Repères sur le sens et la méthode pour accompagner des démarches d’évaluation de l’utilité sociale[1]
A l’attention des concepteurs de guides opérationnels, des réseaux, des fédérations de l’ESS et des décideurs, commanditaires et techniciens des administrations et des collectivités territoriales
Préambule : Utilité d’une approche commune de l’utilité sociale
Il est possible, malgré la diversité des secteurs d’intervention et des structures juridiques (coopératives, mutuelles et associations) de l’économie sociale et solidaire, de dégager un « tronc commun » de critères et de types d’indicateurs pour mesurer l’utilité sociale générée spécifiquement par toutes formes d’entreprises et d’organisations de l’ESS.Ce tronc commun se fonde sur ce qui fait la spécificité même des entreprises et organisations de l’ESS, à savoir leurs valeurs, leurs principes d’action et leurs règles juridiques et organisationnelles, telles que définies par les lois et la réglementation en vigueur.
Quel intérêt et quel enjeu ?
Les organisations de l’ESS sont en principe, par leurs finalités mêmes, des producteurs volontaires d’utilité sociale et d’effets externes bénéfiques. Néanmoins elles se heurtent bien souvent à une méconnaissance de leurs spécificités qui a pour conséquence de rendre peu compréhensible leur impact particulier sur leur environnement économique, social ou sociétal. Cette méconnaissance a une double origine :
è Tout d’abord, une difficulté à harmoniser leur « discours » ou leurs « langages » avec celui des spécialistes (experts, techniciens) des administrations, collectivités publique qui établissent les cahiers des charges de la commande publique et qui sont rompus à la langue « pure et dure » des gestionnaires et des économistes. Se pose donc un problème de traduction de la langue « métissée » des acteurs sociaux dans le langage technique des experts (et inversement). On pourrait illustrer cette difficulté de traduction par quelques exemples courants de mots ou d’expressions qui sont source de « malentendus » ou d’incompréhension réciproque, tels que : utilité sociale/ utilité économique / utilité collective, valeur ajoutée sociale / valeur ajoutée économique, performance économique / performance sociale, gain sociétal, plus value sociale, etc.…
è Une deuxième source de méconnaissance des vraies spécificités des entreprises et organisations de l’ESS réside dans la difficulté même de faire valoir le passage des valeurs proclamées ou revendiquées à l’action ou la mise en pratique dans les structures elles-mêmes et leurs champs diversifiés d’activités économiques et sociales.
L’enjeu majeur de la présente démarche est donc de s’entendre déjà entre nous, décideurs publics et acteurs de l’E.S.S., sur le sens des mots qui guident notre action et fixent nos objectifs communs.
Quels objectifs ?
L’objectif général est d’aider les acteurs concernés par l’évaluation de l’utilité sociale des entreprises et des organisations de l’ESS, pour qu’ils soient en mesure de faire reconnaître et de valoriser la production d’utilité sociale spécifique.
Notre intention n’est donc pas de fournir un guide standard, strictement codifié, ou un manuel d’application universel, ni d’opérer une synthèse des divers guides, élaborés ou en cours d’élaboration. S’ils ont fait l’objet d’une comparaison, au cours de notre investigation, c’est aux seules fins de vérifier l’existence d’un tronc commun de critères et de types d’indicateurs ou d’indices incontournables pour mesurer et apprécier l’utilité sociale spécifique générée par toute entreprise ou organisation de l’ESS, quels qu’en soit sa nature juridique ou son secteur d’activité.
En d’autres termes, la grille d’évaluation de l’utilité sociale et plus largement ce livret n’ont nullement la prétention de se substituer aux guides de mesure de l’utilité sociale en voie de « finalisation » dans divers secteurs des OESS. Bien au contraire, c’est à partir de l’analyse comparative des travaux réalisés ou en cours que nous souhaitons fournir à ceux qui souhaitent s’engager dans la démarche de mesure de l’utilité sociale de leur structure ou de groupements d’entreprises de l’ESS, un repère ou aide mémoire, et une méthode indiquant, notamment, les critères incontournables et les principaux types d’indicateurs (de mesure) ou indices d’impact que l’on trouve dans les guides déjà élaborés.
Il s’agit donc de faire connaître et de mutualiser les résultats des travaux déjà engagés ou réalisés par des équipes coopératives d’acteurs de l’ESS, accompagnés par des « experts » qui maîtrisent à la fois le langage des acteurs sociaux et celui de leurs collègues gestionnaires, économistes qui occupent le champ de l’évaluation …. L’objectif est de faire gagner du temps à tous ceux qui veulent s’engager dans la démarche, en leur évitant d’avoir à « réinventer l’eau tiède » … ou bouillante de l’utilité sociale …
Les objectifs opérationnels sont donc :
- Développer au sein des réseaux et fédérations de l’ESS une culture de l’évaluation de l’utilité sociale, et par là même de l’évaluation ou de l’auto évaluation en général ;
- Eclairer et enrichir la pratique des producteurs de guide opérationnels, des accompagnateurs, des évaluateurs, … Il s’agit d’éveiller et de réveiller la conscience des acteurs et des « experts » eux-mêmes sur l’utilité de l’utilité sociale.
