Usage social des biens confisqués
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Le 18 novembre dernier s’est tenue, à la Maison de l’Italie de la Cité internationale universitaire de Paris, une journée consacrée à l’usage social de biens confisqués. L’initiative en revient à l’association Demains Libres (ex Libera France), filiale de l’association Libera, qui rassemble un très grand nombre d’acteurs de la société civile italienne. Cette association a joué, et joue toujours, un rôle très important dans la lutte contre la Mafia. 18 mois après l’adoption de la loi du 8 avril 2021 améliorant l’efficacité de la justice de proximité, il s’agissait de faire un premier point sur une mesure phare de cette loi, à savoir la possibilité d’affecter, à l’issue d’instances pénales, des biens confisqués (immeubles exclusivement) à des associations d’intérêt général, des fondations reconnues d’utilité publique et des foncières sans but lucratif, et d’entamer une réflexion sur les perspectives ouvertes.
L’AGRASC (agence de gestion et de recouvrement des biens saisis et confisqués), placée sous la double tutelle du ministère de la Justice et de Bercy qui gère ces biens, peut en confier la gestion à titre gratuit à ces organismes, sachant que ces immeubles demeurent propriété de l’État. À ce jour, quatre biens immobiliers ont fait l’objet d’un AMI (appel à manifestation d’intérêt). Le bilan peut paraître assez modeste, mais il faut tenir compte du délai de parution du décret d’application (double tutelle) et du temps de familiarisation de l’administration avec une disposition tout à fait nouvelle en France. L’intérêt principal de la manifestation réside dans l’échange qu’il a permis entre l’AGRASC, représentée par son directeur général Nicolas Bessone et ses collaborateurs, avec les acteurs engagés dans une démarche similaire, que ce soit en France (Le Nid) ou dans d’autres pays européens : Italie, Belgique, Espagne, Albanie. L’exemple de l’Italie où la lutte contre le crime organisé, « grande cause nationale », s’appuie depuis plus de 20 ans sur un corpus législatif très robuste et bénéficie d’une mobilisation de la société civile dans son ensemble, est évidemment très instructif. Le contraste est, à cet égard, saisissant avec la France, notamment en ce qui concerne l’implication de la société civile. En Italie, c’est la mobilisation de la société civile (associations, syndicats, partis politiques, université, Église, etc.) en réponse à l’importance du phénomène mafieux, surtout dans la période 1980-95 marquée par l’assassinat des juges Falcone et Borsellino et du général dalla Chiese, qui a permis l’adoption en 1996 de la loi sur la réaffectation sociale des biens confisqués à la Mafia au profit des associations et des coopératives. L’idée étant que ces biens sont volés à la collectivité, ils doivent par conséquent lui être restitués. En France, au contraire, la société civile, suivant en cela l’opinion courante, est restée très en retrait, appréhendant le phénomène comme un fait divers relevant de la seule responsabilité de la puis- sance publique. Il a fallu beaucoup de persévérance et l’appui de parlementaires comme Jean-René Marsac à ceux, peu nombreux, qui ont souhaité doter la France d’un dispositif similaire à celui de l’Italie. Avec l’adoption de la loi du 8 avril 2021, l’attitude a changé. C’est le cas notamment des organisations qui interviennent dans le domaine de l’hébergement des populations en grande précarité. Un autre sujet de satisfaction est la volonté affirmée de l’AGRASC de s’investir pleinement dans le dispositif. Quant aux perspectives, elles portent d’une part sur l’amélioration du processus qui reste trop contraignant (effet Bercy !) et d’autre part sur l’extension du champ aux coopératives. Rappelons que le dispositif initial, écarté par la suite, couvrait toutes les structures ESS agrées ESUS. Cela passe par une modification législative. En conclusion les organisateurs, Demains Libres et l’association Crim’Halt, proposent d’en débattre à l’occasion d’« États généraux de l’Antimafia française », dont l’intitulé même révèle le souhait de faire partager à l’ESS une ambition plus vaste que ne l’indique le titre donné à cette journée.
Marcel Hipszman
Administrateur de la société CAISSE SOLIDAIRE
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