Coopérer pour consommer autrement

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Jean-François Draperi, Presses de l’économie sociale/Fédération nationale des coopératives de consommateurs, 2017, 85 pages

La question de la consommation a toujours été importante, mais elle l’est plus que jamais aujourd’hui. En effet, elle nous concerne tous. Dans notre présent d’abord, à travers notre vie quotidienne, mais aussi dans le futur plus incertain de ce qui touche à notre santé. Enfin, elle représente également un enjeu pour les générations à venir, car elle a partie liée avec la défense de l’environnement : comme on le voit tous les jours, cette question est aussi urgente que fondamentale. La préservation de la santé et la sauvegarde de l’environnement ne seront possibles que si la consommation quotidienne représente un coût supportable pour la majorité de la population. Aussi, comme le développe très bien Jean-François Draperi, une bonne consommation doit conjuguer la qualité des produits et un prix raisonnable.

Ces préoccupations ne sont certes pas nouvelles. Depuis bientôt deux siècles, des hommes – on en connaît un certain nombre – et des femmes – leur histoire reste à écrire pour la majorité d’entre elles – ont cherché à répondre à ce double défi à travers leur action au sein du mouvement coopératif de consommation. L’histoire de ce dernier s’organise en cinq grandes périodes. Des années 1830 au début du XXe siècle, un grand nombre de coopératives sont constituées, mais elles restent dispersées, émiettées. Puis la Fédération nationale des coopératives de consommation (FNCC), fondée en 1912, commence à les regrouper.
Passé la Grande Guerre, la FNCC poursuit sa progression. Elle contribue à unifier le mouvement coopératif tout en défendant un projet de République coopérative. Elle se donne d’ailleurs un outil en ce sens en mettant en place sa propre banque.
La coopération de consommation connaît alors son heure de gloire, car elle est reconnue par de nombreux h mmes politiques ainsi que par l’élite intellectuelle du pays. Au lendemain de la Première Guerre mondiale sont fondées la Revue des études coopératives (l’ancêtre de la Recma), les Presses universitaires de France (sous la forme d’une coopérative de consommation) et l’Office central de la coopération à l’école. La coopération de consommation n’en rencontre pas moins des difficultés en raison du contexte de crise des années 1930.

Une coopération avec une vision de l’intérêt général
Passé les années sombres de la Seconde Guerre mondiale, la coopération de consommation reprend de l’ampleur en France avec plus de trois millions d’adhérents et une réussite économique certaine. Elle a aussi désormais une dimension internationale par le biais de l’Alliance coopérative internationale. Elle se veut au service de la société et défend une vision de l’intérêt général. Sa dimension alternative perdure à travers l’idée qu’elle est à la fois aiguillon et complémentaire de l’État républicain. Mais elle perd peu à peu tous ses appuis politiques et, victime de son succès, ne voit pas venir la grave crise qui manque de l’abattre en 1985-1986. Cette crise ne touche d’ailleurs pas seulement le mouvement en France, elle se manifeste également dans bien d’autres pays. Toutefois, les coopérateurs français arrivent à la surmonter, et, sous des formes nouvelles telles que le commerce équitable, ils prennent un nouveau départ. Enfin, ils participent à l’essor de l’économie sociale puis de l’économie sociale et solidaire (ESS), qui prend son envol à la fin des années 1970.
Il n’était pas possible à Jean-François Draperi d’aborder tous les aspects de l’histoire de la coopération de consommation, qu’à la suite d’André Gueslin j’ai également traitée (André Gueslin, L’Invention de l’économie sociale. Idées, pratiques et imaginaires coopératifs et mutualistes dans la France du XIX e siècle, Paris, Economica, 1987 (réédition augmentée, 1998). Michel Dreyfus, Histoire de l’économie sociale. De la Grande Guerre à nos jours, Presses universitaires de Rennes, 2017.). Nées au début du XIXe , les coopératives de consommation poursuivent leur action jusqu’à nos jours. Elles n’ont subi que deux crises : la faillite de la Banque des coopératives de France en 1934, puis la déconfiture de la FNCC en 1986.
La première a été rapidement surmontée, la seconde laisse davantage de traces. Hormis ces deux épisodes, elles ont su traverser le XX e siècle en montrant leur capacité à s’adapter aux mutations de la société française : en majorité rural en 1914, le pays ne compte plus que 4 % d’agriculteurs aujourd’hui. C’est pourquoi les coopératives sont actuellement implantées, pour l’essentiel, en milieu urbain.

Des proximités multiples avec syndicats et partis politiques
Des épisodes méconnus de cette histoire subsistent, notamment depuis la Grande Guerre ; il sera possible de remédier à cette lacune, notamment à partir des archives de la FNCC, conservées pour la période postérieure à la Libération au Cedias -Musée social. De même, nous ne savons que peu de chose sur les dirigeants de la coopération de consommation ainsi que sur sa base sociale– même si Jean-François Draperi fournit des éléments très intéressants à ce sujet. La coopération de consommation est proche de la SFIO et de la CGT confédérée jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, mais elle s’organise sur la base de principes et de pratiques culturelles qui lui sont propres : elle affirme ainsi son identité spécifique. Son poids économique reste également à définir, même si, là encore, Jean-François Draperi, apporte de nombreux éléments. On le sait, la coopération de consommation représente une puissance financière dès la constitution de la FNCC en 1912. Elle ne cesse ensuite de se renforcer de la Grande Guerre aux Trente Glorieuses, avant la crise de 1985-1986. Le politique y a occupé, quoi qu’en disent ses dirigeants, une place considérable.
La coopération de consommation s’est déclinée sous des formes chrétiennes, libérales, radicales et socialistes au XIX e siècle, avant que sa majorité ne s’unifie au sein de la FNCC, proche de la SFIO, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Des liens existent également avec le Parti radical. Mais la FNCC est peu à peu délaissée par la SFIO à partir de la Libération, puis plus encore par le nouveau Parti socialiste à partir de 1971. Enfin, l’influence communiste y a toujours été limitée : pas plus de 5 % des forces du mouvement, avant d’en disparaître en 1936. Les clivages intellectuels constituent également un facteur important de son histoire. Très forte avant la Grande Guerre dans le mouvement coopératif, la franc-maçonnerie le reste jusqu’aux débuts de la V e République, mais avec moins d’influence. Il faut enfin compter avec l’Alliance coopérative internationale, fondée en 1895 et qui ne cessera dès lors d’aider le mouvement coopératif français.

Deux conclusions se dégagent du livre de Jean-François Draperi. Tout d’abord, la coopération de consommation a une longue histoire dont bien des épisodes restent à écrire. Ensuite, elle connaît aujourd’hui dans notre pays un dynamisme très fort qui donne quelques motifs d’espérance dans notre monde actuel si incertain.

Michel Dreyfus