A défaut de ministère, l'ESS à l'éduction et dans l'enseignement supérieur?
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La loi cadre ESS devrait être discutée à l'Assemblée fin avril, mais ce sera sans ministre pour la défendre. Benoît Hamon a en effet quitté sa délégation ESS à Bercy pour un vrai siège de ministère à l'éducation et à l'enseignement supérieur. Juste avant de partir, le 31 mars, Hamon signait un accord cadre de coopération entre le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le ministère délégué à l’ESS, la Conférence des présidents d'universités et la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (Cedefi) et les acteurs du secteur (CoopFr, Conseil des entreprises, employeurs et groupements de l’économie sociale – Ceges ; et l’Esper – l’Economie sociale partenaire de l’école de la République).
Il s’agit du pendant de l’accord signé le 13 juin 2013 qui concernait l’enseignement économique et social dans le secondaire. L’accord cadre sur le supérieur tend également à rapprocher l’ESS du monde de l’enseignement, avec la particularité d’insister sur les actions de formation tout au long de la vie, les formations en alternance et l’information des étudiants en matière d’insertion professionnelle.
Les acteurs se mobilisent donc pour introduire le fait coopératif dans l’enseignement primaire, secondaire et le supérieur. L’Addes, association pour le développement de la documentation sur l’économie sociale, travaille ainsi à un guide « ESS » pour le compte de la Conférence permanente des universités (CPU), à destination des enseignants en économie et des étudiants.
Ces initiatives par en bas sont essentielles pour la reconnaissance du secteur, en témoigne la réapparition, suite à la mobilisation des responsables de master, la réapparition de la mention "ESS" dans la nomenclature des masters, mais non des licences, alors qu’elle avait disparue d’un premier projet d’arrêté en octobre 2013 (arrêté du 4 février).
Toutefois, ces nécessaires appels à la « sensibilisation à des modèles économiques différents » ne changent rien au fait que pour le moment le Conseil national des Universités (CNU), qui se prononce sur la qualification, le recrutement et la carrière des enseignants-chercheurs, refuse de reconnaître académiquement une autre économie différente de celle majoritairement enseignée aujourd’hui, autrement dit une discipline économique ouverte sur la société. C’est notamment le combat de l’Afep.
Économie politique et démocratie
Depuis sa création en septembre 2010, l’Association française d’économie politique présidée par André Orléan œuvre à la reconnaissance du pluralisme en économie, positionnement qui a des implications très concrètes pour les enseignants-chercheurs. Ainsi l’association recommande ainsi à ses membres siégeant dans les comités de sélection des maîtres de conférences (MCF) de défendre quelques principes qui ne peuvent laisser indifférents les auteurs de la Recma : « la qualité des candidats doit être jugée en prenant en compte l’ensemble des travaux apparaissant dans le CV. En d’autres termes, la prise en compte des articles scientifiques publiés dans des revues à comité de lecture ne doit pas occulter les autres formes possibles de publication des travaux ou de valorisation de la recherche ; si les comités de sélection s’accordent sur la prise en compte d’une liste de revues, celle-ci devra être utilisée « à plat » (sans hiérarchie des revues). La liste Econlit peut être mobilisée à cet effet. La qualité d’un article ne peut se réduire à la réputation d’une revue, surtout quand cette réputation est construite sur la bibliométrie. Les membres des comités de sélection ne sauraient se satisfaire d’effectuer une simple addition de points obtenus par les différents candidats à partir de la lecture des CV. »
L’Afep dénonçait en octobre 2013 la composition de la « Commission Hautcœur », du nom de président de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Pierre-Cyrille Hautcœur, mandaté par la ministre de l’enseignement supérieur pour réfléchir à l’avenir de la science économique en France. La dite commission théoriquement « représentative des différents courants de pensée » ne comprend en effet aucun économiste issu des principaux courants de l’hétérodoxie (conventionnaliste, régulationniste, marxiste, post-keynésien, socio-économiste, etc.), même si une personnalité comme Philippe Frémeaux, sensible à l’ESS et à la Recma, y figure.
Le 13 mars 2014, l’association organisait donc à l’assemblée nationale « Une analyse factuelle de la fin programmée du pluralisme intellectuel en économie : Quelles solutions?». 200 participants sont venus écouter et débattre avec André Orléan, Florence Jany-Catrice (Lille 1) et Olivier Favereau (Paris X-Nanterre), manifestant ainsi tout l’intérêt de « redonner vie au pluralisme » dans l’enseignement et la recherche économique. Le succès de la manifestation laisse penser que la création d’une nouvelle section au CNU « est à portée de main » si la mobilisation se poursuit. L’association organise donc son 4e congrès à Paris les 2 et 4 juillet sur le thème « Économie politique et démocratie » : « La gestion de la crise européenne a fait apparaître combien l’expertise économique officielle se présente comme la seule légitime et à même de proposer des solutions, se substituant ainsi à la communauté politique et donc à la construction démocratique de l’intérêt général. Ajoutés aux politiques monétaires et budgétaires, ce sont tous les instruments par lesquels les décisions politiques orientent le développement économique d’un pays, l’innovation et la répartition des richesses qui passent désormais aux mains de présumés spécialistes. »
Jordane Legleye
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