Colloque "Les Communs environnementaux. Approches historiques, France et Empire colonial français, XVIIe-XXe siècle". Paris, 14-15 nov. 2016.
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Les Communs environnementaux sont les formes d’organisation grâce auxquelles les communautés gouvernent leurs environnements et leurs ressources via des formes de propriété collective : pâturages et forêts, zones humides et landes, cours d’eau et systèmes irrigués, champs et jardins, pêcheries, estran, gisements de matériaux et de combustibles… Ces systèmes sont gérés par leurs ayant-droit, et mêlent souvent propriété pleinement commune et droits d’usage collectifs.
Ils ont suscité depuis longtemps un fort intérêt en histoire. Ce sont avant tout les biens communaux des communautés rurales européennes, et les enclosures qui les visent depuis l’époque moderne, qui ont focalisé l’attention (Thompson(91), Neeson(93), Vivier(98)). Ceci s’explique par l’importance d’un processus décrit comme une condition historique d’essor du capitalisme. Ces travaux ont permis des avancées décisives à notre connaissance des Communs environnementaux, dont les communaux sont une déclinaison particulière. Une tendance plus récente a aussi mis l’accent sur les rationalités productives et communautaires sous-tendant ces derniers, dans une approche comparatiste (Congost&Santos(10), Béaur et al.(13)).
Depuis une vingtaine d’années, une communauté pluridisciplinaire s’est par ailleurs structurée, à l’échelle internationale, autour de l’étude des Communs en tant qu’institutions de gouvernement des ressources matérielles et immatérielles. Elinor Ostrom est la figure de proue de ce courant qui mêle économistes, anthropologues, politistes et historiens, dans une approche sous forte influence des cadrages des sciences politiques (Ostrom(90)). L’accent y est mis sur les systèmes de règles qui sous-tendent les Communs, leur assurant efficacité et durabilité. Appliquée aux Communs environnementaux, cette approche bat en brèche la soi-disant “tragédie des communs” censée démontrer l’incompatibilité entre propriété commune et soutenabilité écologique (Hardin(68)).
Elle suscite un vif intérêt chez les historiens, qui la mobilise de plus en plus pour analyser les Communs environnementaux et leurs évolutions de long terme (De Moor(15)). Ceci constitue un apport précieux à l’analyse historique, en deux sens. (1) D’abord en déplaçant la focale sur le fonctionnement concret des Communs : sur leurs règles d’usage, de surveillance et sanction, dans leurs liens à la matérialité physique et écologique des environnements. La permanence -plutôt que la dissolution- des Communs est ici placée au cœur du questionnement. (2) Ensuite en promouvant un cadre théorique général, ouvrant à un décloisonnement spatial et temporel des analyses et des comparaisons.
Nous profitons aujourd’hui de tous ces apports. Mais les évolutions récentes ont aussi suscité un ensemble de limitations analytiques, qui viennent brider notre compréhension historique des Communs environnementaux. (1) D’abord avec des études qui, en se focalisant sur l’anatomie interne aux Communs, tendent parfois à sous-estimer tout ce que leur émergence, leur évolution et leur fonctionnement intime doit aux interactions complexes entre communautés, État, acteurs politiques et commerciaux. (2) Puis avec une insistance à souligner, à rebours de la “tragédie des communs”, la réussite, la durabilité, l’efficacité des Communs : d’où notre faible connaissance, enclosures mises à part, des cas de dislocation, d’échec, de perte d’influence de ces formes d’organisation collective. (3) Ensuite avec la rémanence d’une vision romantique des Communs, qui surestime leur degré d’harmonie sociale et/ou le caractère écologiquement adapté de leurs modes de fonctionnement. (4) Enfin, a contrario, avec un déficit d’études empiriques sur les formes de réflexivité environnementale qui ont pu sous-tendre leurs pratiques de gouvernement des ressources. C’est-à-dire les conceptions, historiquement situées, de leurs acteurs en termes d’économie de la nature, d’impact de l’homme sur les écosystèmes, d’inscription des collectifs humains dans le temps.
Ce colloque, consacré à l’histoire des Communs environnementaux, en France et dans l’Empire colonial français, entre XVIIe et XXe siècles, se donne trois objectifs majeurs.
(1) Rassembler et faire dialoguer les recherches menées aujourd’hui sur ce thème, à l’échelle internationale, selon une pluralité de grilles d’analyse. Des travaux qui sont le fait d’historiens venus de l’histoire rurale, économique, politique, environnementale ; d’historiens du droit ; d’anthropologues, de sociologues, de politistes engagés dans l’analyse historique de leurs objets d’étude.