- Faciliter le dialogue entre responsables associatifs et les élus et techniciens des collectivités locales, …
Conduites sous la direction de Maurice PARODI avec l’appui de Lucile MANOURY, ces recherches actions ont associé différents acteurs au fil du temps, parmi lesquels :
En 2000-2002 :
· Michel BERARD, Directeur de l’Association Voisins et Citoyens en Méditerranée
· Claire CARTIEAUX, Chargée de Mission à Eclore
· Jany NAHON, Directrice de l’Association AMADOM, puis responsable du développement de l’association ADAR PACA, administratrice de la fédération ADESSA
· Roger NICOLAS, Coordinateur Régional des Réseaux d’Echanges des Savoirs
· Jacques POULY, Directeur de Semailles, Président du Collectif Bouge l’Insertion, vice-président des Jardins de Cocagne
· Michel RONZY, Collège Coopératif Rhône Alpes
· Pierre SICARD, Administrateur de l’Association des Artisans du Monde 06
En 2005-2007 :
· Maxence COULON, de l’Agence Régionale pour l’Environnement de PACA, et
· Christophe ANDREUX de la coopérative d’activité Oxalis, mobilisé pour la conception de la démarche d’évaluation du Graine Rhône Alpes, co-concepteurs de la démarche d’évaluation de l’utilité sociale promue par le CNAR Environnement (DEVUSE),
· Flora BOULAY, Chargée de mission au Conseil Régional PACA,
· Jany NAHON, Directrice d’AMADOM et présidente de DOM’INNO,
· Jacques POULY, Directeur de Semailles, Président du Collectif Bouge l’Insertion, vice-président des Jardins de Cocagne
· Patrice SZINETAR, Directeur de la CRES PACA.
1ÈRE PARTIE 5
RECONNAÎTRE L’UTILITÉ SOCIALE SPÉCIFIQUE DES ENTREPRISES ET ORGANISATIONS DE L’ESS 5
1. POUR SAVOIR DE QUOI ON PARLE – REPÈRES SUR LES NOTIONS 5
- Utilité sociale 5
- Effets externes ou externalités 6
- Critères, indicateurs, indices 7
- Valeurs, principes et règles 7
- Gouvernance et gestion 8
- Entreprise capitaliste 9
- Entreprise capitalistique 9
- Halo sociétal : exemple d’un jardin d’insertion (réseau Cocagne) 10
- Parties prenantes 10
2. LES SPÉCIFICITÉS DES OESS AUX ÉTAGES DE LA GOUVERNANCE ET DE LA GESTION 11
2.1 Les spécificités des OESS à l’étage supérieur de la gouvernance 11
- Le partage et le contrôle du pouvoir au cœur de la gouvernance de toute entreprise 11
- Des principes communs aux recommandations spécifiques : où se nichent donc les vraies spécificités de la gouvernance ? 12
2.2 Les spécificités des OESS à l’étage de la gestion et de « la chaîne des activités » 14
- Tout d’abord dans l’escalier entre l’étage de la gouvernance et celui de la gestion 14
- A l’étage de la gestion ou de management 14
2ÈME PARTIE 16
VALORISER L’UTILITÉ SOCIALE DES ORGANISATIONS DE L’ESS 16
1. PRÉSENTATION DES FICHES ET MODE D’EMPLOI 16
Tableau n° 1 : L’utilité sociale générée par le principe de gestion et de gouvernance démocratiques 21
Tableau n° 2 : L’utilité sociale générée par la R.S.E des entreprises et des entrepreneurs de l’ESS 22
Tableau n° 3 : L’utilité sociale générée par les principes de la libre adhésion et de la double qualité 23
Tableau n° 4 : L’utilité sociale générée par le principe d’autonomie et d’indépendance 24
Tableau n° 5 : L’utilité sociale générée par le principe « d’acapitalisme » (lucrativité limitée ou non lucrativité) 25
Tableau n° 6 : L’utilité sociale générée par le principe « d’engagement volontaire au service de la communauté » (7ème principe de l’A.C.I) 26
Tableau n° 7 : L’utilité sociale générée par l’implication des entreprises de l’ESS dans le développement territorial 27
Tableau n° 8 : L’utilité sociale liée à la couverture des besoins non satisfaits ou mal satisfaits par le marché ou les interventions publiques 28
(1) Projet de livret en cours de validation par nos partenaires régionaux (Conseils Régionaux de PACA et de Rhône-Alpes, CRESS), extrait du rapport final de recherche DIIESES, novembre 2007, équipe du Collège Coopératif P.A.M.
Ce livret s’appuie sur les travaux de recherche conduits dans le cadre de programmes de recherche de la Délégation interministérielle à l’Innovation, à l'Expérimentation sociale et à l'Economie sociale, par le Collège Coopératif Provence Alpes Méditerranée.
Ces travaux de recherche ont été conduits en 2 temps :
- 2000-2002 : Collège Coopératif P.A.M et Association Tremplin, « L’utilité sociale dans 10 champs d’activité de l’économie solidaire en PACA », DIES-MIRE, décembre 2002.
- 2005-2007 : Collège Coopératif P.A.M « Une comparaison interrégionale et intersectorielle des guides ou démarches d’évaluation de l’utilité sociale générée par les entreprises et les organisations de l’ESS », novembre 2007