Economie sociale et solidaire : Encourager d’autres formes de propriété
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Un article de Claire Mazin, du Front de Gauche, le 19 octobre 2011
Le capitalisme ou l’étatisme : c’est l’alternative simpliste qu’on nous présente comme la seule possible. Selon les belles personnes, l’entreprise capitaliste privée est le modèle unique, et le contester c’est forcément proposer une économie étatiste, avec tous les sous-entendus faisant référence au bloc de l’Est qui vont avec.
Selon les néolibéraux, l’économie ne pourrait relever que de l’un ou de l’autre des systèmes, il n’y aurait pas de troisième solution.
Eh bien au Front de Gauche on pense qu’une troisième forme de propriété non seulement existe mais qu’il est nécessaire de la soutenir pour bifurquer vers une économie mixte.
Face à l’intégrisme de marché qui règne aujourd’hui au niveau européen, il faut résister au dogme de la concurrence libre et non faussée en offrant la possibilité de faire autrement. En parallèle, il est vital de contredire l’idée selon laquelle l’Etat est bureaucratique et entrave l’activité du secteur concurrentiel, qui rassemblerait les entreprises de toute sorte et les associations dans le même sac.
Produire autrement, en impliquant les salariés
Cette forme de propriété est portée par les acteurs de l’économie sociale et solidaire. En dehors de la propriété publique (dont il faudra agrandir largement le périmètre, notamment par la création et la sanctuarisation de services publics) et de la propriété privée capitaliste, ils font vivre la propriété collective.
C’est le propre de l’économie sociale et solidaire, au delà des différents acteurs qui la composent et des différentes formes qu’elle prend, que de mettre en œuvre un nouveau rapport de propriété entre les travailleurs et l’entreprise. En effet, son statut oblige à une gestion démocratique de l’entreprise.
Les outils de travail constituent un patrimoine collectif qui est à la fois non cessible et non vendable. L’entreprise est également une personne morale de plein exercice. L’enjeu central dans cette forme de propriété est la place des salariés dans l’entreprise. Ils sont tous propriétaires, ensemble, de l’entreprise et ils décident, ensemble, de l’orientation à donner à son activité. Ils ne subissent donc pas les conséquences des décisions prises par quelques uns dans l’entre soi d’un bureau, mais sont bien partie prenante de leur activité. Cela participe de la réappropriation de la vie de l’entreprise et de ses objectifs par les salariés.
Trop souvent considérée comme un supplétif des politiques publiques, parce qu’elle investit les champs de l’action sociale et de l’insertion, l’économie sociale et solidaire porte pourtant en elle la possibilité d’un réel bouleversement des rapports de pouvoir dans l’entreprise. En effet, l’exemple de ses réussites est un bon point d’appui pour modifier et faire évoluer le droit des salariés dans l’entreprise.
C’est bien la question du statut de l’économie sociale et solidaire qui lui donne tout son sens. En effet, elle développe une autre logique, dans sa manière de produire, par la finalité de sa production et par l’organisation de la démocratie au sein de l’entreprise. Ce statut la distingue du retour de la philanthropie et de la vague de l’entreprenariat social. Ces dernières ne mettent pas à mal les fondamentaux de la répartition de la richesse et du pouvoir dans la société. Elles s’intègrent dans le système capitalisme et s’associent à la règle de la concurrence. De fait, elles cherchent à dégager de l’argent pour le réinvestir dans l’action sociale pour les premières, ou à faire de l’argent de façon « éthique » pour les secondes. Cela s’apparente plus à de la charité et de la bonne conscience, bien loin de la bifurcation vers une autre forme de production et un autre régime de la propriété.
L’économie sociale et solidaire est également actrice d’une économie plus durable, parce qu’au service des besoins sur le territoire et non pas à la merci des cours de la Bourse. De plus, elle porte la logique de relocalisation des activités sur le territoire, au plus proche des citoyens.
Pour encourager concrètement cette autre forme de propriété que représente l’économie sociale et solidaire, un gouvernement du Front de Gauche pourra prendre différentes mesures.
D’abord, une loi cadre sur l’économie sociale et solidaire sera adoptée qui inscrira les finalités sociales et environnementales des entreprises et des associations qui se réfèrent à ce statut. De même elle introduira l’obligation d’un fonctionnement démocratique des sociétés qui s’inscrivent dans la démarche de l’économie sociale et solidaire.
Dans le même temps, les premières étapes d’un bouleversement du système de décision dans toutes les entreprises seront posées, pour redonner du pouvoir aux salariés, en prenant exemple sur l’économie sociale et solidaire. Cette loi-cadre encouragera aussi la relocalisation de l’économie et la propriété sociale des moyens de production.
Ensuite, les pouvoirs publics pourront soutenir les acteurs de l’économie sociale et solidaires. Cela pourra se faire en accordant une aide financière aux salariés qui reprennent ou créent leurs entreprises sous forme de coopérative ou en favorisant la création de SCOP (sociétés coopératives et participatives) qui mettent en avant la participation des salariés, par une organisation démocratique.
Pour associer les pouvoirs publics et notamment les collectivités territoriales aux démarches menées par ces coopératives, la création de sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) sera utilisée. Ces structures permettent de rassembler les salariés, les usagers et les collectivités territoriales pour réfléchir à une nouvelle forme de développement local, avec des objectifs sociaux et écologiques exigeants.
Un gouvernement Front de Gauche demandera également l’« opt out » au niveau européen pour ne pas appliquer les directives qui nient le statut particulier des associations et les soumettent à la concurrence des marchés. Il négociera avec les autres Etats l’élaboration d’un statut protecteur pour les associations et la reconnaissance de la spécificité de l’économie sociale et solidaire.
Enfin les pouvoirs publics pourront travailler en partenariat avec les sociétés qui portent ce modèle économique. La modification du Code des marchés publics les obligera à conclure un pourcentage important, défini, de leurs marchés publics avec des sociétés coopératives ou des associations, pour valoriser les circuits courts et ainsi la « commande publique responsable ». Les conseils régionaux, qui ont pour compétence le soutien au développement économique, auront l’obligation d’introduire des critères, sociaux et écologiques, pour l’octroi des aides aux entreprises.
Toutes ces mesures soutiendront les acteurs de l’économie sociale et solidaire et permettront de bifurquer vers un autre modèle économique, où la concurrence libre et non faussée est remplacée par la solidarité et où la propriété sociale collective prend le pas sur la propriété privée.
[pour mémoire, voir comment le PCF du temps du programme commun distinguait "nationalisation" d'"etatisation", Jordane Legleye]
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