(2) Chercher à identifier et à dépasser les limitations analytiques propres à notre compréhension historique des Communs environnementaux -et dont nous venons de dresser un premier inventaire, provisoire et non-exhaustif.
(3) Contribuer à un chantier historiographique de première importance, en catalysant et se faisant l’écho des recherches, à peine émergentes (Greer(12)), portant sur les trajectoires historiques des Communs dans l’Empire colonial français.
Le choix d’un champ d’analyse vaste mais circonscrit (la France et l’Empire colonial français) correspond à la volonté : (1) de privilégier, plutôt que des comparaisons structurales, une analyse des processus historiques concrets d’évolution des Communs environnementaux, dans un cadre de plus en plus marqué (en métropole) par la prégnance de l’acteur étatique (2) d’étendre notre connaissance, très lacunaire, de l’histoire de ces formes sociales dans les différents contextes de l’Empire français, dans une approche attentive notamment : aux circulations entre ces contextes et avec la métropole ; aux Communs des colons mais aussi aux Communs autochtones en situation coloniale.
Les propositions développant, sur cette base, des approches historiques comparatistes et/ou connectées sont encouragées.
Parmi les questionnements abordés dans ce colloque, on peut citer, sans exclusive :
*Les Communs comme institutions : structure et évolution du groupe des ayant-droits ; règles d’usage, de surveillance et sanction ; dynamiques institutionnelles ; l’oral et l’écrit dans le fonctionnement des Communs
*Communs et environnement : adaptation et co-évolution socio-écologiques ; usages durables ou destructeurs des ressources ; réflexivité environnementale et Communs ; Communs et prise en compte/perception des temporalités ; effets écologiques des enclosures ; “enclosures de la conservation”
*Communs et Empire : Communs des colons et/ou des colonisés (genèse ; dislocation ; adaptation ; interaction ; hybridation) ; Droit français, Droit colonial et Droit non-occidental (Droit islamique par exemple) dans leur rapport aux Communs
*Communs et risques : Les Communs comme mécanismes de mitigation des risques écologiques, sociaux, économiques ; ou au contraire comme facteurs de vulnérabilité
*Communs et pauvreté : mécanismes de survie, critères de justice, économie morale populaire
*Communs et (in)égalités : stratification interne et contraction/élargissement du groupe des ayant-droits ; accaparement ; exclus du Commun et critères d’exclusion (pauvres, étrangers, indigènes, catégorisations raciales)
*Communs et violence : les Communs comme mécanismes de minimisation des conflits et de la violence intra et/ou inter-communautaire ; la violence dans le fonctionnement des Communs ; violence et résistance aux enclosures
*Communs et savoirs : théories, doctrines et thèses historiques traitant des Communs
*Communs et Droit : les Communs dans les arènes judiciaires ; les Communs comme juridictions ; savoirs, théories et techniques juridiques traitant des Communs
*Communs et États : interactions, arrangements institutionnels, co-évolutions ; tutelles étatiques directes ou indirectes ; enclosures ; Communs et fiscalité ; protection par les États et gouvernement étatique par les Communs
*Communs et pouvoir communal : histoire croisée
*Communs et marchés : produire pour soi, produire pour le marché ; enclosures privatives ; Communs, monétarisation et ethos marchand
*Interactions entre Communs : frontières ; coopération ; conflits ; circulation des acteurs, des ressources, des productions, des modes de fonctionnement
*Communs et sources non-écrites : histoire orale ; histoire visuelle ; sources archéologiques
Le colloque se tiendra les 14 et 15 novembre 2016, à l’EHESS 190-198 avenue de France 75013 Paris.
Il se déroulera en français et en anglais, selon le principe de l’intercompréhension (“chacun dans sa langue”).
Les propositions de communication (en français ou en anglais) sont à soumettre par courrier électronique à l’adresse : conference.history.commons (@) gmail.com, avant la date limite du : 1er juillet 2016.
Chaque proposition devra inclure : le nom, prénom et courriel du conférencier ; un CV d’une page max. ; un titre et un texte de proposition de 600 mots max. Les intervenants retenus verront leurs frais de déplacement et de logement pris en charge.
Les réponses aux propositions seront envoyées avant le 15 juillet 2016.
Retrouvez toutes les informations, en anglais et en français, sur le site de GOVENPRO.
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