Au programme de l’école d’été du réseau Émes : les méthodes de recherche sur l’entreprise sociale

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La sixième école d’été du réseau Émes (Émergence des entreprises sociales), organisée en partenariat avec le Lest-CNRS (Laboratoire d’économie et de sociologie du travail) et AMU (Aix-Marseille Université), a eu lieu à Carry-le-Rouet, près de Marseille, du 19 au 22 juin 2018. Elle s’inscrit dans la continuité des écoles d’été organisées précédemment avec succès par le réseau Émes : Université de Corte, Corse, 2008 ; Roskilde University, Danemark, 2010 ; Université de Trente, Italie, 2012 ; West University of Timisoara, Roumanie, 2014 ; Glasgow Caledonian University, en partenariat avec le Yunus Centre for Social Business and Health, Écosse, 2016.
Cette initiative cherche à élargir la communauté de chercheurs à l’échelle internationale pour travailler sur l’entreprise sociale, renforcer le dialogue interdisciplinaire et mettre en débat les avancées. Elle s’adresse à des doctorants comme à des chercheurs débutants ou confirmés dans des disciplines telles que la sociologie, la gestion, l’économie, les sciences politiques, l’anthropologie, le droit, etc. Le travail s’organise autour de conférences de chercheurs, d’ateliers pour les doctorants, et de temps informels d’échanges. Au-delà de l’engagement des trois partenaires fondateurs, cette sixième édition avait fait l’objet d’un co-financement par le programme européen Cost (Coopération en sciences et technologies) Empower-SE et d’une aide complémentaire de l’Institut CDC (Caisse des dépôts et consignations) pour la recherche et de la MGEN (Mutuelle générale de l’Éducation nationale).
Durant quatre jours, l’école a accueilli plus de soixante participants en résidence (en comptant l’équipe organisatrice du Lest), dont près de quarante doctorants et jeunes chercheurs. Les participants (représentant près de trente nationalités) ont largement apprécié le lieu, situé en bord de mer, et souligné le bien-fondé et l’intérêt de cette école sur des questions essentielles en matière de recherche et de transfert de connaissances.
Le thème de cette année était « Entreprises sociales et méthodes de recherche : méthodes qualitatives, mixtes et comparaisons internationales ». Le développement récent et rapide des entreprises sociales pose en effet une série de questions tant aux chercheurs qu’aux doctorants. Comment appréhender leur hétérogénéité et établir des comparaisons internationales ? Comment tirer des enseignements des ifférentes études de cas et avancer en direction d’un début de généralisation ? Comment ces entreprises interagissent-elles avec l’action publique et le marché ? Comment évaluer leur performance et leur impact par rapport à d’autres entreprises publiques ou privées lucratives ? Dans cette perspective, les organisateurs locaux ont souhaité à la fois valoriser un champ de compétences fort du Lest et répondre aux enjeux de la recherche sur l’entreprise sociale en discutant les choix épistémologiques et les méthodes de recherche mises en œuvre par les doctorants à l’occasion de leur thèse, et plus largement par la communauté des chercheurs. Ce sont en effet ces choix épistémologiques et méthodologiques qui conditionnent la qualité des recherches développées. Un enjeu important, donc, face au développement rapide des travaux sur l’entreprise sociale.

Discuter les choix épistémologiques
L’équipe du Lest et l’ensemble du réseau Émes ont amplement mis leurs chercheurs à contribution dans la formation et les débats. C’est ainsi que, lors de la première session plénière Amandine Pascal et Silvia Ferreira ont abordé l’importance de l’épistémologie dans la construction de la recherche doctorale. En début de soirée, Thierry Berthet et Martine Gadille ont, quant à eux, dialogué de façon informelle avec une doctorante, Giorgia Trasciani, et une jeune chercheuse, Michela Giovannini, sur la place de l’engagement dans la recherche et ses conséquences. Dans la deuxième et la troisième sessions plénières, Ariel Mendez est intervenue sur l’analyse processuelle, tandis que Rory Ridley-Duff, Tracey Coole et Ingrid Tucci mettaient en perspective les recherches critiques et les méthodes mixtes combinant analyses quantitative et qualitative. Au cours de la quatrième session plénière, Delphine Mercier et Marthe Nyssens ont confronté leurs points de vue sur la comparaison internationale, tandis que, dans la cinquième session, Xabier Itçaina traitait de la comparaison des dynamiques territoriales locales et Andrea Bassi des comparaisons européennes. Enfin, dans la dernière session, Kate Cooney et Luiz Inàcio Gaiger ont ouvert plusieurs perspectives d’avenir en matière de recherche internationale, mettant en avant à la fois la transformation des entreprises et la sociologie de l’émergence. En complément de ces conférences, les étudiants ont pu bénéficier d’un accompagnement d’environ une heure sur leurs objets de recherche, en présence de eux ou trois chercheurs et de trois ou quatre autres étudiants avec lesquels leurs travaux pouvaient entrer en résonance.
En fin de compte, cette édition a confirmé tout l’intérêt d’une réflexion sur l’épistémologie, les méthodes de recherche et le dialogue interdisciplinaire. Elle a permis d’alerter les étudiants sur ces questions sensibles, de confronter les points de vue et de mettre en avant des avancées significatives, notamment autour de la sociologie de l’émergence ou de celle des suds. À la suite de cette école d’été et grâce au programme européen Cost, de courts séjours bénéficiant d’une prise en charge financière seront organisés entre participants. Quant à la prochaine école d’été, elle se déroulera dans deux ans, à peu près à la même période, tandis que, l’année prochaine, prendra place le nouveau colloque Émes à Sheffield, en Angleterre, qui réunira des chercheurs du monde entier sur les entreprises sociales. Le thème devrait être annoncé sous peu (voir le site de l’Émes : emes.net).

Francesca Petrella et Nadine Richez-Battesti