Réunies à Strasbourg, les coopératives européennes imaginent l’Europe de demain
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Les coopératives ont-elles un rôle à jouer pour le futur de l’Europe ? Le mouvement coopératif européen a-t-il la capacité de répondre aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux ? Au lendemain des élections européennes, une centaine de coopérateurs et coopératrices de toute l’Europe se sont réunis à Strasbourg les 6 et 7 juin 2019 sur le thème « L’Europe de demain : quel rôle pour les coopératives ? ». Elles répondaient à l’invitation de Cooperatives Europe, l’organe européen de représentation des coopératives, qui avait choisi de tenir son assemblée générale dans l’une des deux capitales de la démocratie européenne, Strasbourg, siège du Parlement et du Conseil de l’Europe, affirmant ainsi l’attachement du mouvement coopératif à l’idéal européen.
Hôte de ces deux journées en tant qu’organisation représentative des entreprises coopératives françaises, Coop FR a organisé le 6 juin après-midi une session de travail également inscrite à l’agenda «Strasbourg, capitale européenne de l’ESS 2019 ». Il s’agissait, en premier lieu, de réfléchir aux conséquences politiques du résultat des élections européennes.
Préserver différents modèles d’entrepreneuriat
L’enjeu est essentiel pour les coopératives : préserver la biodiversité des modèles d’entrepreneuriat et les spécificités coopératives. Depuis plusieurs années, les instances européennes ont lancé un programme majeur de réformes visant à harmoniser le corpus législatif. Nombre de mesures techniques adoptées dans ce cadre (en matière de droit de la concurrence, de droit des sociétés, de politique en faveur des entreprises, de normes comptables et de réglementation bancaire) ne prennent pas en compte les spécificités de la coopérative, qui est pourtant, avec la société anonyme, un des deux principaux modes d’entrepreneuriat. Pour Jean-Louis Bancel, président de Cooperatives Europe et de Coop FR, le mouvement coopératif européen doit peser auprès du Parlement européen, comme il a su le faire auprès de la Commission européenne, pour exercer une pression politique en faveur des coopératives et de l’économie sociale et solidaire. Objectif à court terme : maintenir un intergroupe européen de l’économie sociale au Parlement, lieu de dialogue et d’influence.
Sébastien Maillard, directeur de l’Institut Jacques-Delors, a partagé avec l’assistance son analyse du moment « historique » que l’Europe venait de vivre : selon lui, le nouveau Parlement européen peut permettre aux coopératives de « jouer une carte ». En premier lieu, le bond spectaculaire du taux de participation – après une campagne peu médiatisée, sans réels chefs de file et parasitée par le Brexit – est un atout en faveur de la démocratie participative au cours de cette législature, sujet sur lequel le mouvement coopératif peut apporter son expertise. Mais, surtout, les coopératives peuvent bénéficier de la nouvelle composition du Parlement, plus ouvert aux questions sociales, à l’écologie et à la redistribution des richesses. En l’absence de grand vainqueur aux élections, les écologistes et les centristes libéraux – qui ont enregistré une nette progression au détriment des grands partis traditionnels – sont des alliés potentiels pour le mouvement coopératif.
Écouter les jeunes et faire vivre les solidarités
En deuxième lieu, une attention a été portée à la jeune génération et à ses attentes. Changement climatique, égalité entre les femmes et les hommes, solidarité entre les générations, crise du logement, précarisation de l’emploi... Les inquiétudes sont nombreuses pour ces jeunes qui affrontent déjà les conséquences d’une société en pleine mutation. À quelle Europe aspirent-ils ? Une Europe soucieuse du climat, solidaire, respectueuse de l’égalité entre les femmes et les hommes, favorisant la démocratie en entreprise, la redistribution des richesses et l’accès à un haut niveau de service public.
Vendula Couvreur, vice-présidente du collectif Idealisté (idealiste.cz), et Alfonso Aliberti, du Forum pour la Jeunesse, ont ainsi dressé un portrait sans détours de la jeunesse – militante, mais qui ne s’engage plus de manière traditionnelle et n’a plus confiance dans les promesses non tenues ; une génération qui se caractérise par sa volonté d’agir et non plus seulement de discuter. « Notre devoir est d’être à leurs côtés, et le mouvement coopératif peut insuffler de nouvelles pratiques vertueuses au cœur de la société civile », ont-ils déclaré.
Enfin, Andrea Riccardi, historien, fondateur de la communauté Sant’Egidio, invité d’honneur de l’après-midi du 6 juin, a livré aux participants un message de paix à l’heure où les conflits se multiplientsur la planète. Sa conférence portait sur la question des solidarités face aux nationalismes et à la globalisation. « La solidarité ne s’est pas évanouie.
La réalité des coopératives en Europe, avec leurs 140 millions d’associés, est un signe l’espérance », a-t-il souligné. Face à la crise d&mocratique, au fondamentalisme et à l’individualisme, les coopératives contribuent à « raccommoder le tissu » des solidarités, seul capable de « réparer le monde ».
Pour Andrea Riccardi, les coopératives ont également un rôle à jouer en réponse à l’économie spéculative, au consumérisme et à l’esprit de ompétition. Dans un monde impersonnel, elles ont le courage de dialoguer et de faire vivre le lien de solidarité. Selon lui, la vraie bataille aujourd’hui se situe dans le champ de la culture : la culture de la solidarité face à l’individualisme dominant.
Chrystel Giraud-Dumaire
Synthèse et podcasts
sur www.entreprises.coop
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