Après deux ans de travaux, « Plateformes en communs » propose un point d’étape
Actu
Agenda
Base Doc
Toute la Recma
- 2010
- 2019
- 2018
- 2017
- 2016
- 2015
- 2014
- 2013
- 2012
- 2011
- 2010
- 2000
- 2009
- 2008
- 2007
- 2006
- 2005
- 2004
- 2003
- 2002
- 2001
- 2000
- 1990
- 1999
- 1998
- 1997
- 1996
- 1995
- 1994
- 1993
- 1992
- 1991
- 1990
- 1980
- 1989
- 1988
- 1987
- 1986
- 1985
- 1984
- 1983
- 1982
- 1981
- 1980
- 1970
- 1979
- 1978
- 1977
- 1976
- 1975
- 1974
- 1973
- 1972
- 1971
- 1970
- 1960
- 1969
- 1968
- 1967
- 1966
- 1965
- 1964
- 1963
- 1962
- 1961
- 1960
- 1950
- 1959
- 1958
- 1957
- 1956
- 1955
- 1954
- 1953
- 1952
- 1951
- 1950
- 1940
- 1949
- 1948
- 1947
- 1946
- 1945
- 1944
- 1943
- 1942
- 1941
- 1940
- 1930
- 1939
- 1938
- 1937
- 1936
- 1935
- 1934
- 1933
- 1932
- 1931
- 1930
- 1920
- 1929
- 1928
- 1927
- 1926
- 1925
- 1924
- 1923
- 1922
- 1921
- 1920
Dans son n° 347 de janvier 2018, la Recma évoquait, « de New York à Barcelone en passant par Kuala Lumpur », un champ de connaissances et de pratiques en train de se structurer : celui des plateformes coopératives. Ces dernières sont au cœur des préoccupations de « Plateformes en communs », un groupe de travail qui a vu le jour fin 2017 au sein de l’association La Coop des communs (voir Recma n° 346 pour une présentation). Ce groupe de travail repose sur une intuition : les plateformes numériques s’inscrivant dans une logique alternative aux Gafam ont un rôle essentiel à jouer dans la convergence du coopérativisme, de l’économie du libre, de l’économie sociale et solidaire, de la promotion des communs et de la défense de la démocratie.
Réunissant plateformes en activité ou en projet, mais aussi des acteurs de l’ESS se questionnant sur la « plateformisation », c’est-à-dire la refonte de nombreuses activités marchandes ou gratuites autour de sites fonctionnant avec des logiciels dédiés et une mise en réseau, des militants du libre et des communs ainsi que des chercheurs et des chercheuses, « Plateformes en communs » s’attaque ainsi, depuis fin 2017, à des dizaines de sujets au travers de centaines d’heures de rencontres et de production, en entretenant un lien avec les expériences étrangères.
Le 16 avril, un point d’étape important a réuni à Paris, à la Maison du libre et des communs, la communauté « Plateformes en communs ». Il s’agissait de passer en revue les thématiques récemment explorées ainsi que les principaux axes de travail à développer. Où en sont les plateformes ? Quels sont les besoins qui nécessitent une coopération entre elles ? Les thèmes sont complexes et interdépendants : gouvernance et structures juridiques ; modes de financement ; interopérabilité des données ; propriété intellectuelle et image de marque ; modalités de travail et de protection sociale ; comptabilité ; annuaires d’experts ; outils de communication commun pour l’ensemble des plateformes coopératives, etc.
Des évolutions en lien avec le droit, la gouvernance, des initiatives militantes
Cette réunion a permis de prendre la mesure de plusieurs évolutions. Tout d’abord, sur le plan du droit du travail, plusieurs arrêts récents (arrêt « Take Eat Easy » de la Cour de cassation, arrêt « Uber » de la cour d’appel de Paris, décisions des prud’hommes à Nice) ont mis en lumière le contrôle exercé par certaines plateformes de services sur les activités de leurs travailleurs indépendants partenaires, ouvrant une voie potentielle à la requalification en salariat des tâches effectuées. Si le recours à la coopérative d’activités et d’emploi (CAE) a été prôné par certains, d’autres l’ont considéré de façon plus critique, soit comme un collectif de travail signant « le retour du bolchevisme » (sic), soit comme un instrument pouvant être détourné de sa vocation initiale pour transférer le coût des cotisations sociales sur les membres coopérateurs. En tout état de cause, les plateformes « alternatives » semblent inaudibles dans les débats en cours, alors que des initiatives militantes comme Coopcycle souhaitent recommencer le geste des premières mutuelles, « hors de l’État, qui ne les a jamais soutenues », avec une caisse de qualification du travail des communs, une caisse de cotisations ou encore des services mutualisés.
