Quand les communs ouvrent des voies pour des transitions pérennes sur les territoires ?
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Le congrès du Réseau international de recherche sur les organisations et le développement durable (RIODD) s’est tenu pendant trois jours - du 16 au 18 novembre 2022 - au Campus Condorcet à Aubervilliers. Cette 17e édition a été organisée par l’Université Sorbonne Paris Nord et le CEPN en partenariat avec la Chaire ETI (IAE Paris - Université Paris 1) et la Chaire Comptabilité Écologique (Fondation AgroParisTech).
Le programme scientifique du congrès a été particulièrement riche. Les organisateurs ont fait le choix de rassembler des contributions autour de trois thèmes porteurs : les communs, les territoires et les transitions. Face à un double péril - l’exploitation abusive des ressources naturelles et les inégalités croissantes - le congrès a souhaité placer le projecteur sur les initiatives collectives capables de vivre des ressources naturelles tout en veillant à leur reproduction à long terme. En cela, le mouvement des communs est particulièrement intéressant. Hors du cadre conceptuel habituel fondé sur l’opposition et/ou la complémentarité entre le marché et l’État, il ouvre une perspective critique, et favorise une attention pragmatique aux expériences émancipatrices et aux alterna- tives observées sur le terrain des transitions.
L’appel à contribution du congrès visait à décrire les initiatives de transitions écologiques et sociales à même de tisser du lien et de faire société au niveau local. La communauté académique a été nombreuse à répondre à cet appel. Plus de 110 communications réparties sur 19 sessions parallèles ont été présentées. En adéquation avec le positionnement pluridisciplinaire du RIODD, les communications ont été issues de disciplines variées : économie, gestion, sociologie, droit, géographie, écologie, etc.
Le congrès a débuté avec la journée doctorale, organisée par la Chaire ETI sous la responsabilité de P. Eynaud. Elle a été l’occasion d’accueillir les travaux de 25 doctorantes et doctorants. Deux séminaires ont nourri les travaux de cette première journée. Le premier a été consacré aux communs académiques. En cohérence avec la thématique du congrès, il s’agissait d’explorer les pratiques des enseignant.e.s chercheur.e.s qui veulent maintenir ouvert l’accès au savoir académique, conformément aux orientations du plan national pour la Science Ouverte. M-A Paveau, professeure à USPN, est venue témoigner de sa longue pratique de partage des résultats de la recherche et a détaillé les possibilités offertes par les outils existants, HAL notamment. E. Legras, responsable science ouverte à AgroParisTech, a montré comment un établissement d’enseignement supérieur pouvait venir encourager ces pratiques de partage et de mutualisation par une stratégie de soutien en interne. D. Bourguet a présenté la genèse de la plateforme « Peer community In » (PCI) dont il est l’un des cofondateurs. PCI apporte aux chercheurs un service de recommandation de preprints sur la base d’évaluations bénévoles réalisées par les pairs. Ce dispositif de science ouverte participe à la bibliodiversité recommandée par l’appel de Jussieu et offre une réponse originale pour libérer la recherche publique des éditeurs privés.
Le deuxième séminaire intitulé « Où et comment publier sa recherche sur les organisations durables ? » a permis de rassembler sur le même plateau six revues académiques et de les faire dialoguer sur leurs politiques respectives d’édition. Cela a permis d’ouvrir la discussion sur les stratégies des acteurs marchands autour des enjeux de sciences ouvertes. Les participants à ce séminaire étaient N. Postel pour la Revue Française de Socio-économie, J. Méric pour la revue Entreprise & Société, H. Delacour pour la revue M@n@gement, J. M. Bonvin pour la Revue de la Régulation, C. Berrier-Lucas pour la Revue de l’Organisation Responsable, et M. Filippi pour la RECMA.
À l’issue de la journée doctorale, F. Orsi (Université Aix Marseille) a fait une intervention inaugurale intitulée « Les communs au prisme de l’intérêt général : pour quelles transitions ? ». Remontant aux réflexions initiées au XIXe siècle, elle a montré l’intérêt de croiser les deux thématiques et a donné une profondeur politique à l’étude des communs. Trois sessions plénières ont ponctué le congrès et en ont constitué ses temps forts. La première intitulée « Échelles et gouvernance des communs » a situé d’emblée le débat sur le passage à l’échelle. Les prises de paroles de B. Coriat, professeur émérite à l’USPN, M. Sanchez de la Convention citoyenne pour le climat, J. Rochfeld (Université Paris 1) et Guiseppe Micciarelli (Université de Salerno) ont permis d’engager le dialogue autour des enjeux économiques, juridiques, et de participation citoyenne qui conditionnent la montée en puissance des communs au service d’une transition écologique et sociale.
La deuxième plénière a permis de faire le point sur un champ émergent et crucial pour notre avenir collectif : celui des comptabilités environnementales. Cette plénière organisée par la Chaire Comptabilité Écologique a rassemblé S. Bénard de la Fondation AgroParisTech, C. Feger, H. Levrel, A. Rambaud d’AgroParisTech, J. Bardy (Université Côte d’Azur) et C. Morlat (Chaire Comptabilité Écologique/CERCES). Elle a permis d’ouvrir le débat sur l’importance de cette évolution de la comptabilité à l’échelle nationale, des entreprises et des écosystèmes, sur les défis de sa mise en œuvre sur un plan fonctionnel et réglementaire, et sur les voies pour penser leur dépassement.
La dernière plénière a eu pour thématique le numérique et la transition écologique. Organisée et modérée par C. Vercher-Chaptal (USPN - CEPN), responsable de l’organisation du congrès, la plénière a rassemblé sur un même plateau S. Broca (Université Paris 8), A. Crepet de Fairphone, S. Crozat de Framasoft, L. Maurel de l’INSHS CNRS, et S. Shulz (Université Paris Nanterre). Le débat s’est construit autour des contradictions qui agitent le monde numérique dès lors que l’on aborde les enjeux écologiques. La plénière a été l’occasion d’échanger sur les questions de sobriété digitale et de souveraineté numérique. Elle a aussi permis de voir comment des initiatives coopératives et des communs numériques pouvaient dessiner des alternatives pérennes, au travers de plateformes dites substantives.
Le prix de thèse du RIODD 2022 a été remis pendant le congrès à M. Van Weeren pour sa thèse en sciences de gestion : « Transformer le monde ou se transformer : Production de la performance ESG et production identitaire dans le champ de l’analyse extra-financière », réalisée sous la direction de F. Déjean.
Le congrès du RIODD a été une nouvelle fois l’occasion de questionner et d’approfondir les travaux qui nourrissent habituellement le champ académique sur la responsabilité, la soutenabilité et les externalités des organisations et des activités productives. Il a été très encourageant de constater que l’élargissement de ces thématiques à celles des communs et des territoires a recueilli l’adhésion d’un large public et a permis une belle mise en débat.
Philippe Eynaud
Universtié de Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Clément Feger
Maître de conférences à AgroParisTech
Corinne Vercher-Chaptal
Université Sorbonne Paris Nord
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