteur affirme (p. 100) que « l’ESS est remplacée par le Mouves ». Cependant, l’analyse du Mouves et de la composition sociologique de ses conseils d’administration successifs (p. 100-109) est éclairante, et la controverse dans les colonnes de la RECMA en 2010 entre J-F Draperi et H. Sibille est bien retracée et vue comme une opposition entre orthodoxes et hérétiques de l’ESS. S’ensuit un long développement sur la marchandisation de l’éducation populaire, vue comme une modification de son modèle  socio-économique initial démontré par l’évolution du financement du secteur associatif (V. Tchernonog), alors que le schéma de la page 126 montre que les ressources des centres sociaux relèvent encore actuellement à 79 % de financements publics variés, collectivités locales et CAF principalement, et que la participation des usagers n’est que de 11 %. La marchandisation est due aussi à la concurrence des start-up sociales, de la French Tech, de la start-up nation, de la recherche de l’impact social, et cause la souffrance sociale parmi les professionnels de l’éducation populaire.
Troisième partie Intitulée « Les têtes de réseau, vecteur d’influence de la financiarisation », elle s’intéresse plutôt aux outils de gestion préconisés par les têtes de réseau de l’éducation populaire. La financiarisation n’est pas définie et souvent confondue avec la digitalisation, et se propagerait via les modèles socio-économiques et autres dispositifs proposés. Les pages 192 à 198  traitent des subventions face au droit communautaire et distinguent utilement SIG, SSIG, SIEG, SNEIG... ; ce passage intéressant aurait dû être placé  dans la partie suivante. Alors que l’on attendait une recension précise des outils de gestion utilisés dans l’éducation populaire, cette partie comporte beaucoup de redites sur l’historique, sur le managérialisme, l’isomorphisme, la distinction entre pouvoir d’agir et puissance d’agir, l’évolution de l’assujetti, vers l’usager puis le client… On se demande d’ailleurs si un client n’a pas plus de pouvoir d’agir qu’un assujetti ! Quatrième partie Celle-ci a pour titre « Le tiers secteur et les modèles socio-économiques en Europe ». Après un survol très approximatif, en dépit de bonnes références, de ce thème dont on ne voit pas trop le lien avec ce qui précède, André Decamp traite de l’influence de l’Union européenne sur les politiques publiques et résume, dans un passage important (p. 243-260), l’influence du droit communautaire sur les divers types de services publics. La fin de ce chapitre met bout à bout de longs verbatims de l’enquête, qui nous apprennent d’une part que les centres sociaux sont peu impactés par les marchés publics et autres appels d’offres, et d’autre part qu’ils ne recourent pas aux financements européens !
Cinquième partie Avec son titre « Quelles voies possibles pour un renouveau », qui tient en moins de dix pages, cette partie montre cependant que du côté des CEMEA et de la Ligue de l’Enseignement, des innovations transnationales destinées à la jeunesse ont été construites avec leurs homologues étrangers. La conclusion est également très brève.
En conclusion de cette recension, puisque la quatrième de couverture signale qu’André Decamp prépare une thèse de doctorat de l’Université libre de Bruxelles, on remarque que cet ouvrage contient des développements intéressants fondés sur l’expérience de l’auteur, mais qui sont desservis par un trop grand nombre de citations ou de verbatims issus de l’enquête, beaucoup trop longs, qui diluent complétement l’argumentation de l’auteur. Celle-ci semble parfois se résumer au regret de l’âge d’or et à l’anathème du grand Satan, alternativement : le managérialisme, le « New Public Management », l’entreprise sociale, l’économie, les outils de gestion, le modèle socio-économique, le droit européen... Il semble que l’auteur a mis souvent bout à bout les très nombreuses notes de lectures préparatoires à sa future thèse, parfois contradictoires, et qu’il reprend aussi ses propres articles sans mise à jour.
Enfin, ce livre se place toujours du côté de l’offre de services par les centres sociaux, sans considération pour la demande des ménages et son évolution. Il manque manifestement une réflexion sur l’évolution des publics auxquels s’adressent les centres sociaux à une époque où les cadres deviennent plus nombreux que les ouvriers,  et où la jeunesse est née avec le digital. La redevabilité des associations à l’égard de l’argent public reçu exige aussi que leur efficacité et leur efficience soient supérieures à celles du même service rendu par le secteur public ou par des entreprises lucratives.

Edith Archambault