Ensuite, concernant les outils – juridiques, de gestion ou de gouvernance, les travaux de « Plateformes en communs » montrent qu’il est difficile de travailler séparément sur les licences d’utilisation et les structures qui les utilisent : la gouvernance est à la fois un processus et un contrat. C’est la raison pour laquelle les plateformes coopératives sont nombreuses à privilégier le recours à des structures juridiques complexes comme les Scic. Elles ont par ailleurs une pratique exigeante de la démocratie et font un usage stratégique de la licence d’utilisation de leur plateforme - une façon de réguler les usages en conditionnant les droits et les devoirs des utilisateurs à des pratiques jugées souhaitables par les créateurs.
Enfin, les questions de ressources financières ne sont guère plus faciles. Parce qu’elles sont des coopératives ou des structures non lucratives, ces plateformes n’attirent pas de financements capitalistes. Comme elles sont fiscalisées, les financements de fondations leur sont aussi fermés. Si elles cochent toutes les cases en matière de bonnes pratiques (ESS, développement territorial, travail émancipateur, etc.), ces exigences sont autant de boulets pour lever des fonds et parvenir à émerger durablement. Quelques solutions créatives apparaissent, à l’image du fonds Coopventure, qui s’est créé pour financer ce type de projet, mais elles peinent à se déployer.
Inventer des standards pour communiquer
Comme cela a été souligné lors de la rencontre, les plateformes ont découvert ces dernières années qu’elles ont intérêt à mutualiser des ressources : données, méthodes, outils, développements informatiques. Mais cela suppose d’inventer des standards pour communiquer, à travers un vocabulaire partagé et des technologies communes, ainsi que des systèmes comptables compatibles (un groupe travaille sur la comptabilité des communs et le modèle comptable Care). Un programme de recherche « Tapas » (There Are Platforms As Alternatives), piloté par le Centre d’économie de l’université Paris Nord (CEPN) en lien avec la Coop des Communs et soutenu par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), a démarré début 2019 pour identifier et valoriser les pratiques différenciantes des plateformes coopératives. Cependant, beaucoup reste à faire pour que ces plateformes puissent lutter à armes égales avec les plateformes capitalistes. Antonio Casilli, venu présenter son dernier livre, En attendant les robots, l’a illustré en procédant à une analyse approfondie de l’économie de plateformes et de son corollaire, l’intelligence « artificielle ».
Si la première étape de « Plateformes en communs » a consisté à proposer à ces structures coopératives de se réunir pour comprendre ensemble leurs raisons d’être, la montée en conceptualisation devrait permettre de faire émerger des modèles qu’il sera possible de confronter à d’autres. Autre rôle essentiel du groupe de travail : une mise en visibilité qui se manifestera notamment lors des prochaines conférences internationales auxquelles « Plateformes en communs » viendra présenter ses activités et ses accomplissements : à l’OIT en juillet, à la Platform Cooperativism à New York en novembre, au congrès mondial de l’ACI en 2020. Du pain sur la planche...
Nicole Alix et Guillaume Compain
Mots clés
Thèmes
Sur le même thème
- Les chauffeurs Uber, canuts du xxi e siècle?
- La course à la taille dans le secteur associatif des musiques actuelles. De la crise de sens à la proposition alternative d’une plateforme collaborative
- L’habitat participatif, espace de souveraineté commune ou communauté sélective de l’économie solidaire?
- Construction d’une autonomie relative dans les territoires ruraux du Nicaragua: une lecture méso-économique du coopérativisme paysan
- Construire les PTCE comme des communs sociaux: quel rôle pour les pouvoirs publics?